Coup d’état au Mali

POURQUOI LA FRANCE NE SOUTIENT PAS LE COUP D’ÉTAT AU MALI COMME ELLE L’A FAIT AU TCHAD ?

Ce vendredi 28 mai un ténor du mouvement M5-RFP en la personne de Dr Choguel Kokala Maïga a été désigné à la Primature. Après le renversement du duo Bah Ndaw/Moktar Ouane, c’est un autre virage important que vient de prendre la situation politique au Mali.
Pourquoi ?
Pendant les négociations de mise en place du gouvernement de transition, il avait été imposé le principe d’éviter de confier la Primature et la Présidence aux deux tendances réputées hostiles aux forces internationales que sont la junte et le mouvement M5-RFP. C’était le modus operendi. La junte militaire, en renversant IBK l’allié inconditionnel des forces internationales, s’est faite malgré elle une réputation d’hostilité à l’influence française. C’était aussi le cas du M5-RFP qui avait combattu et fragilisé le régime IBK à coup de slogan anti-français.

Donc quand il a fallu choisir une direction civile pour diriger la Transition, le M5-RFP a été écarté au profit du duo Bah Ndaw et Moctar Ouane qui n’avait rien avoir avec la coalition militaro-civile qui a poussé vers la sortie l’allié local de la Communauté internationale. L’idée était qu’il fallait ces personnes moins marquées idéologiquement pour RASSURER LES PARTENAIRES DU MALI, dont le pays avait encore besoin du soutien dans la crise qu’il traversait.

Le retour à une alliance entre ex-junte et ténors du M5-RFP consacre de fait et de jure un régime « anti-français », faisant craindre la réplication du scénario centrafricain au Mali. Cela d’autant plus que l’implosion du deuxième gouvernement de la transition s’est faite autour de divergences liées à l’orientation de la politique sécuritaire.

Il se joue en ce moment dans le dossier malien des bouleversements qui ne peuvent être interprétés en occultant leur dimension géopolitique. Au cours des négociations qui ont abouti à la mise en place du premier gouvernement de transition, deux tendances se sont constituées au sein de la nouvelle classe dirigeante. A partir d’une ligne de fracture autour de la question sécuritaire rapportée à la crise dans le Nord-Mali.

Le récent renversement du président de la Transition et de son premier ministre ne sont que la phase éruptive du conflit qui se jouait à l’intérieur du gouvernement et qui opposait la tendance pro-russe à celle pro-française dans l’orientation à donner à l’axe de coopération sécuritaire. Depuis le renversement de son inconditionnel allié IBK, l’influence française a adopté comme posture de sauvegarde et pièce maîtresse de sa nouvelle stratégie le principe d’une transition civile. Elle s’en est servie comme cheval de Troie pour remettre en scelle ses pions, recrutés en dehors des deux entités réputées anti-francaises que sont la junte et le mouvement M5 RFP. Les deux ministres dont la sortie du gouvernement a conduit à l’arrestation du Président et de son Premier ministre sont les membres de l’ex-junte qui occupaient les porte-feuilles clés de la Défense et de la Sécurité, point d’achoppement de la politique sécuritaire qui divise les deux tendances. Ces jeunes colonels, qui ont fait leur formation au Collège militaire supérieur de Moscou, défendent l’idée de recourir à l’option russe dans la mesure où la solution militaire française avait démontré ses limites. Et tant qu’ils gardaient ces deux porte-feuilles stratégiques de la Défense et de la Sécurité, avec la bénédiction du Vice-président Assimi Goita, les colonels Modibo Koné et Sadio Camara disposaient des leviers institutionnels pour prendre des initiatives dans ce sens. Il se dit même que leur débarquement du gouvernement ferait suite à une action en direction de l’axe Russie qu’aurait désapprouvée le président de la Transition, leur supérieur hiérarchique. D’ailleurs les deux officiers choisis de façon unilatérale par Bah Ndaw pour les remplacer au pied levé sont des généraux de l’ère IBK, qui à ce titre ont été des instruments de la coopération sécuritaire avec la France. Ils avaient même été mis aux arrêts brièvement après le coup d’Etat. Assuré du parrainage de la France, le président de la Transition a cru pouvoir sans frais reprendre en main ces deux porte-feuilles sensibles, quitte à violer le principe de concertation consensuelle prescrit par la Charte de la Transition.

Avec la tournure qu’ont pris ensuite les événements, on peut dire qu’il s’est produit l’effet inverse à travers l’éjection de la tendance pro-française et le retour à un pouvoir mono-colore. Quelle conséquence cela suppose pour l’influence locale de Paris ? Les dernières sorties musclées de l’Élysée et du Quai d’Orsay, font penser à un scénario catastrophe pour la France. Tout porte donc à croire qu’elle se battra bec et ongle et usera de tous ses artifices pour empêcher qu’un tel cas de figure, au demeurant dangereux pour son influence dans la région, ne prospère.

Parce que si le Mali s’essaie à la recette sécuritaire russe et qu’elle s’avère efficace, le Burkina s’engouffrera dans la brèche, le Cameroun aussi et ainsi de suite. L’effet domino quoi…
Bangali N’goran