Simone Gbagbo: Acquittement et Questionnement

Le Scenario du Pire

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28 Mars 2017. Côte d’Ivoire. Afrique. Europe. Amérique. Asie. Le monde a tremblé. Réseaux sociaux. Presse Online. Media traditionnel en continu. Tous ont affiché une même Une. ‘Simone Gbagbo acquittée de crime contre l’humanité.’ Ou ‘Simone Gbagbo: l’ex-première dame acquittée de crime contre l’humanité.’ Ce verdict surprise étonne Le Nouvel Obs. Il titre, ‘coup de théâtre au procès de Simone Gbagbo…’ Sur ce registre, Wakat Séra au Burkina, sur un ‘Qui l’eût cru?’ ouvre son article par, ‘Miracle sur les bords de la Lagune Ebrié.’ Un billet qui ne cache pas sa joie de savoir que la première dame Simone Ehivet Gbagbo est acquittée.

Prisonnière des Années ’70 et ’90

Simone Gbagbo n’est pas une criminelle. Elle est victime du système néocolonial qui ‘coupe’ la tête des insoumis. Déjà, dans les années 1970, puis 1990, elle avait été emprisonnée plusieurs fois pour avoir dénoncé les dérives du régime dictatorial du dieu du PDCI, Félix Houphouët Boigny.

Elle est arrêtée le 18 Février 1992 et emprisonnée par Alassane Ouattara, alors premier Ministre imposé à Houphouët par le grand Capital. Arrestation et incarcération, suite à une marche populaire protestant contre une descente musclée des soldats sur le campus de Yopougon. Braquage qui se solde par des viols et des blessés graves. Ce mouvement de contestation permet aux Ivoiriens de découvrir la vraie nature de ce soldat du FMI. Un condensé de violence, de mensonge, de tricherie, et de sadisme.

Condamnée en 2015

Deux décennies plutard, Paris et Washington vont utiliser le régime despote qu’ils ont installé à Abidjan par intenter deux procès contre cette syndicaliste. Intellectuelle engagée et résistante déterminée. C’est ainsi que le 10 Mars 2015 Simone Gbagbo, pour son rôle(?) durant la crise électorale de 2010-2011 est condamnée par la justice(?) Ivoirienne à 20 ans de prison et 10 ans de privation de ses droits civiques pour complot(?) contre l’autorité de l’Etat, participation à un mouvement insurrectionnel et troubles à l’ordre public.

Au terme de ce procès, s’adressant dignement à ses jurés, elle conclut, ‘Le monde entier vous regarde rendre la justice.’

Acquittée en 2017

Un an s’écoule. Elle est encore à la barre le 31 Mai 2016. Jugée cette fois pour crime contre l’humanité lors de la crise électorale 2010-2011. Le 28 Mars 2017. ‘Miracle sur les bords de la Lagune Ebrié.’ ‘Le jury à la majorité déclare Simone Gbagbo non coupable des crimes qui lui sont reprochés, prononce son acquittement et ordonne qu’elle soit remise immédiatement en liberté si elle n’est retenue pour d’autres causes.’

Cette annonce du juge Kouadjo Boiqui, président de la Cour d’assises suscite d’une part, un excès de joie dans le monde. Bien sûr, il y a quelques grincheux. Et d’autre part, cette décision déclenche des analyses sur les conséquences juridiques de cet acte par rapport au verdict du 10 Mars 2015. Enfin, elle déclenche des réflexions sur l’impact juridique de cet acquittement en relation avec le théâtre qui se joue à la CPI.

Acquittement et Questionnement

Outre ces analyses, plusieurs questions se posent. Qu’est ce qui a pu faire descendre Ouattara de son nuage crépusculaire surréaliste? L’‘indéboulonnable’ Ouattara prend-il de la rouille? Une chose est certaine, il a fallu la mutinerie, du début Janvier 2017 de ses rebelles intégrés dans l’armée, qui ont paralysé plusieurs villes pour réclamer le paiement de primes de guerre, pour désarmer son orgueil. Mais pas au point que Ouattara qui a contribué à la dégradation humaine en Côte d’Ivoire, puisse avoir un cœur attendri pour ‘élargir’ la première dame Simone Gbagbo.

Alors, il existe des pièces de curiosité. Le premier procès entamé le 26 Décembre 2014 et le second commencé le 31 Mai 2016 ont souffert des charges insuffisances voire factices, et des témoins sculptés. Surtout modulés sur la pensée de la partie civile. Pourtant, en 2015, La première dame avait été condamnée sur la base de rien. ‘Il n’y avait aucun élément de preuves contre elle.’ Expliqua Me Ange Rodrigue Dadjé, son Avocat principal. Il est donc incompréhensible d’avoir deux verdicts pour ces deux procédures qu’on aurait pu ramener à un seul et unique procès. Alors, qu’est-ce qui explique cette subite gentillesse du 28 Mars? La Colère du maître Hollande contre l’esclave Ouattara. Le geôlier de Simone Gbagbo.

Paris reprochant à Ouattara son incapacité à maîtriser les flancs politique, socio-économique, et sécuritaire du pays. L’éparpillement du marché Ivoirien. L’invasion de la Côte d’Ivoire par le Maroc et la signature gourmande des accords de partenariat public/privé et privé/privé. Le conflit pétrolier mal géré, aux frontières avec le Ghana. L’interrogation sur le prochain acquéreur de ces puits.

Ces questions posées, le système dominant a préféré que justice soit rendue conformément aux usages. Un avertissement.

Scenario du Pire

Cette victoire cependant, ne doit pas faire oublier que Simone Ehivet a été condamnée par le juge Tahirou Dembelé à 20 ans de prison pour ‘attentat contre l’autorité de l’Etat, participation à un mouvement insurrectionnel et trouble à l’ordre public.’ Une lourde sanction. Puisque le parquet général n’avait requis que 10 ans. ‘Une décision purement politique.’ Avait commenté Me Rodrigue Dadjé. De son côté, analysant cette peine, Me Mathurin Dirabou expliqua qu’elle prouvait que la justice Ivoirienne n’est pas impartiale.

Cependant, pour Me Seed Zehe, il existerait une porte d’espoir. Il explique que sa condamnation de Mars 2015 avait été ‘prononcée sans mandat de dépôt.’ Alors, juridiquement, ‘la justice ne peut plus revenir sur la première décision et émettre un mandat de dépôt pour cet ancien verdict, mais on ne peut prétexter de la première condamnation pour la garder en prison. L’acquittement actuel devrait donc amener sa libération.’

La première dame Simone Gbagbo pourrait donc être libre. Mais le scenario du pire existe. La mort commandée qui emporte l’ex-prisonnier quelque temps après sa libération. Soit parce qu’il a été gravement rongé par la maladie pendant sa détention. Soit victime des tortures pendant son séjour carcéral. Ce fut le cas de Basile Mahan Gahé, leader de la centrale syndicale Dignité. D’autres sont morts parce que leur cellule ou leur résidence ‘protégée’ avait été préalablement préparée à l’aide d’une substance toxique pour ce but.

Mais la main invisible. Celle de Dieu ne dort pas.

Feumba Samen