la loi de Moïse

5. La Thora de Moché est éternelle et globale


5.1. Moché, l’humble à la capacité illimitée

5.2. La Thora écrite et la Thora orale

5.3. Caractère global et caractère partiel (sur les controverses dans la Thora)

5.4 Transmission et renouvellement dans la Thora


Puisque le peuple d’Israël était créé, et qu’il était capable de recevoir la Thora, alors la Thora éternelle et globale fut donnée au monde. Elle regroupe sous sa conduite toutes les situations et tous les temps.

5.1. Moché, l’humble à la capacité illimitée

Moché notre maître est

Le plus humble de tous les hommes que la terre ait porté.  [Nombres 12, 3]

L’humilité n’est pas synonyme de faiblesse. Quand on demande à un homme de prendre une responsabilité, il arrive qu’il se dérobe en feignant  l’humilité : “Qui suis-je et que suis-je ? Que d’autres le fassent !”. En vérité, ce n’est pas de l’humilité mais de l’oisiveté, de la faiblesse, de la couardise et de l’irresponsabilité, sous couvert d’une cape d’humilité. Quant à l’homme vraiment humble, ce n’est pas celui qui se prend pour un incapable. Il connaît au contraire ses aptitudes et son potentiel, mais il sait aussi que tout cela ne lui vient que de Dieu, et pour le service de Dieu.

Tout vient de Lui, et pas de nous.  [Kouzari 2, 50]

Moché notre maître est vraiment humble, et il sait que rien de ce qu’il a ne vient de lui, mais seulement de Dieu. Et c’est justement pour cela qu’il a tout pour lui, toute la Thora dans son intégralité.

De toute ma maison il est le plus digne de confiance.  [Nombres 12, 7]

Pour cette raison, c’est lui qui est choisi pour recevoir toute la Thora, et pour la transmettre à Israël.
[voir Midrach des Dix Commandements]

5.2. La Thora écrite et la Thora orale

La Thora n’est pas que la Thora écrite, mais c’est aussi la Thora orale. La Thora orale ne s’ajoute pas à la Thora écrite, mais elle l’explique et l’élargit. En réalité, tout se trouve dans la Thora écrite [Midrach Thorat Cohanim, Behoukotaï paracha 2, chap.2], et la Thora orale ne fait que nous guider pour puiser dans la Thora écrite des solutions à tous les problèmes, à toutes les situations nouvelles de toutes les générations et de toutes les époques.

Nos sages ont décrit Moché notre maître entrant au Beit Midrach de Rabbi Akiba, qui siégeait et interprétait les couronnes des lettres de la Thora, apprenant des halakhot de chacune d’elles. Moché se tenait debout et il écoutait, mais il ne comprenait pas de quoi il s’agissait. Il sentait son esprit défaillir, jusqu’à ce qu’un des étudiants demande à Rabbi Akiba : “Rabbi, d’où tiens-tu cela ?” ; et Rabbi Akiba répondit : “Halakha donnée à Moché du Sinaï…” [Menahot 29b]. Tout est condensé dans la Thora écrite, mais Moché notre maître exprima les choses sous une forme générale, et Rabbi Akiba, comme les sages de toutes les générations, faisait ressortir les aspects particuliers enfouis dans les généralités de la Thora [Maharal, Tiféret Israël chap.63]. La force de Moché notre maître est la force de la Thora dans sa généralité, et à partir de cette force les paroles de Thora s’étendent et s’élargissent aux plus petits détails, déterminant une conduite à tenir dans toutes les situations de la vie.

5.3. Caractère global et caractère partiel (sur les controverses dans la Thora)

Quelqu’un dira peut-être : certes, Moché a reçu la Thora, mais c’est la manière dont lui-même l’a comprise, peut-être peut-on la comprendre autrement. En effet, nous voyons qu’il existe des controverses entre les sages, et nous disons à ce sujet :

Les unes et les autres [opinions] sont des paroles du Dieu vivant.  [‘Irouvim 13b]

Peut-être peut-on aussi comprendre la Thora d’une autre manière que Moché notre maître ?

Eh bien non. Moché n’est pas qu’une partie de la Thora, il en est la totalité. C’est une âme spéciale créée par le Maître du monde pour recevoir toute la Thora. Tout ce qui pouvait être transmis depuis les Cieux à un être de chair et de sang a été transmis à Moché notre maître, depuis les généralités jusqu’aux détails. Tout autre sage ne représente qu’une certaine compréhension de la Thora [‘Haguiga 3b]. À chacun ses lunettes, et la couleur des verres à travers lesquels il voit le monde. Même l’individu voit différemment de ses deux yeux, et celui qui regarde d’un seul œil n’a pas la perception de profondeur qu’a celui qui regarde avec ses deux yeux.

D’un sage à l’autre les points de vue diffèrent. L’un voit tout sous l’angle de la ‘loi’ [le ‘din’], alors que l’autre voit tout sous l’angle de la ‘bonté’ [‘hessed’]. Chacun est un homme de vérité, et il a raison de son point de vue, c’est pourquoi “les unes et les autres [opinions] sont des paroles du Dieu vivant”. Mais chaque point de vue n’est que partiel, et donc restreint. Tel n’est pas le cas de Moché notre maître.

Dans toute ma maison il est le plus digne de confiance.  [Nombres 12, 7]

Il voit d’une vision limpide.  [Yébamot 49b].

C’est une vision claire, sans écrans, sans lunettes colorées. Il voit l’intérieur de la maison par toutes les fenêtres à la fois, et pas dans une perspective particulière – c’est pourquoi il voit tout. Il est toute la Thora. Il n’est pas possible de comprendre autrement que Moché, car toute compréhension différente est une compréhension extérieure à la Thora. C’est pourquoi on ne peut pas s’opposer à Moché, et Korah’ et sa faction, qui s’étaient lancés dans une controverse avec lui, ont été engloutis par la terre.

Bien que nous disions à propos des controverses des Sages : “Les unes et les autres sont des paroles du Dieu vivant”, les disputes ne sont pas l’idéal. L’idéal, c’est Moché notre maître, qui voit tous les aspects différents à la fois, exactement à leur place, car alors il n’y a pas de controverse. La controverse vient de la vision partielle, quand chaque sage voit les choses de son propre point de vue. Il faut réduire les controverses en élargissant le regard, en agrandissant l’angle d’approche. Plus un homme est grand, plus il saisit les choses à leur racine, et plus les controverses s’estompent. Et à l’inverse :

Quand se multiplièrent les élèves de Chammaï et d’Hillel qui n’avaient pas complété leur service, les controverses se multiplièrent en Israël.  [Sanhédrin 88b]

Parce qu’ils n’avaient pas suffisamment servi leurs maîtres, leur vision des choses était restreinte et partielle, c’est pourquoi les controverses se multiplièrent. C’était comme si leurs maîtres eux-mêmes, Hillel et Chammaï, regardaient dans la pièce chacun par une fenêtre, alors que les élèves regardaient chacun par un petit trou. Ils y voyaient donc beaucoup moins bien, et chacun voyait quelque chose d’autre. Ce que voit chaque élève est véridique, mais c’est une vérité partielle réduite à son point de vue. Si les élèves avaient suffisamment servi leurs maîtres, ils auraient élargi leur regard jusqu’à l’ampleur de vue de leurs maîtres. Alors ils auraient vu davantage, plus seulement l’image très limitée visible de leur petit trou, mais la grande image que voyaient leurs maîtres, et alors les points de controverse auraient été beaucoup moins nombreux. Mais chacun n’était qu’une miette de son maître, c’est pourquoi les controverses se multiplièrent.

L’idéal est d’arriver à une vision globale, de s’approcher autant que possible du regard global et unificateur de Moché, qui voit tout. Alors chaque valeur est remise à sa place, et tout se retrouve en ordre dans le chalom.

5.4. Transmission et renouvellement dans la Thora

La Thora de Moché est éternelle et globale. Le Maître du monde a donné la Thora de manière complète et en une seule fois [Kouzari I, 80-81]. Tout ce qu’il était possible de transmettre depuis les Cieux a été transmis à Moché [voir Midrach Devarim Raba 8, 6]. Depuis lors, aucun prophète n’est autorisé à y rajouter quoi que ce soit, et tous les problèmes nouveaux trouvent leur solution à partir des principes généraux, éternels, qui furent donnés à Moché au Sinaï. Il n’y a pas d’évolution possible dans la Thora, comme c’est chose commune dans les autres religions. Une religion d’origine humaine est créée par un homme qui invente une idée fondatrice. Cette idée plaît à un certain groupe humain, ces gens en discutent entre eux, ils l’étoffent et lui donnent de l’ampleur. Ensuite arrive un autre homme à l’esprit brillant, qui n’est pas satisfait et ajoute autre chose, selon ce qui lui importe. Ainsi, les religions évoluent et se transforment au fil des générations. Mais la Thora, d’origine divine, est éternelle et ne change pas. Elle s’accorde à toutes les réalités passées et futures, et ne dépend pas des contingences.

À ce sujet on raconte une histoire : un cocher avait loué ses services pour transporter des tonneaux dans son chariot. L’hiver était rigoureux et la route était glacée. Son chariot se renversa et les tonneaux se brisèrent. Le propriétaire des tonneaux porta plainte au Beth-Din, et le juge condamna le cocher à payer les dommages conformément à la loi de la Thora. Le cocher demanda au juge : “Quand la Thora fut-elle donnée ?” – “En Sivan.” – “Ahah !” s’exclama le cocher, “en Sivan il n’y a pas de glace, c’est pour cela que la Thora me rend responsable, si elle avait été donnée en hiver, elle ne m’aurait pas pénalisé”.

Il est vrai que les Talmidé Hakhamim introduisent des hidouchim [‘innovations’] à toutes les générations, et quand l’un d’eux découvre quelque chose dans la Thora, “on ne le néglige pas” – en méprisant ses paroles, “on ne le met pas mis à l’écart” – en disant de lui que c’est un orgueilleux pour avoir osé dire une chose qu’on n’avait jamais entendue jusque là, “on ne fait pas se rétracter” – on ne l’oblige pas à se démarquer de ce qu’il avait enseigné et à se repentir. Il y a une place pour l’innovation ; même si les Talmidé Hakhamim plus grands que lui n’avaient pas dit comme lui, cela n’invalide pas son hidouch : “ses pères lui ont laissé la place de trouver un champ d’action digne de lui” [‘Houlin 7a, et Rachi sur place].

Cependant nous disons à propos de tous les hidouchim :

Tout ce qu’un étudiant confirmé dira dans l’avenir devant son maître, tout cela fut donné comme halakha à Moché du Sinaï.  [Kohélet Raba 5, 6]

Tout hidouch authentique est inclus et enveloppé dans les principes de la Thora donnés à Moché. Les Talmidé Hakhamim ne font que mettre à jour ce qui est enfoui dans la Thora de Moché, ils élargissent et détaillent ses généralités.

Cependant, comment pouvons-nous savoir si les hidouchim sont fondés ? Comment pouvons-nous être sûrs que tous les commentaires et les hidouchim sont effectivement contenus dans la Thora ? Nos sages disent  à ce sujet :

“Si écouter vous écoutez…” [Deutéronome 11, 13, deuxième § du Chéma Israël] – si tu écoutes l’ancien, tu entendras le nouveau.  [Rachi sur place ; Souka 46b]

Prenons le cas d’un Talmid Hakham qui toute sa vie étudie avec ferveur et dévouement “l’ancien” (c’est-à-dire la Thora transmise par tradition), qui s’efforce de l’approfondir et de la comprendre avec la foi absolue que toute la Thora que nous avons vient des Cieux, qui se remplit de Thora et devient lui-même ‘ancien’ (c’est-à-dire imprégné de la tradition); quand un tel homme dit une parole innovante, il est clair pour nous que son ‘nouveau’ est en continuité avec ‘l’ancien’, avec la Thora de Moché venue du Sinaï. Mais si quelqu’un ne s’inscrit pas dans ce profil, ce qu’il dit ne peut pas être considéré comme de la Thora. Ce n’est pas toute idée nouvelle qui est Thora, ce n’est pas toute chose nouvelle qui se sanctifie [voir Maamaré Haréaïa, ‘Hahadach bemedina ouvemikdach’, pp.181-182]. Il ne faut pas rendre cachère toute opinion sous prétexte d’ouverture.

Un homme fait pousser ses idées selon ce qui est implanté dans son cœur, tout comme lorsqu’on a planté un poirier il ne pousse que des poires et pas des pommes. C’est pourquoi, si un homme est enraciné dans la culture étrangère, ses paroles ne sont pas de la Thora. Si au contraire s’applique à lui la formule : “Et il a planté en nous la vie éternelle” [Bénédictions de la Thora], alors la Thora fleurit dans son jardin.
ravKook-lumieres.com

si vous voulez aller plus loin, voici un autre enseignement du rav Kook, premier Grand rabbin d’Israël,  la torah et la prophétie