Crise de Leadership

CRISE DE LEADERSHIP.

Les partisans de Laurent Gbagbo (à g.), qui se font appeler les « Gbagbo Ou Rien » ou GOR, ne regardent plus dans la même direction. Certains veulent quitter le navire pendant que d’autres réclament des sanctions exemplaires.
Au centre de la vive polémique, qui ne s’essouffle pas, la sortie de Mme Simone Gbagbo (à d. sur la photo).
« Laurent Gbagbo est au centre de nos revendications car il symbolise notre vision. Mais notre vision n’est pas Gbagbo mais la Côte d’Ivoire nouvelle », a soutenu, le 30 novembre 2019, la Première dame à la 5è Assemblée générale ordinaire (AGO) de l’Organisation des femmes du FPI ou OFFPI.
Cette déclaration inflammable a mis le feu aux poudres et fait briser l’aile dite légitimiste du FPI en deux courants antagonistes.
D’un côté, il y a ceux qui applaudissent Mme Gbagbo. Pour eux, son approche aide le parti à sortir de l’agonie politique et de l’immobilisme sclérosant où il s’est installé avec la politique de la chaise vide depuis 2011, qui fait le lit du pouvoir Ouattara.
De l’autre, ceux qui stigmatisent cette sortie. Ils estiment que Mme Gbagbo est sur les traces des « traîtres », qui veulent tourner la page Gbagbo, pour leur ambition personnelle.
Car le même jour, au cours de l’AGO de l’autre tendance de l’OFFPI, Pascal Affi N’Guessan, constant sur le sujet Gbagbo, tenait un discours presque similaire à celui de Mme Gbagbo. « C’était une erreur de dire Gbagbo Ou Rien parce que cela signifiait que nous n’avons pas d’alternative. Or, notre combat doit se poursuivre », disait-il.
Le problème, Affi, président de la faction légale du FPI, a été déclaré exclu du parti, par les GOR le 30 avril 2015, pour trahison. De là à demander la mise à mort politique de Mme Gbagbo qui est vouée aux gémonies, il n’y a qu’un pas que certains ont franchi.
Ils restent dans une logique qui met Gbagbo au début et à la fin de tout processus. À son 4è Congrès ordinaire, les 3 et 4 août 2018 à Moossou (commune de Grand-Bassam), les GOR ont décidé de rompre avec le mot d’ordre de boycott des élections.
« Le 4è Congrès ordinaire du FPI a été convoqué pour préparer le droit à l’avenir. Le Congrès doit nous mettre en pôle position dans notre course vers 2020, année de la reconquête du pouvoir pour l’exercer », a déclaré Sangaré Abou Drahamane, 1er vice-président et président intérimaire de la tendance.
Mais la question préjudicielle, à l’origine du bicéphalisme au FPI, est restée le nœud gordien dans les revendications: la libération de Laurent Gbagbo, « pierre angulaire du parti » et « dernier maillon pour réconcilier la Côte d’Ivoire ».
Au sortir de ce Congrès, les GOR, pour leur participation à des élections, ont posé cinq conditions: 1. la réforme consensuelle de la CEI; 2. la révision de la liste électorale; 3. la refonte de la carte électorale; 4. la sécurisation totale du territoire national et 5. la libération de tous les prisonniers politiques, civils et militaires et le retour sécurisé de tous les exilés politiques.
Aucune de ces exigences n’est satisfaite et le boycott des prochains scrutins dont la présidentielle de 2020 n’est donc pas à écarter. Surtout que Gbagbo, bien qu’acquitté, est en liberté conditionnelle.
Tiraillé entre plusieurs approches discordantes et sans repère, les GOR ne se donnent aucune pièce de rechange en dehors de Gbagbo qui, selon son épouse qui ouvre la boîte de Pandore, ne devrait pas être la seule revendication.
La crise de leadership qui couvait depuis la libération de Mme Gbagbo, le 6 août 2018, éclate au grand jour. Et les dernières évolutions montrent une impitoyable guerre entre ceux qui veulent neutraliser cette résistante et cette dame que l’ex-chef de l’État a connue en politique et qui refuse de s’en laisser conter.
Mme Simone Gbagbo a toujours été, de l’unité du parti à son éclatement en 2015, la 2è vice-présidente derrière Sangaré. C’est une apparatchik.
Quand le 3 novembre 2018, le « Gardien du temple » est décédé, tout le monde pensait légitimement qu’elle lui succéderait, devenant 1ère vice-présidente et présidente intérimaire du parti.
Que non! Le 16 novembre, Laurent Gbagbo, toujours retenu à Bruxelles et interdit de toute activité politique, supprimait, dans un communiqué, le poste d’intérimaire, laissant vacant la 1ère vice-présidence, et décidait de reprendre les rênes du parti, faisant de Assoa Adou, secrétaire général, l’homme fort de la tendance qu’il dirige.
C’est dans cette ambiance électrique de positionnement et de redistribution des cartes que la sortie de Mme Gbagbo est venue susciter une levée de boucliers face à une direction qui a une stratégie et une seule: rester aphone pour laisser pourrir la situation, au milieu des peaux de banane et des coups tordus.
F. M. Bally

Bally Ferro