Quand des responsables religieux s’invitent dans le débat politique en se rangeant du côté du pouvoir

CE QUE LE CARDINAL JEAN PIERRE KUTWAN ET LE CLERGÉ CATHOLIQUE IVOIRIEN NE SAVENT PAS ET CE QU’ILS DOIVENT SAVOIR..

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En tant que chrétien croyant et pratiquant nous n’avons pas pour habitude de critiquer les religieux, les responsables d’églises et les confessions religieuses parce que nous estimons que le rapport avec Dieu est vécu par chacun selon sa compréhension des Saintes Écritures. Mais lorsque des responsables religieux s’invitent dans le débat politique en se rangeant du côté du pouvoir qui opprime le peuple comme jadis sous l’Ancien Régime monarchique français de droit divin dans lequel le clergé catholique faisait partie de la noblesse, et durant la phase noire de l’occupation nazie de la France,, nous sommes interpellés et nous pouvons réagir non pas pour jeter l’anathème sur toute une institution (ici l’institution catholique) mais pour dénoncer le comportement de certains prélats. De quoi s’agit il ?

C’est le frère Jean-Claude Djereke, ancien prêtre catholique qui éveille notre attention dans une publication. Dans cette publication où il met en relief les dérapages du cardinal Kutwan Archevêque d’Abidjan dans son homélie à la veille du nouvel an, il lui adresse des béatitudes dans lesquelles nous avons retenu la suivante : » »Heureux le Cardinal qui n’a pas peur de condamner les massacres perpétrés à Adjanou, Anonkoua-Kouté, Bouaké, Nahibly, Duekoué, Guitrozon et Adébem et qui a le courage de dire à ceux qui ont commis ces massacres que leur place est derrière les barreaux à la CPI ou à la MACA ».

En lisant le texte de Djereke sur lequel nous nous appuyons, nous pouvons retenir que le clergé catholique ivoirien suit la voie qu’avait empruntée l’Eglise catholique de France durant la Deuxième Guerre mondiale. En effet durant l’occupation de la France par l’Allemagne nazie, plusieurs prélats catholiques ont collaboré avec le régime de Vichy. Ainsi les rapports de l’Église et de l’État, deviennent critiques à la Libération. La Résistance et le Gouvernement provisoire de la République de France (GPRF 1944-1946) et les Français exigent de De Gaulle, l’épuration du personnel ecclésiastique et au premier chef des évêques. Les relations avec le Saint-Siège se tendent. Les statuts des congrégations et de l’enseignement privé font problème. C’est tout le lourd héritage de Vichy qu’il s’agit de régler. Pour régler le compte de l’Eglise catholique collaborationniste, en 1944, André Latreille, historien spécialisé dans l’Histoire des religions, membre du Comité de Libération, fut nommé Directeur des Cultes et conseiller religieux au sein du Gouvernement provisoire de la République. A ce poste, l’historien participa à la difficile épuration de haut-clergé compromis sous Pétain ainsi qu’aux tractations sur le statut des Ecoles libres et des congrégations religieuses.
Le témoignage André LATREILLE dans son ouvrage « De Gaulle, la Libération et l’Eglise catholique »(Paris, Ed. Du Cerf, 1978, 148 P), éclaire un aspect méconnu des relations tendues, parfois violentes mais toujours feutrées, entre de Gaulle et le Vatican.

LATREILLE, grand historien qui fut le conseiller religieux et le directeur des Cultes du Gouvernement provisoire témoigne de cet aspect ignoré de la Libération qui a laissé quelques traces brûlantes dans l’histoire de la France. L’Eglise catholique elle même va reconnaître sa responsabilité historique pour finalement faire sa repentance en 1995, parce que Jacques Chirac venait de reconnaître officiellement la responsabilité de l’État français dans la Shoah.

Pour tout dire Kutwan et certains hommes d’église peuvent collaborer actuellement avec le pouvoir sanguinaire et liberticide odieux installé par la France à Abidjan. Mais et demain ?
Excellence Zadi

Heureux le cardinal qui…

Pour son homélie du 28 décembre 2018, destinée essentiellement aux hommes politiques de notre pays et prononcée à la cathédrale Saint Paul du Plateau, le cardinal Jean-Pierre Kutwã s’est appuyé sur le Message de François pour la journée mondiale de la paix 2019. Il n’est pas inutile de faire remarquer que le pape argentin, qui ne croit pas avoir la science infuse, n’a trouvé aucun inconvénient à citer, dans son message, les ‘‘béatitudes du politique’’ d’un certain François-Xavier Nguyễn Văn Thuận, cardinal vietnamien décédé en 2002.
Je rappellerai, dans un premier temps, les béatitudes de Nguyễn Văn Thuận. Je proposerai, ensuite, mes propres béatitudes, en espérant que l’archevêque d’Abidjan et son presbyterium en feront un sujet de méditation.
Que disait le cardinal Nguyễn Văn Thuận ?
« Heureux le politicien qui a une haute idée et une profonde conscience de son rôle.
Heureux le politicien dont la personne reflète la crédibilité.
Heureux le politicien qui travaille pour le bien commun et non pour son propre intérêt.
Heureux le politicien qui reste fidèlement cohérent.
Heureux le politicien qui réalise l’unité.
Heureux le politicien qui s’engage dans la réalisation d’un changement radical.
Heureux le politicien qui sait écouter.
Heureux le politicien qui n’a pas peur »
Les béatitudes que je propose au cardinal Kutwã:
Heureux le cardinal qui n’ignore pas la signification des vêtements rouges qu’il porte : rendre témoignage à la vérité jusqu’au sang (usque ad sanguinem) car la couleur rouge, insigne distinctif des cardinaux électeurs, rappelle le sang versé par le Christ !
Heureux le cardinal qui est écouté et pris au sérieux parce que ses actes sont en accord avec ses discours, parce qu’il vit ce qu’il prêche !
Heureux le cardinal qui ne confie pas les paroisses les plus juteuses/prestigieuses de son diocèse aux prêtres de son ethnie !
Heureux le cardinal qui n’écoute pas seulement les bourreaux mais entend aussi le cri des victimes, qui voit et essuie leurs larmes !
Heureux le cardinal qui n’a pas peur de condamner les massacres perpétrés à Adjanou, Anonkoua- Kouté, Bouaké, Nahibly, Duékoué, Guitrozon et Adébem et qui a le courage de dire à ceux qui ont commis ces massacres que leur vraie place est derrière les barreaux à la CPI ou à la MACA !
Heureux le cardinal qui ne se tait pas pendant 8 ans et ne se réveille pas un an avant les élections pour fustiger les marchés passés de gré à gré, le clientélisme, le favoritisme et la corruption !
Heureux le cardinal qui se soucie de rendre visite à ses frères illégalement détenus à la Haye et pas seulement à ceux qui lui offrent billets d’avion, bons d’essence et billets de banque !
Heureux le cardinal capable de réclamer la fermeture du 43 e BIMA, la disparition du franc CFA et la fin de l’ingérence de la France dans nos affaires !
Heureux le cardinal qui s’engage quotidiennement pour la justice et la vérité !
Heureux le cardinal prêt à croiser le fer avec le tyran et à déployer ses propres observateurs partout pour s’assurer que les élections ne sont pas truquées comme en République démocratique du Congo !
Heureux le cardinal qui n’expulse pas tel ou tel prêtre ivoirien ayant critiqué Dramane Ouattara uniquement pour plaire au pouvoir!
Jean-Claude Djereke