Mise au point du théologien Jean Claude Djéréké

Il y a quelque temps de cela, le père Jean Claude Djéréké, dans une lettre qu’il a publiée, annonçait sa décision de déposer sa soutane pour reprendre sa liberté de parole et d’action. Et c’est la première fois, à ma connaissance, qu’un prêtre catholique rompt son sacerdoce pour des raisons liées à l’attitude de l’église dans une crise politique en Côte d’Ivoire.
Ce que je vous propose donc, sans être toute l’explication d’une telle décision, pourrait avoir joué un rôle assez important dans les tourments de ce prêtre . Bonne lecture.
Alexis Gnagno

L’EGLISE CATHOLIQUE DANS LA CRISE POST-ÉLECTORALE.

 » La France avait tellement scellé le sort de Laurent Gbagbo que la déclaration du président gambien qui reconnaissait la victoire du président Laurent Gbagbo telle que proclamée par les institutions souveraines de la Côte d’Ivoire n’était reprise par aucun organe de la presse internationale,

Même le Nonce Apostolique, Représentant du Vatican qui était le doyen du corps diplomatique accrédité en Côte d’Ivoire avait été mis à contribution par la France au début de la crise.

Au lendemain de la proclamation des résultats par le président de la CEI( Commission Electorale Indépendante), le Nonce Apostolique avait convoqué tous les ambassadeurs à son domicile et invité une délégation de La Majorité Présidentielle ( LMP) qui soutenait la candidature de Laurent Gbagbo pour leur transmettre le message qu’il fallait s’incliner devant les chiffres énoncés par le président de la CEI.

(…)Le Nonce Apostolique, Monseigneur Ambroise Madtha, quelques jours après la proclamation des résultats définitifs par le Conseil Constitutionnel, a tenté une  » médiation  » au nom du corps diplomatique, pour transmettre un message au président Laurent Gbagbo, après avoir rencontré le 09 décembre 2010, Alassane Ouattara à l’Hotel du Golf.

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Le 10 décembre 2010, en compagnie de certains membres du clergé catholique ivoirien (L’évêque de Korhogo qui était Vice-Président de la Conférence Épiscopale de Côte d’Ivoire n’avait pas été mis dans la confidence de la démarche du Représentant du Pape ), Monseigneur Madtha a rencontré le le président Laurent Gbagbo et lui a demandé : « En bon chrétien, de respecter sa parole donnée sur l’engagement sur l’honneur » dont on lui avait rapporté qu’il avait signé avec Alassane Ouattara, et dans lequel il s’était engagé à s’incliner devant le résultat de l’élection présidentielle proclamé par la CEI,

Au cours de cette audience, le président Gbagbo a d’abord rappelé au représentant du Vatican que la CEI n’avait pas proclamé de résultats provisoires selon les procédures et dans le délai imparti par les textes.

Ensuite, il a indiqué au diplomate que c’est le président de la CEI qui, de manière solitaire, avait énoncé des chiffres qui n’avaient fait l’objet d’aucun acte administratif, si bien qu’ils ne pouvaient être considérés comme des résultats provisoires de l’élection présidentielle.

Enfin, Laurent Gbagbo a reconnu avoir effectivement co-signé avec Ouattara un document dans lequel chacun s’est engagé la veille du scrutin, à respecter le résultat proclamé par la CEI et le Conseil Constitutionnel.

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Monseigneur Ambroise Madtha a fait observer au président Laurent Gbagbo que, dans le rapport qui lui avait été fait, l’engagement sur l’honneur qu’il avait co-signé avec Alassane Ouattara ne concernait que le résultat proclamé par la CEI.

En réponse, le président Gbagbo, séance tenante, a présenté au Nonce Apostolique et à sa délégation, sa copie unique du document sur lequel les deux candidats s’étaient engagés à respecter le résultat proclamé par la CEI et le Conseil Constitutionnel.

Après avoir pris connaissance du texte, le le diplomate du Vatican a été confus.

Afin de l’aider à rétablir la vérité des faits et des actes, le président Gbagbo a fait faire une photocopie dudit document qu’il a voulu remettre au Nonce Apostolique afin qu’il en fasse une large diffusion auprès des membres du corps diplomatique accrédité en Côte d’Ivoire, à charge pour chacun de rendre compte à son gouvernement.

Mais contre toute attente, le doyen des ambassadeurs, prétextant que c’était un « document confidentiel » a refusé de prendre la photocopie de cet engagement sur l’honneur.

Face au « refus diplomatique » du Nonce Apostolique, le président Laurent Gbagbo a fait remettre le document à l’un des évêques ivoiriens, membre de la délégation du Représentant officiel de l’église catholique romaine en Côte d’Ivoire. »

Par Alain Dogou. Ma vérité sur le complot contre Laurent Gbagbo. L’Harmattan 2012.Pages 96 – 97 – 98

MON COMMENTAIRE :

Ce qu’on peut retenir au-delà de l’attitude regrettable du Nonce Apostolique, qui n’a pas osé prendre ses responsabilités devant la vérité des faits, c’est que des évêques ivoiriens ont assisté à cette audience et ont donc été pleinement instruits de la réalité des choses au moment où la vérité avait le plus besoin d’être soutenue, défendue.

En effet, et comme chacun a pu le lire, il est ici rapporté que le président Gbagbo a fait remettre le document en question à l’un d’eux ( L’auteur ne dit pas son nom ). Ils avaient donc la vérité entre les mains, mais ils n’ont rien dit. POURQUOI ?

Le père Jean-Claude Djereke qui a décidé de déposer sa soutane pour reprendre sa liberté de parole et d’action, a dû se poser cette question plusieurs fois. POURQUOI ?
Alexis Gnagno

le sujet est de savoir, d’une part, si les évêques ivoiriens qui étaient avec Ambroise Madhta au moment ou Laurent Gbagbo lui remettait le document dans lequel Ouattara et lui s’engageaient a reconnaitre les résultats de l’élection présidentielle proclames successivement par la CEI et par le Conseil constitutionnel devaient se taire ou non et, d’autre part, si la conférence épiscopale ivoirienne a avalisé ou non les résultats de la présidentielle de 2010 proclamés par le Conseil constitutionnel. La conférence épiscopale ivoirienne ne s’est jamais prononcée sur les résultats proclamés par le CC. Seul le cardinal Bernard Agre a eu le courage d’affirmer que, quand le Conseil constitutionnel a fini de proclamer les résultats définitifs, tout le monde devrait s’aligner car ses décisions sont irrévocables. Si quelqu’un soutient le contraire sans en apporter la preuve, c’est un menteur et un rigolo. Pour le reste (le P. Djereke ne pouvait-il pas rester dans le clergé et dire sa part de vérité?), je renvoie mes détracteurs à la belle réponse d’Alexis Gnagno et de Paul Kalou: 1) il est naïf de penser qu’on peut changer un système de l’interieur; 2) Il est lâche, malhonnête et irresponsable de continuer a cheminer avec des gens avec qui on ne partage pas les mêmes valeurs. Pour ma part, je voudrais rappeler ceci: certaines personnes, dans l’Église catholique, fermées et hostiles à toute critique et reforme, sont prêtes à tout pour vous faire taire. Le Pape Jean-Paul 1er fut tué parce qu’il voulait nettoyer le Vatican (cf. David Yallop, « In God’s Name », Bantam Books, 1984). Depuis qu’il est parti, le P Djereke a-t-il usé de sa liberté de parole pour la manifestation de la vérité en Cote d’Ivoire?, se demande un détracteur,Okobet. De deux choses, l’une: ou bien ce dernier est de mauvaise foi, ou bien il est d’une ignorance inquiétante car ceux qui lisent les journaux en ligne, les quotidiens bleus et « L’Inter » d’Abidjan savent que je donne régulièrement mon avis sur la Côte d’Ivoire et sur l’Église catholique en CI. A cela, il faut ajouter des conférences données sur la Cote d’Ivoire au Canada et aux Etats-Unis ainsi que trois livres publies en 2014 (« Abattre la Francafrique ou perir »), en 2015 (« Réflexions sur l’Église catholique en Afrique ») et en 2017 (« Le Christianisme : Un instrument de libération ou d’aliénation en Afrique? » et « L’Afrique doit être libre et souveraine »). Lui, Okobet, qui veut donner des leçons, a-t-il deja publie un seul article sur la CI? Si oui, lequel et dans quel journal ou revue? Combien de conférences a-t-il données sur la CI? Si Okobet a des amis ou des parents prêtres qui pensent qu’ils doivent rester et mourir dans l’Eglise catholique, même si l’institution est tribaliste, raciste, affairiste et incapable de rendre témoignage à la vérité et a la justice comme Jésus qu’elle prétend suivre et servir, c’est leur choix. Moi, j’ai choisi de partir par honnêteté avec moi-même et pour être en accord avec ma conscience; ce choix, je ne le regrette pas et je m’en fiche s’il déplait a des gens fanatiques et bornes comme Okobet.

Une dernière remarque: Ni la prêtrise, ni l’Église catholique ne sont une fin en soi. Ce ne sont que des moyens ou des voies dont tout homme sensé et équilibre ne devrait pas devenir esclave si ces moyens commencent à le détourner de l’essentiel. Car l’essentiel, la fin ou le plus important n’est pas telle ou telle voie. La fin sur laquelle nous serons tous juges, prêtres ou laïcs, croyants ou athées, c’est l’amour ou le service de l’homme (Mt 25, 31-46). Lutter pour la justice et la vérité est une forme de cet amour ou service. En se taisant sur l’ingérence et les crimes de la France en CI, l’ancien nonce apostolique, la conférence épiscopale ivoirienne et le Vatican ont déshonoré gravement le Christ et montré qu’ils n’étaient pas au service du Christ mais au service du mensonge, de l’injustice et du faux, et donc du diable. Madhta a déjà récolté le prix de sa trahison de l’Evangile. Les criminels et menteurs qu’il a soutenus l’auraient fait tuer dans un accident de la circulation. Quant aux autres indignes prêtres et évêques, tôt ou tard, ils répondront de leur complicité avec le faussaire et sanguinaire Dramane Ouattara. Tôt ou tard, ils doivent payer ou être punis comme les prêtres et évêques français pétainistes payèrent après la libération de la France.

Concernant mon rapport à l’Église, je dirais ceci: mon amour pour elle est réel mais c’est un amour qui ne m’empêche pas de critiquer ses travers, mensonges, lâchetés, compromissions, mondanités, dérives et abus. En d’autres termes, j’essaie de faire valoir, aussi bien dans l’Église qu’en politique, amour et esprit critique; oui, il m’est arrive de critiquer le pape (quand Jean-Paul II refusait de démissionner alors qu’il était devenu incapable d’exercer sa charge, quand Benoit XVI se fit représenter par un évêque indien à investiture du faussaire et sanguinaire dramane ouattara), certains cardinaux, évêques et prêtres quand ils menaient une vie qui n’a rien a voir avec le message de Jésus; mais il m’est arrive aussi de féliciter publiquement d’autres prêtres et évêques qui parlent ou agissent comme Jésus; j’ai, par exemple, été toujours admiratif de l’action de Mgr Bernard Yago, de Mgr Paul Dacoury-Tabley, des cardinaux Joseph Malula (ex-Zaire) et Christian Tumi (Cameroun), de Mère Teresa, de l’abbé Pierre, de Mgr Dom Helder Camara, de Gustavo Guttierez, Leonardo Boff et autres théologiens de la liberation en Amérique latine, du pape François. Contrairement à certaines personnes, je ne pense pas que critiquer ce qui ne va pas dans l’Église, c’est vouloir la détruire; Jean-Paul II, en invitant, à la veille de l’année jubilaire, tous les catholiques à reconnaitre les fautes de l’Église (esclavage, inquisition, racisme, persécution des Juifs, traite négrière, l’oppression et la domination des femmes par les hommes, etc.) au cours de l’Histoire, voulait-il détruire l’Eglise? Non! Benoit XVI, en admettant que certains clercs (évêques et prêtres) étaient pédophiles et en les sanctionnant, était-il en train de détruire l’Église? Non ! François, en faisant démissionner certains évêques parce que leur vie est contraire à la mission épiscopale, détruit-il l’Église? Non! Critiquer les mauvaises choses dans l’Église ne signifie pas qu’on la déteste ou qu’on veut sa disparition; je dirais plutôt que c’est une manière de dire qu’on l’aime car, comme disent les Latins, « qui bene amat, bene castigat » (qui aime bien, châtie bien). Aimer l’Eglise, c’est, par ailleurs, lui rappeler qu’elle n’est pas une fin en soi mais un moyen car sa mission est de nous faire connaitre et aimer Jésus qui était pauvre, simple, humble et solidaire des faibles.
Notre Eglise est-elle pauvre, simple, humble et solidaire des faibles, aujourd’hui? Non, répond le pape François. A-t-elle toujours pris la défense des petits et faibles? J’en doute fort. En tout cas, pas en Cote d’Ivoire en 2010-2011. En Afrique francophone, l’Église (le Vatican, les missionnaires occidentaux et le clergé local), en se taisant sur leurs crimes ou en s’acoquinant avec eux, a souvent été du côté des dictateurs contre le peuple qui ne désire qu’une chose: vivre tranquillement et jouir des richesses que Dieu lui a données. Dénoncer ce contre-témoignage signifie-t-il qu’on est contre l’Église? Je ne crois pas.
En conclusion, j’aime l’Église mais je ne l’idolâtre pas; j’aime le pape mais je ne suis pas un papolâtre; j’aime la paix mais je ne suis pas pacifiste car un monde sans conflits n’existe pas. Les conflits sont inévitables dans un groupe ou entre deux personnes mais, quand on se dit civilisé, on les règle par la parole et non par la kalachnikov. Je respecte les autorités religieuses mais je ne les crains ni les adore car Dieu seul mérite d’être craint et adoré.
Jean-Claude Djereke

Une pensée sur “Mise au point du théologien Jean Claude Djéréké

  • 20/08/2017 à 18:26
    Permalink

    je rappelle à toutes fins utiles que les commentaires sont les bienvenus, à condition qu’ils soient en rapport avec le sujet. Donc si vous écrivez, juste pour placer votre pub, ne vous fatiguez pas, vous serez censurés…
    merci

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