Déclaration du SYNARES sur les stocks d’arriérés dus aux fonctionnaires et agents de l’Etat.

Bientôt un nouveau bras de fer entre l’état et les fonctionnaires?

A- Les faits
Depuis le 8 novembre 2016, les fonctionnaires et agents de l’État de Côte d’Ivoire sont en lutte. Outre l’exigence du retrait des dispositions antisociales de l’ordonnance N° 2012-303 du 04 août 2012 portant réforme du régime des pensions publiques, la question des stocks d’arriérés des avancements dus aux fonctionnaires et agents de l’État reste le point d’achoppement entre le Gouvernement et la Plateforme syndicale de la fonction publique.
En effet, si pour la retraite, le Gouvernement s’illustre par un vuvuzela sans apporter de réponse vraiment satisfaisante, la question des arriérés des avancements reste, elle, sans le moindre début de réponse. Pis, le Gouvernement, à l’issue de la réunion hebdomadaire du Conseil des Ministres du 24 janvier 2017, a déclaré que cette revendication n’a pas lieu d’être car les fonctionnaires auraient renoncé à ces arriérés.
Il s’agit là, assurément, d’une mauvaise foi avérée et d’une contre-vérité éhontée dont le Gouvernement de Côte d’Ivoire semble aimer être coutumier aux dépens des fonctionnaires, présentés ainsi subrepticement comme des irresponsables sans honneur ni parole d’honneur qui réclament une chose après y avoir délibérément renoncé. Il s’impose donc, pour la bonne compréhension de la situation par l’opinion, que le SYNARES apporte les éclairages ci-après, en revenant sur l’histoire de la formation des arriérés des effets financiers des avancements des fonctionnaires. Ces arriérés ont été constitués à deux niveaux.

1-Formation du premier niveau d’arriérés
En 1988, pour des raisons de conjoncture économique défavorable, le président Houphouët-Boigny a plaidé auprès des fonctionnaires pour le gel des effets financiers des avancements indiciaires en attendant la reprise économique. Cette promesse fut reprise par tous les Gouvernements successifs qui la conditionnaient désormais à l’obtention du PPTE.
Pour le SYNARES, ces arriérés sont à considérer comme partie intégrante de la dette publique ivoirienne.
Ainsi, de 1988 à 2014, tous les avancements indiciaires des fonctionnaires n’ont donné lieu à aucune incidence financière. Le fonctionnaire ivoirien a donc passé 27 années sans augmentation de salaire. Si le fonctionnaire n’a pas changé de catégorie, son salaire est resté le même 27 années durant.
C’est ce qui explique la formation du premier niveau d’arriérés dus aux fonctionnaires.
Qu’en est-il du second niveau de la formation d’arriérés ?

2- Formation du second niveau d’arriérés
A partir de 2007, par la lutte, les travailleurs ont obtenu de nombreux acquis sectoriels entérinés au Forum Social (Voir en annexes les acquis du Forum Social).
A l’issue des décrets pris à cet effet par le Président Laurent GBAGBO, un grand nombre de corps d’État ont obtenu des modifications d’indices pris en compte dès 2008, généralement pour moitié, l’autre moitié étant prévue pour 2011. Toutes ces avancées ont coûté 143 milliards de nos francs et ont concerné, en termes de bénéficiaires, 88.110 agents, soit 78% des effectifs de la fonction publique, alors que le montant global des réformes attendues non exécutées est estimé à 182 milliards. Ce montant restant à payer devait être versé aux ayants droit en 2011. Ainsi en avait décidé le Forum Social de Grand Bassam tenu en 2007. En outre, à ce même Forum Social, ont été prises deux importantes décisions : la première est relative au paiement des 150 points d’indice pour 40 955 fonctionnaires dune part, et la seconde porte sur le paiement de 95 milliards au titre du déblocage des salaires d’autre part.
C’est donc les arriérés dus pour non paiement des réformes actées par le président Laurent GBAGBO aux fonctionnaires qui constituent le second niveau d’arriérés.
Dans une Conférence de presse en date du 16 janvier 2014, Monsieur GNAMIEN Konan, alors Ministre de la fonction publique, donne des informations précises sur l’ensemble des mesures prises par le Gouvernement en faveur des fonctionnaires.
Pour lui, la mesure de revalorisation générale des salaires en 2014 et de déblocage sur 5 ans des avancements prise par le Chef de l’État, Alassane Ouattara, participe de la levée « progressive des obstacles » pour plus d’équité dans la rémunération des fonctionnaires et agents de l’État.
Il s’agit entre autres de :
la prise en charge à 100% des mesures de revalorisation entérinées par décrets depuis 2007 et concernant 121 382 fonctionnaires ainsi que la bonification indiciaire décidée en 2013, au profit des cadres supérieurs et du personnel technique de la santé dont l’effectif s’élève à 15819 agents ;
la promotion de 1052 fonctionnaires du grade A4 au grade A5, la bonification indiciaire au profit de 3413 ingénieurs et techniciens autres que les informaticiens ;
le déblocage des avancements indiciaires de 38 680 fonctionnaires pour un coût global de 78,9 milliards FCFA.

Au total, le Gouvernement a alloué :
une enveloppe de 42,6 milliards FCFA en 2013 pour le relèvement à 75% du paiement des engagements actés ;
78,9 milliards FCFA inscrits au budget 2014 pour le relèvement du reliquat de 25 % du paiement des engagements actés, ainsi que la bonification indiciaire de 150 points pour les fonctionnaires non concernés par les mesures de revalorisation salariale dune part, et la prise en charge de 5 années d’arriérés d’avancement d’autre part.
Au total, le Gouvernement aura consenti un effort financier à hauteur de 121, 5 milliards de nos francs. Voici donc la réalité des faits. En quoi ces paiements prennent-ils en compte les arriérés d’avancement qui courraient depuis 1988, soit pendant 27 ans ? A quel moment les fonctionnaires auraient-ils renoncé à ces arriérés d’avancement comme tente de le faire croire le Gouvernement ?

B- CONCLUSION ET APPEL DU SYNARES
Sur la base de ce qui précède, force est de constater que le Gouvernement tente de réduire les arriérés d’avancement dus aux fonctionnaires aux seuls arriérés liés aux effets non exécutés des décrets pris par le Président Gbagbo à l’issue du Forum Social.
Le SYNARES s’étonne de ce que la Plateforme semble suivre le Gouvernement dans sa volonté manifeste d’occulter le stock des arriérés des avancements indiciaires (premier niveau d’arriérés). Les discussions sur ce stock ne devraient nullement rentrer dans le cadre d’un « plaidoyer » parce qu’il s’agit bel et bien dune revendication et non dune doléance.
Le SYNARES observe qu’au moment où le Gouvernement accorde aux militaires une amélioration substantielle de leur condition de vie, il essaie de repousser voire de se soustraire au paiement des arriérés d’avancement par la création de Comités Techniques, manifestation bien connue en stratégie dilatoire, surtout en situation de faiblesse de confiance entre les partenaires au dialogue social.
Le SYNARES invite donc les fonctionnaires à plus de vigilance et de mobilisation dans la lutte pour obtenir le paiement ici et maintenant non seulement de ce qui nous est dû, mais aussi et surtout pour une redistribution équitable des fruits de la croissance dont le Gouvernement se gargarise.
Camarade, celui qui ne lutte pas a déjà tout perdu.

Pour le Bureau Exécutif national
Le Secrétaire général par intérim

GLIN Léon

ANNEXES : Décisions prises à l’issue du Forum Social
Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique
Enseignants-chercheurs : revalorisation dans une proportion de 100% des salaires aux termes du décret 2007-577 du 13 septembre 2007 exécuté à 50% depuis le 1er janvier 2008. (12,305 milliards) ;
Enseignants-médecins : revalorisation des émoluments hospitaliers à 70% de la rémunération du médecin de même grade par le décret 2007-481 du 16 mai 2007 exécuté à 50% depuis le 1er janvier 2011 (1,365 milliards).
Ministère de la Santé et de l’Hygiène publique
Cadres supérieurs de santé : revalorisation de 100% des indemnités spécifiques (différentiel santé / forfaitaire santé, et institution dune indemnité de risque sanitaire) (10,572 milliards) ;
Agents techniques de santé : revalorisation de l’indemnité paramédicale et institution d’une indemnité de risque sanitaire depuis le 1er janvier 2009 (5,917 milliards).
Ministère de l’Éducation Nationale
Enseignants du primaire et assimilés : institution d’une indemnité contributive au logement par le décret 2007-527 du 18 juillet 2007, et adoption d’un nouveau profil de carrière marqué par le reclassement des instituteurs par le décret 2007-695 du 31 décembre 2007. (respectivement 22,871 milliards et 30,280 milliards soit au total 53,151 milliards) ;
Enseignants du secondaire et assimilés : adoption d’un nouveau profil de carrière marqué par le reclassement des professeurs certifiés en A4, et suppression de l’emploi de professeur licencié et reclassement des concernés par le décret 2007-695 du 31 décembre 2007. (27,681 milliards).
D’autres réformes étaient en cours.
Elles concernent :
La prise de décrets d’application relatifs aux statuts particuliers pour les membres du corps diplomatique et les greffiers ;
L’Institution d’un régime indemnitaire pour les ingénieurs et les secrétaires, et enfin, le déblocage des avancements pour tous les fonctionnaires.
Lazare Koffi Koffi