Repenser le statut de la Femme en Côte d’Ivoire

Repenser le statut de la Femme en Côte d’Ivoire | Eric Kahe

Statut de la femme : de la décadence postcoloniale aux racines africaines de notre avenir.

 « La barbe dit le jour ce que les tresses ont décidé la nuit », assure un proverbe du peuple Agni, l’une des composantes ethniques du grand groupe Akan de Côte d’Ivoire. Voilà qui illustre parfaitement le rôle primordial de la Femme dans la société ivoirienne, et plus largement africaine, avec sa participation à la vie démocratique. Les mutations structurelles et administratives de nos sociétés, corollaire objectif de notre statut paradoxal d’ »héritiers » du colonisateur, ont-t-elles su préserver le rang qui revenait à la Femme, au regard même de nos traditions spécifiquement ivoiriennes, africaines ?

Rien n’est moins sûr, quand on observe les initiatives que les uns et les autres se sentent obligés de prendre ça et là pour adapter les instruments de notre organisation sociale à la prise en compte de la place des femmes dans la société : place qu’elles n’ont jamais perdue, mais que les structures existantes les empêchent seulement de tenir au grand jour.

La famille étant la première institution d’un pays, il n’est pas de femme, même « au foyer », qui ne fasse partie intégrante du socle de la Nation : au travers l’éducation qu’elle assure à ses enfants, n’est-elle pas la force première de cette Nation, dont les enfants incarnent l’avenir ?

Dans le monde du travail, où elles font généralement preuve de plus d’intégrité que les hommes, les femmes se trouvent rarement appréciées à leur juste valeur, leur rôle social étant souvent sous-estimé, voire ignoré.

Restituer à la Femme ce que certaines dérives postcoloniales de nos sociétés lui ont volé.

Dans ce domaine, où les bonnes intentions n’accouchent bien souvent que de sympathiques déclarations sans lendemain… à l’occidentale, on n’a pas fini pas de rappeler que la question de l’inégalité entre hommes et femmes reste d’une brûlante actualité. Encore qu’il s’agisse moins, dans la plupart des cas, d’un banal problème d’égalité contestée, que d’un déni de reconnaissance par l’homme de l’aptitude de la Femme, son éternel vis-à-vis, à lui apporter ce dont, sans elle, il manquera toujours, à tous les niveaux de son existence.

Il faut restituer à la Femme ce que certaines dérives postcoloniales de nos sociétés lui ont volé : sa double mission de garant de l’équilibre social et de mère de famille. Indépendamment de l’adoption de lois sur la parité, il faut commencer par chercher la solution à la source : une bonne scolarisation de la jeune fille, ainsi que l’amélioration des conditions de vie de la mère et de l’enfant. Devenue adulte, une femme analphabète ou mal formée pour avoir été contrainte d’abandonner ses études pour cause de grossesse précoce, se retrouvera, lors de sa recherche d’un emploi, en situation de nette infériorité opérationnelle par rapport à un homme de sa génération ayant pu achever sa formation.

Il importe donc prioritairement de tout mettre en œuvre pour qu’un nombre croissant de jeunes filles achèvent leur scolarité : cela n’ira pas sans que soit parallèlement repensée l’éducation des jeunes hommes au respect de leurs alter egos féminins.

De l’avènement d’une politique nouvelle, volontariste et courageuse.

Les femmes de Côte d’Ivoire et du reste de l’Afrique méritent l’avènement d’une politique nouvelle, volontariste et courageuse, visant à la reconnaissance de l’éminente position qui est la leur, et à la réaffirmation claire de leurs droits : accès au crédit – aussi bien pour les femmes du monde rural que pour les dirigeantes d’entreprises –, droits fonciers, égalité devant la Loi, etc.

Mais tout ceci implique au préalable qu’à la lumière des richesses de nos héritages ivoiriens et africains sur le terrain des relations entre homme et femme, soit fermement dénoncée et infatigablement combattue la banalisation de l’interventionnisme culturel occidental, et de son cortège de poisons mortels travestis aux couleurs d’un soi-disant humanisme.

Eric Kahe, ancien minsitre
Président de l’Aird, aird-ci.net