Israel : 70 ans !
Vive l’in(ter)dépendance…
Par le Rav Daniel Epstein
Israël s’apprête à fêter le 70eme anniversaire de son indépendance, en hébreu Yom Ha-atsmaout. Il est intéressant de constater que le terme hébraïque de « Atsmaout » est porteur d’un autre sens que le mot « indépendance ». Il signifie littéralement le « soi-même », dérivant du mot « atsmi » qui veut dire soi-même. On dira qu’il s’agit d’une simple nuance, mais nous, qui ne cessons de commenter la moindre lettre de nos textes anciens, devons être attentifs au sens du mot désignant notre fête nationale.
L’indépendance, nous dit le Petit Robert, est l’état d’une personne ou d’un groupe qui ne dépend de personne et n’est soumis à aucun autre organe ou collectivité. En ce sens, au 21eme siècle, y a-t-il un Etat qui peut être qualifié d’indépendant ? Le courant nationaliste et xénophobe qui s’impose un peu partout sur la planète et s’oppose à l’interdépendance globaliste, aspire précisément à l’émancipation de toute dépendance extérieure. On peut légitimement douter, à l’ère des échanges économiques planétaires et des réseaux de communications reliant les points les plus éloignés du globe, du réalisme d’une telle prétention. A moins, bien sûr, d’un repli sur soi et d’une limitation des échanges, ainsi que d’un contrôle des esprits et des moyens d’information.
La Torah ne parle pas d’indépendance, mais de sortie de la « maison des esclaves ». Cette sortie, qualifiée dans la Haggada de « Gueoula », est le prélude au don de la Torah. Nous sommes libérés du joug d’un pouvoir tyrannique pour être en mesure d’accepter la loi que nul pouvoir humain ne peut modifier ni abroger. Cette loi est imposée aussi bien aux individus qu’à la collectivité et à l’Etat. Un bel exemple nous est donné dans le Traité Tamid 31b. Le Talmud y rapporte un échange entre les Sages d’Israël et Alexandre le Grand. Celui-ci leur demanda : Que doit-on faire pour se rendre populaire ? Réponse des Sages : Haïr le pouvoir et l’autorité. Et Alexandre de répliquer : J’ai une meilleure réponse que la vôtre : il faut aimer le pouvoir et l’autorité et en profiter pour accorder des faveurs aux gens.
Dialogue essentiel entre le conquérant, disciple d’Aristote et les Sages d’Israël sur les limites du pouvoir et la tentation du populisme. Emmanuel Levinas, dans une lecture talmudique intitulée «Au-delà de l’Etat dans l’Etat» y voit «dans ce refus du politique de pure tyrannie, les linéaments de la démocratie, c’est-à-dire d’un Etat ouvert au mieux, toujours sur le qui-vive, toujours à rénover, toujours en train de retourner aux personnes libres qui lui délèguent, sans s’en séparer, leur liberté soumise à la raison.» La démocratie signifierait la dépendance réciproque du pouvoir et du peuple. Un pouvoir qui ne rendrait pas des comptes serait pure idolâtrie.
La Torah s’oppose également à une autre forme de tyrannie, celle du conditionnement des esprits par la propagande et la démagogie, comme le montre bien l’épisode tragique de la révolte de Korach et de son assemblée. C’est là une forme insidieuse de dépendance, dont nous sommes souvent les victimes inconscientes.
Tournons-nous alors vers le terme hébraïque d’ «Atsmaout». Il apparait pour la première fois sous la forme nominale à l’occasion de la création de la femme.
D.ieu prélève un « côté » de l’homme –« tsela »- terme que Rachi compare à un côté de l’autel des sacrifices, et l’homme, s’éveillant de son sommeil, s’exclame : « Cette fois-ci, os (etsem) de mes os et chair de ma chair, celle-ci s’appellera Icha car de Ich elle fut prélevée. » Le mot « Etsem », traduit habituellement par « os », est le radical du mot « Atsmaout » ! Autrement dit : l’homme n’est pas un être unilatéral. Il est lui-même dans la mesure où il est confronté à un autre côté de lui-même qui lui fait prendre conscience de ses limites et pour lequel il est prêt à sacrifier son indépendance égoïste.
Etre soi-même n’est possible qu’à la condition d’accepter autrui dans sa différence et de nouer avec lui, ou avec elle, des liens d’interdépendance et d’enrichissement mutuels. Cela vaut pour la collectivité comme pour l’individu.
Etre soi-même ne signifie donc pas se replier et se complaire à soi-même mais s’ouvrir à autrui et découvrir l’autre au plus profond de de nous-mêmes. C’est ainsi que nous sortons de la stérilité de l’identité close et devenons féconds.
C’est bien ce que nous pouvons nous souhaiter en ce 70eme anniversaire : ouvrons-nous généreusement aux multiples visages de l’humain, et comme le dit magnifiquement Levinas : sachons « faire sortir le Désir de la prison de sa propre subjectivité et arrêter la monotonie de son identité ». (Totalité et Infini p.340).
Soyons fidèles à la Loi qui nous enjoint d’aimer l’étranger, la veuve et l’orphelin. Ainsi pourrons-nous-nous réjouir de notre Atsmaout retrouvée.
Rav Daniel Epstein,
sur LPHinfos.com
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Les grands dirigeants du monde souhaitent joyeux anniversaire à Israël, sauf Macron
Les dirigeants du monde ont envoyé jeudi des lettres de félicitations au président israélien Reuven Rivlin à l’occasion du 70ème anniversaire de l’Indépendance d’Israël.
Les présidents des Etats-Unis, de la Russie, de l’Allemagne et de la Croatie, le Premier ministre canadien, ainsi que la reine d’Angleterre et le secrétaire général des Nations unies ont adressé leurs vœux à l’Etat juif.
Le président américain Donald Trump a écrit à Rivlin: “Le président Truman a beaucoup parlé de la fierté qu’il a ressenti lorsqu’il a soutenu la création de l’État d’Israël, comme je l’ai déjà dit, le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem est l’un de mes moments les plus fiers dont je suis fier tant que président des États-Unis”.
“Notre engagement envers la sécurité d’Israël est fort et inébranlable, et nous continuerons à vous soutenir comme nous l’avons fait au cours des sept dernières décennies”, écrit Trump, “j’espère approfondir notre amitié historique et être témoin de la prospérité d’Israël”.
Le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a écrit au Président d’Israël: “Les Nations Unies sont enrichies par la diversité de ses membres et notre mission est renforcée lorsque nous nous unissons pour renforcer les valeurs qui sont l’ancre de notre fondation.”
Le président allemand Frank-Walter Steinmeier a écrit dans une lettre à la résidence du président: “Israël célèbre 70 ans d’indépendance et nous célébrons ce moment avec vous”. La réconciliation et le partenariat avec Israël sont l’expression de notre part pour assurer un bon futur à Israël et la confiance entre Allemands et Israéliens. Monsieur le Président, votre épouse et tous les citoyens et citoyens d’Israël, j’adresse mes salutations les plus sincères, également au nom de mes compatriotes”.
La reine d’Angleterre a écrit au président Rivlin: “C’est avec plaisir que je vous félicite chaleureusement à l’occasion des célébrations du Jour de l’Indépendance et souhaite chaleureusement le bonheur et le bien-être de tous les citoyens d’Israël dans l’année à venir”.
Le président russe Vladimir Poutine a écrit: “Je souhaite souligner les excellentes relations qui existent entre nos deux pays, et je suis convaincu qu’ensemble nous continuerons à développer un dialogue bilatéral et une coopération fructueuse en économie, science, technologie et assistance humanitaire pour le bien de notre peuple, et afin de renforcer la paix, la stabilité et la sécurité au Moyen-Orient”.
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a écrit : “Le Canada a été l’un des premiers pays à reconnaître officiellement Israël en 1948. Soixante-dix ans plus tard, le Canada et Israël sont unis par des valeurs démocratiques et les liens étroits qui existent entre leurs populations. Nos deux pays demeurent des alliés inébranlables, des amis proches et des partenaires au sein de nombreuses organisations internationales”.
Le président français Emmanuel Macron, “grand ami d’Israël” selon les responsables communautaires juifs, a quant à lui déclaré…rien du tout.
Katty Scott – © Le Monde Juif .info | Photo : DR