FPI: devoir de cohérence

Une grande entreprise de la place a organisé, en 1997 une journée dite des cadres, dans un complexe hôtelier de Grand-Bassam. A cette journée, a été invité le Franco- Ivoirien Basile Boli, international du Football, pour parler du leadership. Puisant un exemple dans son milieu pour illustrer ses propos, Boli a déclaré ce qui suit : « Lorsque l’entraineur d’une équipe de Football veut choisir un capitaine, il retourne la question aux joueurs rassemblés. Instinctivement, tous les regards se dirigent vers un joueur. » Ceci, en prenant en compte le comportement de ce dernier sur le terrain, le banc de touche, dans les vestiaires et même en dehors des stades. Pour lui, c’est la cohérence dans les comportements, propos, faits et gestes désintéressés de tous les jours, qui fait souvent d’une personne un leader.

Cette conception du leadership de Basile Boli est largement partagée en politique. La population, qui scrute, à l’appel du tam-tam, l’élégance, la cohérence dans les différents pas de danse des acteurs et groupements politiques, reconnait très tôt dans un groupe évoluant sur un espace, le leader. C’est ainsi qu’en 1990, lorsque le couvercle du parti unique a sauté, les ivoiriens ont choisi Laurent Gbagbo comme leader dans le marigot de la gauche démocratique pour la constance et la cohérence de ses pas en politique. Et depuis, au péril de sa vie, il n’a pas varié. Le FPI, le parti qu’il a créé et qu’il dirige désormais depuis le 30 avril 2015, a, vis-à-vis de ses militants et du peuple de Cote d’ivoire, un devoir, une exigence de constance et de cohérence dans les prises de décisions. Depuis la crise-post électorale d’avril 2011, Alassane Ouattara affiche notoirement un cynisme froid pour la réconciliation des cœurs et des esprits des ivoiriens et pour jeter les bases d’un processus électoral libre, crédible, transparent et inclusif. Aussi le FPI a-t-il régulièrement appelé ses militants et le peuple de Côte d’ivoire à ne pas servir de marchepied à la mascarade. N’est- ce pas faire preuve de cynisme que de maintenir jusqu’à ce jour, Youssouf Bakayoko à la tête de la Commission Électorale appelée à être indépendante dans le jeu démocratique ? Les différents appels du FPI ont été régulièrement suivis notamment lors de la révision de la liste électorale, des législatives de décembre 2011, des présidentielles de 2015 et du référendum constitutionnel d’octobre 2016. Ce qui se passe dans notre pays est une insolente dictature. Il faut la présenter comme telle à la face du monde. Ce n’est pas faire preuve d’un immobilisme doctrinal suicidaire. C’est un refus franc d’accompagner tout un système visiblement antidémocratique fait d’arrogance et de mépris. Un proverbe bien de chez nous dit ceci :« Lorsque vous déclarez qu’une viande est votre totem… n’utilisez par vos dents pour la partager à ceux qui se retrouvent pour le festin ».

Le comité central du FPI lors de sa session du 11 novembre 2016 a entériné, après un long débat démocratique à la base, la décision de 72 fédérations sur 79 de ne pas participer aux législatives qui s’annoncent dans les mêmes conditions que les fois précédentes. C’est une décision politique que le parti assume pleinement. Bien sûr qu’une telle posture suscitera forcement des sons du genre, Gbagbo avait été aux législatives en 1990 et 1995 sachant que les conditions n’étaient pas réunies, que faire après de nouveau un non ? Les électeurs et les cadres du Parti ne perdront-ils pas le réflexe des élections parce que la situation perdure depuis plus de 5 ans ? Le parti ne court-il pas au suicide ? Des députés au parlement ne pourraient-ils pas booster le combat pour la libération de Gbagbo et des prisonniers politiques ? Ne faut-il pas éviter de demeurer constamment hors du jeu démocratique ?

Ces sons qui ne manquent certainement pas d’intérêt évitent souvent l’interrogation principale. Pourquoi dans ce jeu qui se veut démocratique, c’est un individu qui par la force détient toutes les cartes du jeu, en défini l’arène, les règles, les acteurs, les arbitres, les commissaires au match, les spectateurs. Soyons très clairs. 1990 et 1995 ne sont pas 2016. Aucun électeur, parce qu’il connait le sens de la lutte, ne peut perdre le réflexe des élections. Aucun groupe de députés, toléré pour faire chic par Ouattara dans « son hémicycle » ne peut changer le cours du jeu politique en Côte d’Ivoire.

Depuis les législatives de 2011 jusqu’au referendum constitutionnel dernier, c’est bien Alassane Ouattara qui élabore seul la liste électorale, définit par avance le taux de participation et les scores aux différents scrutins. C’est lui, qui sans autre forme de procès, à travers Youssouf Bakayoko, décidera de la personne à faire figurer sur la liste des élus. C’est encore lui à travers Koné Mamadou qui tranchera dans le vif le contentieux électoral. C’est ce qui se passera au soir du 18 décembre 2016 pour les législatives.

Alors que faire? S’y accommoder en jouant un jeu perdu d’avance? Se résigner tout platement sans aucune lueur d’espoir? Choisir pour l’histoire éternelle de la Côte d’Ivoire qui s’écrit de ne pas se faire complice d’une telle imposture, la dénoncer et la combattre? Le FPI lui, a fait son choix. Basile Boli nous a justement enseigné que c’est la constance et la cohérence dans la démarche qui fait, pour demain, le leader. Le peuple souverain de Côte d’Ivoire observe. Il saura nécessairement faire le tri le moment venu, entre les sons frappés de suspicion légitime et la posture de droiture face au cynisme et l’arrogance. Notons pour finir que toute dictature secrète toujours son propre poison. Les différents scrutins qui se déroulent au forceps, contribuent au formatage et la sédimentation d’une conscience nationale sur les enjeux politiques.

Aristide SILUE (In- la voie originale- du 22 novembre 2016 page 2),

communiqué par Claude Nda Gbocho