Samba David en prison : Le néant d’une accusation

Résumons l’affaire Samba David.

A la suite de mon enquête sur l’affaire « le ministère public contre Samba David », enquête qui a débouché sur un article dans l’éléphant déchaîné sous le titre: « justice ivoirienne, un otage nommé Samba David », le procureur de la République, Adou Richard Christophe, s’est fendu d’un communiqué, dont le but était de démontrer que les choses que j’avais écrites étaient des « allégations dénuées de tout fondement ».

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Le procureur de la République a donc révélé que Samba David est détenu sans jugement depuis deux ans, pour « complicité de meurtre et atteinte à l’autorité de l’Etat ». Et, selon le procureur, les faits reprochés à Samba David, tirent leur source dans des événements qui se sont déroulés dans des zones de Dabou où il y aurait eu de nombreux morts, à la suite d’affrontements liés à des instructions que Samba David aurait données, au cours d’une tournée dans ces zones, à des membres de son ONG « LA COALITION DES INDIGNES DE CÔTE D’IVOIRE », à l’effet d’oeuvrer à la destitution de « chefs coutumiers supposés proches du régime Ouattara ».

A la suite de ces révélations venues du parquet, nous avons poursuivi notre enquête. Elle nous a permis de découvrir ce qui suit.
Le procureur, dans son communiqué, a pris le soin de ne pas situer dans le temps, la commission des infractions qui sont mises à la charge de Samba David.
C’est que ce dernier, du 16 au 29 novembre 2014, a effectivement fait une tournée dans cinq villages de Dabou, aux fins d’installer des sections de son ONG, Et cette tournée a été précédée d’un courrier d’informations adressé aux autorités administratives de la ville de Dabou (Préfets, sous-préfets, etc). La tournée était prévue pour se faire dans une vingtaine de villages de Dabou, mais fautes de moyens, elle ne se fera que dans cinq villages, sans qu’aucun incident ne survienne.

Près d’un an plus tard après cette tournée à Dabou, considéré à tort comme faisant partie de la jeunesse de la Coalition Nationale pour le changement (CNC), mouvement de l’opposition ivoirienne qui a fait long feu, Samba David est arrêté chez lui à domicile, le 13 septembre 2015, et inculpé de « troubles à l’ordre public, discrédit sur une décision de justice, etc ».

Le 2 octobre 2015, il est jugé par un tribunal correctionnel au Plateau et est condamné à 6 mois de prison fermes. Après l’audience, alors qu’il pense qu’on le conduit à la Maca (prison civile d’Abidjan), Samba David est surpris de réaliser qu’on l’a conduit dans les locaux de la Direction de la Surveillance du Territoire (DST), où il sera emprisonné dans un bureau, pendant 90 jours, sans visite et sans l’assistance d’un avocat. A la suite d’une protestation de quelques-uns de ses camarades auprès de la Division des Droits de l’Homme de l’ONUCI, le 17 décembre 2015, Samba David est sorti de la DST et enfin, emprisonné à la Maca. Il ne lui reste alors que trois mois à purger sur les six mois qui lui ont été infligés après son jugement.

En février 2016, alors qu’il ne lui reste plus qu’un mois à purger, il est extrait de la prison et conduit au Parquet où un juge d’instruction lui demande de signer un document portant le renouvellement de sa détention pour quatre nouveaux mois, au motif qu’il serait inculpé de « complicité de meurtre et d’atteinte à l’autorité de l’Etat ».
Samba David refuse de signer ce document car il ne se reconnait pas dans ces nouvelles allégations. C’est de ces nouvelles accusations que le procureur de la République parle dans son communiqué et ce sont elles qui le fondent à garder Samba David en prison depuis deux ans, sans jugement.

A quel moment Samba David se serait rendu « complice » de ces nouveaux crimes?
En fait, notre enquête l’a révélé. Du 12 au 14 décembre 2015, dans un village de Dabou, nommé Nouvel Ousrou, la destitution d’un chef a provoqué des affrontements qui ont amené le chef destitué à avoir recours aux services des FRCI pour mâter les jeunes du village qui l’auraient humilié. Cette intervention des FRCI de Dabou, a entrainé la mort de trois jeunes du village, tués par balles. Et le décès, d’un FRCI, lynché par la foule. Les faits se sont déroulés les 12, 13 et 14 décembre 2015.
A la suite de ces événements tragiques, quatre jeunes du village ont été arrêtés et écroués à la prison de Dabou où ils attendent leur jugement, depuis.
A Abidjan, Samba David est détenu, depuis deux ans, pour les mêmes faits, car, selon le procureur, ce seraient les instructions qu’il aurait données à ses camarades pour destituer des chefs à Dabou, qui seraient à la base des événements ayant entrainé ces quatre morts. Il faut préciser que la « Coalition des Indignés de Côte d’Ivoire », est une structure de la société civile créée en 2013 et légalement déclarée, par Samba David. Elle ne s’occupe pas des questions de chefferie qui sont liées à la coutume propre à chaque village de Côte d’Ivoire. Samba David est originaire de Gagnoa et donc, n’a aucune légitimité à s’immiscer dans des affaires de chefferie à Dabou. Où tout ça nous conduit par rapport aux affirmations contenues dans le communiqué du procureur de la République?
D’abord, la tournée de Samba David s’est déroulée du 16 au 29 novembre 2014. Et les événements dont parle le procureur se sont déroulés, « L’Eléphant Déchaîné » l’a découvert au cours de son enquête sur le terrain à Dabou, du 12 au 14 décembre 2015. Soit, plus d’un an, après la tournée de Samba David.
Par quel miracle, le procureur arrive-t-il à établir un lien de causalité, entre une tournée qui a eu lieu en novembre 2014 et des événements qui se sont produits en décembre 2015?
Ensuite, au moment où ces événements se déroulaient, Samba David était détenu à la DST, après sa condamnation à 6 mois de prison et, donc, était absolument coupé du monde extérieur, sans aucune visite. Comment, de la DST, a-t-il pu se rendre complice de meurtres commis dans un village de Dabou? Rappelons que depuis le 13 septembre 2015, Samba David était entre les mains de la justice. Entre son arrestation et le déclenchement de ces événements, il s’est écoulé trois mois. Entre le moment de sa tournée et le moment des événements, il s’est écoulé plus d’un an.
Enfin, et c’est sans doute cela la chose la plus intéressante, nous nous sommes rendus à Dabou et dans le village en question. Et, nous avons découvert que Samba David n’a jamais mis les pieds à Nouvel Ousrou car, pendant la tournée effectuée en novembre 2014, ce village n’a pu être visité en raison de ce que les populations y étaient en deuil. La chefferie et les populations interrogées à Nouvel Ousrou ont déclaré, à visage découvert et sans anonymat, qu’elles n’ont jamais entendu parler de quelqu’un qui s’appelle Samba David et qui leur aurait demandé de destituer leur chef.
Alors question. Comment, sur la base de telles accusations, le parquet d’Abidjan et son procureur, peuvent se permettre de détenir un citoyen ivoirien, pendant deux ans, sans jugement?
Voilà les faits qui nous ont fondé à prendre position pour Samba David que nous considérons comme un « otage ». Ce qui, évidemment, n’a pas plu au procureur de la République, d’où son communiqué pour tenter d’avoir de son côté, l’opinion publique. Mais les preuves de « L’Eléphant Déchaîné » sont accablantes.
C’est pour cette raison que j’ai demandé à l’avocat de mon journal et de mon ONG SOS JUSTICE CI, le bâtonnier Claude Mentenon, de se constituer, pour défendre la cause de Samba David, sans lui prendre un centime. C’est pour la cause de la justice au service de laquelle, lui et moi, sommes, depuis 2007. C’est le même avocat à qui j’ai demandé de défendre gracieusement l’ensemble des étudiants emprisonnés il y a quelques mois et qui, depuis, ont été libérés. Il l’a fait, sans leur prendre un centime. On ne prend de l’argent à personne. Tout ce qu’on demande, c’est que ceux que nous secourons, au nom de la justice universelle, nous disent simplement la vérité, dès le départ. Et nous enquêtons, ensuite, avant de nous engager, quoi que cela nous coûte.
Me Claude Mentenon, dès la semaine prochaine, va demander qu’il soit mis fin à la « séquestration » de Samba David. Si la justice ivoirienne refuse de le faire, eh bien, on se retrouvera devant la justice de l’UEMOA.
On ne peut pas, dans ce pays, continuer à se taire et à tourner la tête, devant la souffrance d’innocents qui expient, là-bas, à la Maca, des crimes qu’ils n’ont pas commis.
Quand la vérité se met en marche, elle devient irrésistible.
Assalé Tiémoko.
Tiémoko Antoine Assalé

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