Le prêtre qui fait plus de 1000 exorcismes par an

Exorcisme

Le prêtre qui fait plus de 1000 exorcismes par an

« Si vous assistez à un exorcisme, vous verrez que le diable existe ! » Le père George de Saint Hirst est prêtre exorciste dans le Sud de la France. Dans L’Exorcisme, guérison des maladies de l’âme*, il confie les épreuves qu’il a traversées et les moyens censés protéger de l’envoûtement.

Le prêtre qui fait plus de 1000 exorcismes par an

Pourquoi avoir accepté de témoigner dans ce livre ?
L’objectif était d’apporter un peu de lumière aux personnes que l’exorcisme intéresse et à ceux qui souffrent, car j’en reçois énormément. Beaucoup de victimes d’attaques paranormales me posent un tas de questions pour savoir le pourquoi et le comment de leur situation. J’ai pensé qu’il était astucieux de diagnostiquer ces maladies de l’âme, afin que tous ceux qui sont dans la souffrance puissent en identifier les symptômes, sans avoir besoin de passer par un prêtre de paroisse qui, bien souvent, manque de formation. J’en profite aussi pour rappeler l’existence de l’âme, ce corps énergétique qui peut souffrir d’autant de maladies que le corps physique, et qui a besoin de nourriture spirituelle pour être en bonne santé. Je mets également en garde les différents thérapeutes, ceux qui manipulent les énergies, et qui doivent parfois faire face à des manifestations étranges de patients, devant lesquelles ils sont impuissants. Ce livre leur dit : «Faites attention».

Quel est le profil des personnes qui viennent vous voir ? Ne recevez-vous que des croyants ?
Oh, s’il n’y avait que des croyants ! Nous ne recevons pas que des catholiques, d’ailleurs, mais aussi des gens d’autres confessions. Faisant partie d’un ordre missionnaire, nous sommes ouverts à tout le monde. Je pense que 80 % des personnes qui viennent me voir croient en quelque chose, mais sans plus. Bien souvent, pour eux, Dieu est une force universelle ou quelque chose de la sorte. Du coup, quand ils prennent conscience qu’ils sont victimes d’actes de sorcellerie ou de manifestations paranormales, ils sont dépassés. Parfois, ils finissent par aller voir un magnétiseur, qui constate une possession et les envoie vers un exorciste. Voilà le schéma classique.

Vous constatez un regain des phénomènes de possession ces vingt dernières années. Comment expliquez-vous cette augmentation ?
Pendant des années, je ne voyais que quatre-vingts personnes par an, cent au maximum. Aujourd’hui, j’en reçois autant par mois, si ce n’est plus. Je suis tellement débordé que je ne peux même pas répondre à la demande. J’ai donc formé trois autres prêtres exorcistes, qui eux-mêmes reçoivent maintenant cinq à six personnes par jour. Cet état de fait est principalement dû au manque de spiritualité, particulièrement marqué en France. À titre d’illustration, il y a aujourd’hui, tous cultes chrétiens confondus (je mets de côté l’islam), 4 % de pratiquants en France. Certaines personnes qui avaient été libérées reviennent me voir deux ou trois ans plus tard pour les mêmes phénomènes. Quand je leur demande s’ils ont gardé contact avec le Christ qui les a libérés et s’ils ont communié, ils me répondent que non, que tout ça n’est pas leur tasse de thé. À cela, il faut bien sûr ajouter la grande accessibilité des livres de magie noire et de sorcellerie, qu’on trouve facilement sur Internet ou dans les librairies. Ils ouvrent les portes du mal.

L’existence du mal et de l’enfer sont aujourd’hui en grand débat dans l’Église catholique. Pour vous, pourquoi est-il si important de croire en l’existence du diable?
Ce n’est pas une histoire de croire. Si vous assistez à des séances d’exorcisme, vous verrez qu’il existe. Ce n’est pas une croyance, mais une réalité. Après, vous mettez les mots que vous voulez dessus, en fonction de votre culture, mais si on parle des forces maléfiques de manière générale, elles existent bien. En tant que catholique, je mets le nom de diable ou démon. Je suis persuadé que le négatif attire le négatif et que le positif attire le positif : c’est la loi de l’attraction. Donc, de la même façon qu’il y a de la lumière, il existe des forces obscures.

Est-ce que les exorcismes se passent comme dans les films ?
Le film L’Exorciste est un peu exagéré, mais pas entièrement, notamment la scène de la fille dans la position du pont, qui marche à quatre pattes avec le corps renversé vers le plafond et la tête en bas. Les lévitations aussi, j’en ai vues. Un film assez fidèle à la réalité est Le Rite, avec Anthony Hopkins, où se manifestent des grenouilles par centaines, qui sous la prière se mettent à mourir une à une ou à s’enfuir. J’ai aussi vu des milliers d’abeilles envahir une pièce, sans qu’un apiculteur n’arrive à les déloger, même après avoir enlevé l’essaim : quelques heures après, elles étaient toutes revenues. J’ai alors effectué une prière d’exorcisme, et les abeilles sont tombées comme des mouches (rires). Il ne restait plus que des corps inertes.

Vous savez, on voit des choses incroyables : des personnes qui, d’un seul coup, ont dix fois la puissance d’un être normal, qui se mettent à parler dans des langues étrangères avec une voix inconnue (glossolalie), dont la peau change de couleur pour devenir bleutée, dont les yeux deviennent entièrement rouges avec parfois les pupilles comme des fentes… C’est pour ça que quand vous me demandez si le diable existe, je vous réponds oui ! Je vois cette puissance démoniaque se manifester de façon hallucinante à travers ces gens. J’avais formé certains prêtres pour être exorcistes, mais lorsqu’ils sont tombés pour la première fois sur une puissance démoniaque, ils ont décidé de tout arrêter ! Récemment, un des pères qui exerce avec moi a été physiquement anéanti et mentalement très perturbé, voire traumatisé, par ce qu’il a vu. Il souhaite arrêter.

Qu’est-ce qui vous permet, à vous, de ne pas être traumatisé par ce que vous voyez ?
– Cela s’explique en partie par mon histoire : j’ai été militaire de carrière, avant de travailler au ministère des Affaires étrangères. J’ai donc commencé par voir le côté un peu obscur et noir de l’homme, ce qui m’a déjà permis de ne plus être impressionné par l’humain. Ensuite, j’ai vécu trois expériences de mort imminente, dont la dernière où j’ai vu la puissance absolue du Christ juste en face de moi. Là je me suis dit : « Alors, c’est qu’il existe ! » Ce fut une révélation. Ma vie n’a plus été la même, et je suis entré au séminaire. Auparavant j’étais incroyant, aujourd’hui, j’ai une foi absolue. Si le mal peut se manifester avec autant de puissance, c’est que Dieu est encore plus fort. Dans la mesure où on s’en remet à la puissance de Dieu, on n’a rien à craindre.

Dans un entretien paru dans Le Monde des Religions n ° 85, le père Vincenzo Taraborelli, exorciste du Vatican, déclare : « Avant de posséder quelqu’un, Satan lui demande toujours la permission. » Comment donc devient-on possédé ?
Quand vous êtes en état de péché, vous lui donnez effectivement la permission, par exemple si vous êtes en colère. Je ne parle pas d’une colère juste et spontanée, calculée sur deux ou trois minutes et sans aucune haine – comme celle de Jésus quand il chasse les marchands du temple –, mais d’une colère démesurée, qui dure du matin au soir, où l’on tombe dans la violence morale, la violence physique et la haine… Là, vous donnez l’autorisation au mal d’entrer en vous, vous lui ouvrez une porte, voire un portail ! De la même manière, quelqu’un qui vit dans la luxure n’est en rien dans l’amour et la compassion et développe des failles.

N’est-ce pas se décharger de sa responsabilité que de la rejeter sur le diable quand on agit mal ?
Attention, je ne vous dis pas que le péché est mal : il ouvre la porte au mal en nous rendant beaucoup plus fragile, c’est différent. Nous ouvrons la porte par notre comportement. Nous restons donc responsables, puisque c’est notre manque de spiritualité, notre incroyance, notre façon de vivre, qui ouvre la porte aux attaques paranormales. Nous sommes les causes de notre propre malheur, les artisans de notre propre destruction, en permettant aux forces obscures de s’emparer de nous. Quelqu’un qui a une vie équilibrée et saine, qui vit dans la paix intérieure, ne risque rien. Il faut vivre en équilibre. Le vrai mal de l’âme, c’est de ne pas avoir la paix. Si vous êtes dans l’acceptation et non dans la révolte face aux situations négatives, vous ne risquez pas de tomber dans le mal. De même pour les actes de sorcellerie : si vous êtes quelqu’un qui n’a pas une vie spirituelle ou physique équilibrée, si vous avez des failles, alors vous serrez vulnérable, car le négatif attire le négatif. Tandis que si vous avez un esprit positif, il est impossible qu’un acte négatif vienne vous perturber. Impossible !

Vous avez parlé d’acceptation face aux situations négatives. Quelle différence faites-vous entre acceptation et résignation ?
Se résigner, c’est courber l’échine ; accepter, c’est reconnaître la situation et rendre grâce. Je viens de sortir d’une crise de paludisme, un mal qui me terrasse depuis plus de trente ans à intervalles réguliers. À chaque crise, je remercie le Seigneur parce que c’est pour moi l’occasion de me reposer, étant donné qu’en temps normal, je donne la priorité aux souffrants. Je rentre dans l’acceptation de la maladie, parce que je sais qu’elle va m’apporter quelque chose. Dans la résignation, il y a du fatalisme. Dans l’acceptation, on ne se dévalorise pas, on accepte l’épreuve parce qu’elle va nous rendre plus fort, comme le Christ a accepté la croix avant de ressusciter. Quand vous suivez le cheminement de la vie du Christ, vous suivez le cheminement de la vie pour tout homme. C’est un grand message d’espoir, un exemple pour tous.

Vous travaillez en collaboration avec des psychiatres. En quoi êtes-vous complémentaires ?
Religion et science se rapprochent de plus en plus. Il suffit de lire les travaux du médecin et docteur en philosophie Raymond Moody, qui démontrent que la conscience se trouve non dans le corps physique mais dans un corps énergétique, à l’extérieur du cerveau. Les médecins s’aperçoivent que nous arrivons à soigner des phénomènes pour lesquels ils n’avaient aucune solution. Ils sont donc obligés de constater que quelque chose leur échappe. Ainsi, le neuropsychiatre Yann Rougier admet lui-même, dans la préface du livre, que ce monde invisible tend à être reconnu par les neurosciences. À l’inverse, des gens souffrants de troubles psychiatriques viennent me voir en se disant possédés. Je les invite alors avec tact à consulter un neuropsychiatre ou leur médecin traitant. J’ai tout un questionnaire afin d’établir une sorte de diagnostic des personnes qui viennent me voir. En fonction des réponses qu’ils me donnent, je vais m’occuper d’eux ou non. Je refuse de pratiquer un exorcisme juste pour satisfaire quelqu’un alors qu’il souffre d’un problème psychique.

Vous faites de nombreuses références à d’autres mouvements spirituels et religieux, allant même jusqu’à établir des comparaisons entre Jésus et Lao Tseu. Faire appel aux autres religions n’entre-t-il pas en contradiction avec votre foi ?
Non, pas du tout. Je pense simplement qu’il est important d’avoir la foi, et qu’en fonction de sa culture on dispose d’un culte adapté. Même en étant persuadé qu’il n’y a qu’un seul Dieu, je suis dans le respect de toutes les cultures et de tous les cultes, dans la mesure où ils aboutissent au bien et à l’idée d’un Dieu unique. En passant un peu de temps avec des moines zen, nous nous sommes rendus compte que nous disions à peu près les mêmes choses, interprétées légèrement différemment. Par exemple, quand je vais parler d’acceptation, eux vont parler de « lâcher-prise ». Si nous n’utilisons pas le même vocabulaire, nous décrivons exactement la même chose. Dieu est amour, et la puissance de Dieu est universelle : dès qu’une personne est touchée par l’amour, Dieu est là. Je respecte donc ses vérités. Ce ne sont peut-être pas les miennes, certes, mais chacun a la sienne après tout. Toute vérité se respecte dans la mesure où elle est dans la lumière.

Quels conseils donneriez-vous pour se protéger du mal ?
Retrouvez une spiritualité, quelle que soit votre culte : que vous soyez catholique, bouddhiste, juif, musulman, protestant ou orthodoxe. J’encourage simplement à avoir une spiritualité et à nourrir votre âme. C’est ainsi que l’on retrouve des valeurs, que l’on considère que tout n’est pas que bien matériel, que l’on apprend à se connaître et à s’aimer, car on ne peut aimer son prochain que si l’on commence par s’aimer soi-même. Avec cet amour de soi et des autres, au lieu de la violence, nous aurons la compréhension, le partage, l’entraide… Les valeurs chrétiennes sont magnifiques. Je ne parle pas de celles des institutions religieuses, du monde administratif des paroisses et des diocèses, car il ne faut pas tout mélanger. Je parle des valeurs chrétiennes telles que l’amour de son prochain, le partage, la compréhension, le respect de soi et des autres… Tout est à reconstruire.

(*) L’Exorcisme, guérison des maladies de l’âme, Père George de Saint Hirst, entretiens avec Julie Klotz (Guy Trédaniel éditeur, 2018).

Le père George de Saint Hirst a grandi aux Antilles britanniques. Après une carrière de militaire dans les troupes aéroportées, il est devenu conseiller au ministère des Affaires étrangères, tout en reprenant la distillerie familiale sur l’île de Saint Dominique. Alors marié et père de famille, il eut trois expériences de mort imminente, dont la dernière fut pour lui particulièrement marquante. À l’âge de 45 ans, il devient prêtre exorciste de l’Église vieille-catholique romaine [Église indépendante du Vatican, qui refuse notamment la juridiction universelle du pape, ndlr]. Il exerce aujourd’hui près de Saint-Laurent-du-Var.

Julie Klotz est journaliste. Elle a notamment travaillé pour Nice-Matin, ainsi qu’au Monde des Religions . Elle a également collaboré à l’écriture du livre Voyage aux confins de la conscience (Guy Trédaniel éditeur, 2016).

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