« Mineurs-Majeurs » devenus « Microbes »

Je viens de voir la vidéo, présentée comme l’une des nombreuses attaques des microbes et je viens de convenir avec le frère Roger Youan, -au regard de leur mode opératoire-, que les meneurs de ces enfants étaient, pour la plupart, en prison avec nous entre 2007 et 2010.
Mon frère Roger Youan, sous la base de fausses accusations, était à la Maca jusqu’en janvier 2010. Moi j’y étais de décembre 2007 à décembre 2008.
Aujourd’hui, en voyant cette vidéo ( c’est la première fois que je vois ces enfants criminels agir), tous les souvenirs de la prison me sont revenus.
Quand on y était, il y avait un groupe de détenus qu’on appelait les mineurs-majeurs. Ils étaient plus de 500 et vivaient au 4è étage du bâtiment B. Ils avaient été arrêtés pour des délits mineur et, étant mineurs, ils avaient été placés dans le centre pour mineurs qui est à côté de la Maca et qui fait partie du patrimoine de la prison. N’étant pas vraiment pris en charge dans ce centre, faute de moyens, livrés à eux-mêmes (leur centre n’est séparé de la prison que par un petit portail, j’y allais souvent), dès qu’ils atteignaient 14 ans et plus, on ne pouvait plus les garder dans ce centre. Non libérés, on les déversait dans la grande prison. Où, en raison de leur jeune âge et de leur fragilité physique, ils avaient du mal à se battre dans la prison- où vivent des adultes, des caïds-pour trouver à manger. Alors, ils devenaient les « femmes » des caïds qui les violaient au quotidien avant de leur donner à manger (la pédophilie est très développée à la Maca, ça n’a pas changé).
Drogués et détruits psychologiquement (je n’oublierai jamais le regard de l’un de ces enfants que j’avais surpris un jour dans le lit d’un braqueur multirécidiviste appelé DJANGO, tué en décembre 2008 pendant la mutinerie, je raconte cela dans mon livre), ces enfants avaient fini par réaliser qu’ils pouvaient contrôler la prison en se mettant ensemble. Alors, guidés par quelques-uns, armés de couteaux et de morceaux de casseroles, ils se sont mis en bandes et semaient la terreur dans la prison. Ils faisaient peur à tout le monde, y compris les gardes pénitentiaires qui n’osaient pas mettre les pieds au 4è étage du bâtiment B.
Un matin (j’en parle dans mon livre sur la Maca), sous le prétexte qu’ils les surveillaient pour le compte des régisseurs de la prison, ces enfants, que dis-je, ces « mineurs-majeurs- sous nos yeux, ont pris en chasse deux détenus. L’un a été égorgé et l’autre, les intestins dans les mains, a réussi à rejoindre le greffe avant que le coup ultime ne lui soit porté. On a vu cela à la Maca.
En 2010, pendant la crise post-électorale, ces enfants qui n’étaient pas jugés (on ne pouvait plus le faire), ont tous été déversés dans la nature avec l’ouverture des portes de la Maca.
Aujourd’hui, en voyant la vidéo, en voyant le mode opératoire, je viens de comprendre le phénomène. Ceux qui mènent ces enfants, les plus grands, pour la plupart, je peux le dire sans craindre de me tromper, viennent de la Maca, c’est pour cela que le phénomène, jusqu’à ce jour, est circonscrit à Abidjan. Les meneurs se connaissent tous en fait, ils sont organisés, ont organisé les plus jeunes. A la Maca, quand ils opéraient, les gardes ne pouvaient pas leur tirer dessus parce qu’ils n’avaient pas d’armes à feu. Ils ont compris cela, c’est pour cette raison qu’ils agissent avec des couteaux, des machettes et des objets contondants. Ce n’est pas, à mon avis, parce qu’ils ne peuvent pas trouver des armes à feu. Tant qu’ils utiliseront ces moyens qui sont tout autant mortels que les armes à feu, ils savent que les forces de l’ordre ne recevront jamais l’ordre officieux de leur tirer dessus. S’ils opèrent avec des armes à feu, ils savent qu’ils seront abattus. Les meneurs ont expliqué aux plus jeunes qu’il ne peut rien leur arriver parce que la loi interdit leur emprisonnement avant un certain âge et les centres pour mineurs étant rare en Côte d’Ivoire, ils ne risquent rien en fait.
Voilà pourquoi, dans un éditorial publié dans mon journal sur le phénomène, j’ai parlé de renseignement. En allant au centre pour mineurs à la Maca, puis en fouillant dans les archives du greffe de la Maca, on peut retrouver les photos de tous ces enfants qui étaient dans la grande prison à cette époque. Ces photos, on pourrait les mettre dans tous les commissariats. Le reste; nos experts en sécurité savent de quoi il s’agit.
Si on ne fait pas du renseignement, si on se contente des rafles ponctuelles, on ne réglera pas en profondeur ce problème de société qui menace jusqu’à l’existence même de notre pays.
Tiémoko Antoine Assalé