retour sur les sept femmes d’Abobo

LES 7 FEMMES D’ABOBO

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«Le 3 mars, deux ou trois mille femmes défilent aux cris de «Gbagbo dégage». La manifestation est bon enfant. (…) Le rassemblement se tient au rond-point d’Anador, aussi appelé le carrefour du Banco. Le cortège croise les chars sortant du camp-commando d’Abobo pour aller se ravitailler au camp de gendarmerie d’Agban, circulant en sens inverse de la manifestation en direction d’Adjamé. Les femmes leur adressent des coucous de la main en signe de ralliement. Elles sont certaines d’avoir en face d’elles des tanks soustraits à l’armée par le Commando invisible lors des batailles. Subitement, des tirs atteignent les femmes. Le cortège panique, les femmes crient, s’enfuient dans la stupeur générale, personne ne comprend ce qu’il se passe. Officiellement, sept femmes meurent ce jour-là (…) Je n’étais pas sur place ce jour-là, mais lors de mes voyages à Abidjan, j’ai enquêté sur cet événement. Il me faudra des mois pour comprendre ce qu’il s’est réellement passé. Dans cette affaire, de nombreux points sont particulièrement troublants. Abibia, une marcheuse témoigne : «Au départ, nous ne voulions pas y aller. Abobo était en guerre à cette époque et cette marche était dangereuse. Mais le Golf nous a rassurées, il nous a dit que les Fongnons (les hommes du Commando invisible, ndlr) sécuriseraient la marche, et nous, nous avions une totale confiance en eux. Le Golf nous avait dit aussi que l’Onuci serait là. C’est pour cela que nous y sommes allées confiantes, habillées en boubous. Nous étions tellement rassurées qu’une des femmes est venue avec son bébé dans le dos. Elle est morte, mais personne n’a jamais mentionné le décès de son enfant.»

De son côté, le Commando invisible a été totalement surpris par cette manifestation : il n’avait tout simplement pas été prévenu par le Golf. Lorsque les hommes d’IB ont vu les femmes affluer, ils ont tout fait pour leur dire de rentrer chez elles. Mais ils ont seulement réussi à faire rebrousser chemin aux mères qui arrivaient de PK 18 et d’Anyama. En outre, à l’époque, le rond-point d’Anador n’est pas encore un territoire sous leur contrôle. Le choix du lieu du rassemblement est donc curieux.

Pourquoi donner le rendez-vous sur la route et à l’heure où les chars passent pour aller se ravitailler ? Huit mois après, Abiba s’interroge toujours : «Je n’ai pas toujours compris pourquoi le Rhdp a choisi ce lieu.» L’endroit aurait pu apparaître comme stratégique si les femmes avaient marché en direction d’Abidjan, mais le meeting de fin de cortège devait avoir lieu devant la mairie d’Abobo.

Autre élément incompréhensible, les femmes et les chars circulent en sens inverse, donc ils se font face. Or, les femmes sont atteintes dans le dos par des balles de mitrailleuse. Selon tous les témoignages recueillis, les tirs sont partis de la station Mobil à quelque quatre cents mètres environ du rond-point d’Anador. Les douilles ramassées par un des combattants du Commando invisible arrivé sur place après les tirs sont des douilles de calibre 12,7. Or les chars russes de Laurent Gbagbo sont équipés de mitrailleuses de 14 mm.

(…) Le corps d’une femme a été emmené par sa famille, présente à proximité et inhumé le jour même.Selon des témoins, les corps des six autres femmes auraient été ramassés par des jeunes hommes du Rdr, parti d’Alassane Ouattara, puis transportés dans des estafettes (petits fourgons, ndlr). (…)

Autre point étonnant : même en ces temps troublés, à Abidjan, la procédure est stricte, les victimes auraient dû être transportées à la morgue d’Anyama. Une autopsie aurait dû être pratiquée et les cadavres auraient dû être remis aux familles. Or, il n’en a rien été. Les six corps ont été enterrés dans un terrain vague, à l’insu de leurs parents, qui mettront des mois avant de connaître le lieu d’inhumation.

Plusieurs mois après les faits, la Cour pénale internationale (Cpi) se rend en Côte d’Ivoire et ne rencontre pas les familles. En revanche, l’Onuci a interrogé les parents des victimes pour connaître leur version des faits et les a encouragés à prendre des avocats. Mais sans le soutien d’une organisation, comment ces familles pourraient-elles suivre une procédure aussi complexe et payer les honoraires des avocats ? Le parquet d’Abidjan, lui, signale l’ouverture d’une procédure.

Lors de mon investigation, j’apprendrai que deux commandants proches de Guillaume Soro étaient sur place ce jour-là. Étaient-ils là pour protéger les manifestantes ?»

Extraits du livre de Leslie Varenne,
mis en ligne par Olivier Gnongoue

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version Guillaume Soro, parue dans le journal Nord/Sud du 9 mars 2011

A l’évidence, l’on n’a pas la même réaction face à une victime qu’on connaît, personnellement ou juste à travers des informations la concernant, et une autre dont on ignore tout. Pour empêcher que prospère le manque d’humanisme qui s’est invité dans le débat sur l’assassinat de sept femmes à Abobo par des soldats pro-Gbagbo, nous avons rencontré, hier, quatre des sept familles endeuillées.

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Ils sont rentrés dans l’histoire de la Côte d’Ivoire dans la douleur et dans la violence. Coulibaly Fatoumata, 34 ans, Touré Adjara, 41 ans, Koné Mayamou, 23 ans, Bamba Massiami, 18 ans, Sylla Malon, 24 ans, Ouattara Gnon Rokia, 21 ans, Koné Moyamou, 23 ans, Ami Coulibaly et un jeune d’une quinzaine d’années (non identifié) ont été froidement et sauvagement assassinés à l’arme lourde, le jeudi 3 mars dernier, par les soldats de Laurent Gbagbo alors qu’ils participaient à une marche pacifique à Abobo. Comme si cette barbarie ne suffisait pas, des organes proches de l’ex-chef d’Etat qualifient ce massacre de montage. Pourtant, dans les rues d’Abobo, tout semble être rythmé par cette horreur. Nous l’avons constaté, hier.

Koné Mayamou, 23 ans

La mère de Koné Mayamou est encore sous le choc. Au sous-quartier Samaké où nous l’avons rencontrée, elle continue de recevoir des salutations de condoléances. Le jour de la marche, relate-t-elle, sa fille lui a demandé la permission d’y aller. Ce qu’elle accepta. Loin d’imaginer que ce serait son dernier jour sur terre. A l’instar de ses camarades du quartier, Mayamou s’est rendue à la manifestation. La suite, elle la tient des amies de sa fille. Le monde entier également, pour l’avoir lu ou vu dans la presse. Contrairement aux autres victimes, Mayamou a rendu l’âme à l’hôpital général d’Abobo. La mère de la défunte parle sans pleurer. Elle le refuse. Par dignité. Pourtant la mère éplorée n’a pas besoin de parler pour qu’on devine la douleur qui la ronge. Perdre sa fille de 23 ans, son seul soutien pour subvenir aux besoins de ses autres quatre enfants, est difficile à supporter. En effet, selon sa mère, Mayamou lui venait en aide pour la prise en charge de ses enfants grâce à son commerce de noix de coco. Elle partait vendre à Angré à pied, confie-t-elle. Regardez la photo. Peut-être, l’avez-vous une fois rencontrée. Alors, vous comprendrez que ce n’est pas un animal qui a été tué. Non, ce n’est pas un montage!

Coulibaly Fatoumata, 34 ans

Depuis cette journée folle, S.A. est veuf. Coulibaly Fatoumata, son épouse depuis 1997 a été tuée par des soldats de Gbagbo. A Agbékoi où il réside, l’ambiance est loin d’être funèbre. Cette épreuve est vécue avec honneur et dignité. Des confrères de la presse internationale arrivent au même moment que nous. Signe que l’affaire intéresse plus d’une personne. Avez-vous touché à ses affaires ? , intérroge un confrère. Non, tout est comme elle l’avait laissé. Seulement, on a bu les jus qu’elle avait mis au réfrigérateur, lui répond-on. Des rires légers fusent. Puis Qui était ?’Mam” ? Son mari raconte qu’elle faisait le commerce entre la Côte d’Ivoire et le Togo. On prévoyait qu’elle commence à partir à Dubaï dès la fin de la crise, révèle-t-il. La défunte n’a pas eu d’enfant. Mais, elle était, selon le veuf, une mère attentionnée pour les enfants que lui-même avait eus avant de la rencontrer. Le jour de la marche, rapporte un voisin, elle est celle qui a le plus motivé les femmes à sortir. Elle leur disait de ne pas avoir peur. Et, qu’on peut croiser la mort partout. Elle leur disait aussi qu’autant mourir pour une bonne cause, confie un de ses beaux-frères.

Touré Adjara, 41 ans

Toujours à Agbékoi, se trouve la famille de Touré Adjara. Celle-ci laisse derrière elle trois orphelins : une fille qui s’appelle Mariam et deux garçons qui sont prénommés Solo et Arouna. Lorsque les femmes sont revenues de la marche, Arouna a pleuré toute la journée parce qu’il ne voyait pas sa mère. Personne ne savait comment le lui dire, raconte l’oncle de la défunte. Venus sans prévenir, nous n’avons pas pu avoir une photo d’Adjara. Son frère qui aurait pu nous en donner, selon l’oncle, étant absent. La mère de la victime n’en revient pas qu’on qualifie de montage la mort de sa fille. Ils disent que c’est faux ? Dieu les paiera pour cette méchanceté. Il les dévoilera. Comment peut-on ôter la vie aussi cruellement à des gens ? , interroge-t-elle.

Doumbia Mame

Autre victime à Agbékoi, Doumbia Mama. Elle laisse derrière elle une fille d’environ deux ans. Il n’a pas été possible d’échanger avec des membres de la famille. Cependant, une voisine nous a donné une photo de la défunte.

Les corps des victimes sont à la morgue. La peine des parents est grande. Rien ne pourra remplacer ces femmes. Rien du tout ! Mais une chose peut consoler leurs proches : que les coupables paient après que le combat pour lequel elles ont été tuées a abouti.

Bamba K. Inza
In Nord-Sud Quotidien du mercredi 9 mars 2011L’image contient peut-être : une personne ou plus et texte

CPI – Complot du sang de bœuf: le juge-président Cuno Tarfusser scandalisé

Bassolé Pierre Henri

Le juge-président de la Chambre, Cuno Tarfusser, selon des informations dignes de foi qui nous sont parvenues, semblait particulièrement choqué par le témoignage du spécialiste des ADN. « A la sortie de l’audience de ce jour jour, le juge n’avait plus ce sourire par lequel on le reconnaissait. Il semblait quelque peu gêné et nous sommes convaincus que le témoignage de ce jour a quelque chose à y voir dans son attitude », a expliqué notre informateur. Il faut rappeler que lors de l’audience de cette journée, le témoin, un spécialiste des ADN a révélé que les habits des victimes qui lui ont été commis pour analyses ne comportaient pas de traces de sang humain. Un coup de tonnerre dans cette affaire des femmes d’Abobo où la communauté internationale a fait croire que des femmes avaient été tuées suite à des bombardements des FDS proche de Laurent Gbagbo.
la-releve.net

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