Ouattara en conflit avec la continuité de l’État

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 Bally Ferro

Le Centre hospitalier universitaire (CHU) d’Abidjan-Angré (photo) sera livré avant la fin de cette année. Construit sur une superficie de 4,6 ha avec une capacité hospitalière de 250 lits, son ouverture officielle, prévue en ce mois de décembre 2017, est donc imminente.

Quand j’ai écouté le président sénégalais à l’inauguration de l’aéroport international Blaise Diagne (AIBD) de Dakar – qui ambitionne d’être «le premier hub aérien d’Afrique de l’Ouest» en lieu et place de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny -, j’ai pâli de jalousie.

Le 7 décembre, Macky Sall n’a pas tourné autour du pot. Il a rendu un vibrant hommage à tous ses prédécesseurs, Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, car, a-t-il déclaré, «chacun d’eux a apporté sa pierre à la construction nationale». C’est de la classe.

Il a eu un mot particulier pour son prédécesseur avec qui les relations, d’abord tendues et très houleuses avec l’épisode de la condamnation, en mars 2015, de Karim Meïssa Wade à six ans de prison et une amende de 210 millions d’euros (137.750.970.000 FCFA) pour enrichissement illicite, se sont relativement apaisées avec la grâce présidentielle du 24 juin 2016.

Macky Sall a fait preuve d’humilité. Il n’oublie pas ou n’a pas feint d’oublier que c’est Wade qui a posé, le 7 avril 2007, la première pierre du nouvel aéroport de Dakar dont il procède à l’inauguration. Au nom de la continuité de l’État; ce principe selon lequel un Gouvernement est engagé par les actions de son prédécesseur.

Cette élégance et cette marque de courtoisie fuient les nouvelles autorités ivoiriennes. Le 21 mars 2015, à l’inauguration du pont de Jacqueville, tout le monde a compris que le chef de l’État Alassane Ouattara était gêné de citer son prédécesseur Gbagbo. Après hésitation et circonvolution, il a parlé, avec mésestime, de «l’ancien président de la République, Laurent Gbagbo» en restant expressément confus.

Ce dernier «avait pris, selon Ouattara, l’engagement et essayé de démarrer les travaux de construction de ce pont» sans que l’on sache le rôle exact joué par Gbagbo dans la réalisation de l’œuvre. Car dans la guerre de l’image et de la délégitimation qui continue de se poursuivre, le chef de l’État déchu n’a aucun mérite et n’a droit à aucun laurier. Or, c’est Laurent Gbagbo qui a posé la première pierre du pont de Jacqueville le 8 juillet 2009.

C’est la même posture qui a été observée partout jusqu’à présent. Le 11 décembre 2013, à l’inauguration de la section de l’Autoroute du Nord Singrobo – Yamoussoukro, Alassane Ouattara a choisi de rendre un vibrant hommage à Félix Houphouët-Boigny, initiateur du vaste projet de l’Autoroute du Nord, en ignorant carrément Gbagbo. Or, c’est Laurent Gbagbo qui, le 27 juillet 2007, a engagé les travaux de prolongement de l’Autoroute jusqu’à Yamoussoukro.

A l’inauguration de l’hôpital général de Gagnoa, le 4 mars 2013, ce fut la même mise en scène. La coopération ivoiro-chinoise a été louée, tout le monde a été remercié, sauf l’adversaire juré Gbagbo. Or, c’est Laurent Gbagbo qui a posé la première pierre de ce centre hospitalier le 4 avril 2009. Etc. etc.

L’image contient peut-être : ciel et plein air

En sera-t-il de même à l’inauguration prochaine du CHU d’Angré? Attendons pour voir. Car cet hôpital général à l’origine a été construit à partir des 100 milliards de nos francs payés par la société Trafigura, l’affréteur du navire Probo Koala (qui a déversé 580 tonnes de déchets toxiques à Abidjan en août 2006), à titre de dommages et intérêts à l’État de Côte d’Ivoire pour couvrir les frais de dépollution, aux parents des seize personnes mortes pour les consoler et aux milliers de victimes des déchets toxiques pour les soins. Les travaux ont été entamés le 1er août 2009, sous le mandat de Laurent Gbagbo.