La Com mensongère de Ouattara dans Paris-Match

PARIS MATCH ET LES CONTRE-VERITÉS DE ALASSANE OUATTARA
Ouattara a accordé une interview fleuve au quotidien français Paris Match. J’ai décidé d’adresser une réponse au journal en question pour soulever certaines incongruités contenues dans l’interview.
Steve Beko

A M. OLIVIER ROYANT,
DIRECTEUR DE LA REDACTION DE PARIS MATCH
OBJET : L’interview de M. Alassane Ouattara parue dans votre édition du jeudi 24 septembre 2020
M. le Directeur de la rédaction,
Afin d’interviewer le président sortant de la Côte d’Ivoire M. Alassane Ouattara, votre hebdomadaire a dépêché sur place à Abidjan une équipe composée de deux journalistes et d’un photographe.
J’ai pris la peine de lire cette interview ce matin et j’avoue avoir été profondément déçu par la qualité de celle-ci. J’estime à mon humble avis que lorsque des journalistes font un si long déplacement pour interviewer une personnalité politique, elles doivent parfaitement maitriser le sujet dont il est question.
Et pourtant, la pauvreté des relances laisse croire qu’il s’agissait plus d’une opération de communication savamment orchestrée pour blanchir Ouattara plutôt que d’une démarche journalistique qui n’aurait d’autres buts que la recherche de la vérité.

M. le Directeur de la rédaction,
L’exercice de l’interview dans la profession de journaliste, les relances sont semblables à un diagnostic pour un médecin. Des relances complaisantes tout comme un mauvais diagnostic dénote soit du fait que le médecin n’est pas qualifié, soit qu’il refuse de soigner le malade.
Dans le cas des journalistes Hervé Gattegno et Caroline Mangez, je ne sais dans quelle catégorie les situer. Vous me permettrez donc de vous apporter certaines demi-vérités et certains mensonges de M. Ouattara que vos journalistes n’ont pas jugé utile de relever.

M. le Directeur de la rédaction.
En ce qui concerne la légalité de sa candidature, M. Ouattara insiste sur le fait qu’étant donné que sommes dans une nouvelle république depuis la constitution de 2016, il lui est encore loisible de briguer un autre mandat. Je suis surpris que vos journalistes ne lui fassent pas remarquer que la Constitution de 2000 tout comme celle de 2016 limite le nombre de mandat à deux. Par conséquent, on ne pourrait pas arguer d’une nouvelle constitution pour s’octroyer deux autres mandats. C’est une question de logique. Parce que si l’on s’en tient au raisonnement de Ouattara tout président pourra dans son dernier mandat changer la constitution et s’en offrir deux autres ainsi de suite. Qu’est ce qui empêcherait par exemple Ouattara de changer la constitution dans quelques années et de remettre les compteurs à zéro comme il le prétend ? Cet argument bancal supprimerait de fait la limitation des mandats. Vous conviendrez avec moi que c’est assez léger. Sur ce même sujet, Ouattara affirme que les ex-président Gbagbo et Bédié ont tous les deux briguer un troisième mandat et que par conséquent, il ne serait pas le premier.

C’est ahurissant qu’aucun des deux journalistes ne soulève ce mensonge grossier. Henri Konan Bédié est arrivé au pouvoir en 1993 à la suite du décès du président Houphouët Boigny. Il a été candidat en 1995 et chassé du pouvoir par un coup d’état en 1999. D’où vient-il qu’il brigue un 3ème mandat successif ? Laurent Gbagbo a été élu en 2000 avant qu’une rébellion ne divise le pays en deux rendant impossible l’organisation de la présidentielle avant les accords de Ouagadougou et la présidentielle de 2010. A quelle occasion a-t-il brigué trois mandats successifs ?

M. le Directeur de la rédaction
Ouattara affirme entre autres que le parrainage citoyen introduit par le code électoral lui a été imposé par l’opposition. La moindre des choses serait qu’on lui demande quelle opposition et à quelle occasion. C’est un autre mensonge qui est passé au nez et à la barbe de vos journalistes. Dois-je vous rappeler que le nouveau code électoral a été écrit par Ouattara lui seul sans même en référer au parlement et qu’il l’a imposé à tout le monde ? Imaginez vous Emmanuel Macron rédiger tout seul les conditions pour être candidat à la présidentielle de 2022 en France ? Ce qui n’est pas acceptable en France ne l’est pas en Côte d’Ivoire. La démocratie est un principe universel.
M. le Directeur de la rédaction
En ce qui concerne Laurent Gbagbo, Ouattara justifie son refus de le voir revenir dans son pays parce qu’il serait en liberté sous condition. Il attendrait donc le verdict final de la CPI afin d’autoriser son retour en Côte d’Ivoire. Là encore, c’est un grossier mensonge que vos journalistes n’ont pas jugé opportun de relever. Laurent Gbagbo a été acquitté par la CPI le 15 janvier 2019. La procureure bien évidemment a fait appel de cet acquittement et en mai 2020, toutes les restrictions qui lui avaient été imposées par la cour ont aussi été levées. Dès lors, il peut se rendre en Côte d’Ivoire mais il en est empêché par Ouattara qui lui refuse la délivrance d’un passeport ordinaire. C’est donc une violation de ses droits les plus élémentaires.

Que dire du cas de Simone Gbagbo ? Ouattara prétend l’avoir amnistiée parce qu’il n’a pas voulu être le premier chef d’état à transférer une femme à la CPI. Il avance qu’elle été « une mauvaise conseillère » pour son mari mais que c’est ce dernier qui était responsable.

Dois-je vous rappeler que Mme Gbagbo a été détenue en prison de 2011 à 2018 ? Depuis quand le fait d’être une « mauvaise conseillère » est un délit ?

M. le Directeur de la rédaction
La devise de votre hebdomadaire est « La vie est une histoire vraie » mais force est de constater que cette fois-ci, vous avez raconté une fausse histoire. J’en suis arrivé à la conclusion que vous étiez plus dans une opération de communication que dans une opération journalistique et vos lecteurs méritent mieux.
Les six pages consacrées au président sortant Ouattara dans votre édition de ce jour est une publicité et non une opération journalistique. Vous m’en voyez navré.
Fabrice Lago
Spin Doctor Junior, Exilé politique ivoirien.

NB : La version initiale envoyée à la rédaction est plus longue. J’ai dû la réduire pour la poster.