INTERVIEW DU SECRETAIRE GÉNÉRAL PAR INTÉRIM DU FPI AU JOURNAL L’INTER.

L’INTER: Comment se porte la tendance Abou Drahamane Sangaré ?
KB: – Permettez-moi de rectifier pour dire qu’il n’y a pas de tendances au Front populaire ivoirien (Fpi). Cela dit, le Fpi resté fidèle à son fondateur, le président Laurent Gbagbo, est bien présent sur l’échiquier politique en Côte d’Ivoire ; c’est l’organisation politique qui se porte le mieux, en ce sens que contrairement à toutes les formations politiques de la coalition au pouvoir, notre parti a retrouvé sa cohésion interne et sa vitalité d’antan. Il faut pour cela, féliciter les militants pour leur constance, leur discipline et leur foi inébranlable dans les valeurs cardinales qui constituent le socle de notre mouvement, à savoir : la démocratie, le socialisme, la souveraineté et la conquête du pouvoir d’État par la seule voie des urnes.

Mercredi 24 janvier 2018, le président Affi N’guessan a rencontré le président Henri Konan Bédié du Parti démocratique de Côte d’Ivoire. Que pensez-vous de cette rencontre, de ce rapprochement ?
Oh ! J’aurais bien pu dire que nous n’en pensons rien, étant donné que les faits et gestes de cette nature ne peuvent constituer pour nous que des faits divers, sauf à noter qu’à la surface des eaux, il est aisé de voir la rencontre de deux personnalités qui ont toujours été proches… Au-delà, il n’est pas impossible que l’une soit l’émissaire de M. Ouattara auprès de l’autre pour une mission qui n’est pas très difficile à deviner dans la perspective de 2020, et surtout à l’approche des élections locales.

Vous n’arrêtez pas de dire que la situation socio-politique s’est détériorée et qu’elle a empiré. Que faites-vous pour que les choses changent ?
Sur le processus de destruction des acquis sociaux et des graves reculs des conquêtes démocratiques, nous n’avons malheureusement pas le monopole de cette lecture des événements. Il n’y a qu’à regarder le sort qui est fait aux journalistes, aux fonctionnaires, aux enseignants, aux étudiants, aux policiers, aux paysans, aux hommes d’affaires, aux entrepreneurs. Regardez vous-même le nouveau refrain de notre justice ! Dès qu’un opposant passe en jugement pour des faits imaginaires, il est aisé de prédire la peine de 20 ans d’emprisonnement… C’est pitoyable de voir nos valeureux magistrats ainsi pris en otage et malmenés sans qu’ils ne montrent une réelle volonté de se libérer afin de sauver ce qui reste de l’honneur et de la grandeur de leur noble métier. Il leur est ainsi constamment fait injonction de condamner à des peines aussi fantaisistes que ridicules, des autorités qui ont permis par leur savoir faire et leur courage, que le pays survive économiquement. Nos camarades sont condamnés pour avoir assuré le salaire régulier des magistrats et leurs auxiliaires, mais aussi, sans doute les rentes et indemnités de MM. Ouattara, Bédié et leurs proches. Cependant, ici on ne poursuit aucun bénéficiaire des sommes incriminées pour recel dans une affaire où il n’y a d’ailleurs pas de plaignant.
Mieux, la Bceao affirme n’avoir subi aucun préjudice. Un procès en sorcellerie en somme !
Ce que nous faisons pour que les choses changent, c’est de sensibiliser les Ivoiriens sur le bilan de cette gouvernance chaotique et suicidaire, les mobiliser et les appeler à hâter l’alternance démocratique pour le salut de la nation.

Pendant encore combien de temps comptez vous faire la politique de la chaise vide alors que nombreux sont vos militants qui souhaiteraient vous voir prendre part aux différentes joutes électorales?
Mais ils sont combien encore les Ivoiriens qui ne voient pas que les chaises dont vous parlez ne sont pas vides ? C’est parce que ce pouvoir de l’inculture démocratique occupe d’avance les chaises, que nous sommes réticents à occuper les rares chaises bancales et piégées qu’il nous indique cyniquement. Demandez à certains de nos anciens camarades qui ont mordu à l’appât… Non, nos militants qui sont vigilants attirent justement et constamment notre attention sur les traquenards qui nous sont régulièrement tendus, et nous mettent en garde ! Enfin, les Ivoiriens qui demeurent vigilants, dans leur immense majorité, savent très bien qu’on peut donner tous les noms qu’on souhaite à ces mascarades, sauf à les qualifier d’élections démocratiques.

Comment comptez-vous être un véritable contre- pouvoir si vous êtes toujours absents des instances de décisions telle que l’Assemblée nationale ?
Ah ! Mais nous comprenons votre problème ! Vous vous méprenez sur notre compte.
Nous n’avons pas vocation à être un contre-pouvoir ! Nous avons l’obligation historique de mettre fin à la souffrance des Ivoiriens en gagnant les vraies élections afin d’exercer nous- mêmes le pouvoir au nom du peuple pour mieux défendre ses intérêts. Vous constaterez avec nous que ceux qui ont commis l’erreur d’accompagner ce régime le regrettent amèrement.

N’est-ce pas une fuite en avant que de toujours vous plaindre de la Commission électorale indépendante (Cei)?
Mais quelle fuite en avant ? Il ne faut pas abuser de certaines formules. Voyons, à notre suite, l’Onu, par sa résolution n° 2062 du 26 juillet 2012, puis récemment l’Ua, par l’arrêt de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples, rendu le 18 novembre 2016, ont déclaré cette Commission électorale déséquilibrée, injuste, illégale et illégitime, sur saisine d’une Ong ivoirienne, l’Apdh. Cette Cour africaine, basée à Arusha en Tanzanie, a sommé la Côte d’Ivoire de dissoudre la Cei et de mettre en place une commission équilibrée et consensuelle dans un délai d’un an ; délai échu depuis le 17 novembre 2017 dernier, et le gouvernement maintient à ce jour cette commission condamnée par ceux-mêmes qui ont installé ce pouvoir…Aujourd’hui, des responsables du Rhdp, militants du Pdci ou de l’Udpci, par exemple, réclament comme nous, une vraie commission électorale, un découpage électoral plus honnête, une liste électorale consensuelle.

Faites-vous toujours de la libération de l’ex-président Laurent Gbagbo un préalable à toute discussion avec le gouvernement? – Si le préalable vous gêne, on peut dire que la libération du président Gbagbo et du ministre Charles Blé Goudé, suivie de leur retour en Côte d’Ivoire est la clé idéale pour que des discussions saines et inclusives s’ouvrent pour aboutir à des règles véritablement consensuelles dans un climat socio-politique apaisé pour le bien de tous, à commencer par la coalition au pouvoir. Les Ivoiriens, dans leur écrasante majorité, réclament le retour du Président Laurent Gbagbo, et ils savent ce qu’ils en attendent.

La libération est-elle vraiment un gage de stabilité, de retour a la paix et d’une vraie réconciliation ?
Dites-nous vous-même si ce pays était si «mélangé», si discrédité, si fracturé, si violent, si crispé, si angoissé et ses habitants si pauvres et désorientés auparavant ? Vous voyez bien comme nous, que toute la Côte d’Ivoire attend, le souffle suspendu, la libération qui la soulagera ! Un peuple qui est soulagé et réconforté est à moitié réconcilié. Pour le reste, le président Gbagbo à qui les Ivoiriens ne savent rien refuser, trouvera comme à son habitude, la méthode, les formules et les mots qui guérissent, sans exclusive. C’est sur lui et lui seul que repose la vraie réconciliation dans ce pays.

Cela fait longtemps que vous annoncez la libération de l’ex-président Laurent Gbagbo. Mais, il est toujours a la Haye. Ne serait-il pas plus honnête de dire à vos militants et aux Ivoiriens que vous ne savez pas s’il sera libéré un jour au lieu de leur faire croire, à chaque fois, le contraire ?
C’est surtout par honnêteté que nous affirmons qu’il est en route ! Quand il sera là, les mêmes négateurs qui redoutent ce retour pour des raisons qui leur sont propres, seront justement les premiers à aller lui dire qu’ils y avaient cru depuis le premier jour ! Le monde est ainsi fait.

S’il était condamné, que ferez-vous dans les années à venir ? Allez-vous trouver une personnalité susceptible de prendre la tête de votre parti et de vous conduire aux élections présidentielles ou bien, vous l’attendrez encore?
Qu’est-ce qui le condamnerait au vu de ce que nous savons et que le monde entier partage aujourd’hui ? Bien sûr, que les générations montantes trouveront un jour, en leur sein un digne continuateur de la pensée politique et de l’œuvre de l’homme providentiel qu’est Laurent Gbagbo.

Ne pensez-vous pas que le temps est venu de faire la paix des braves au niveau du Fpi ?
Nous ne comprenons pas votre acharnement à maintenir que le Fpi est divisé. Le Pdci, sous vos yeux, s’est fractionné et même fragmenté en rénovateurs, Rdr, Udpci, Upci, Rpp, et autres fragments qu’il n’est pas utile de nommer ici, et vous n’en dites rien. Or le Fpi n’a fait qu’exclure un ex- camarade en rupture avec sa ligne, ce qui n’a rien d’extra- ordinaire en soi. Ce que nous trouvons suspect en revanche, c’est que ce sont nos adversaires qui pleurnichent et déplorent cette exclusion. Si l’élément est si bon, nous leur en faisons cadeau.

Selon vous, le président Alassane Ouattara respectera-t-il sa promesse de quitter le pouvoir à la fin de son mandat en 2020 ?
Nous ne travaillons pas avec ce qu’un tel ou un tel va faire, et encore moins avec les promesses faites à nous ne savons qui. Nous travaillons pour nous, pour la Côte d’Ivoire et pour les Ivoiriens.
C’est pourquoi, nous réclamons un dialogue politique, seul à même de permettre à notre pays d’éviter de sombrer dans le chaos que certains préparent méthodiquement sans tenir compte de la volonté populaire.

Interview réalisée par Chanel DION
(Correspondance particulière)
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