L’enseignement du Rav Kook, (la guerre, 1ere partie)

1. La force messianique se révèle à travers la guerre


(Une tranchée pendant la Première Guerre Mondiale)


Traduction simple :

Quand une grande guerre a lieu dans le monde, la force messianique se réveille. “L’époque de la taille est arrivée”, celle de l’élagage des tyrans : les méchants sont éliminés du monde, le monde s’assainit, “et le chant de la tourterelle se fait entendre sur notre Terre”. Le sort des personnes qui périssent hors de toute justice, prises dans la tourmente de la guerre, a quelque chose de la mort expiatrice des justes. Ils s’élèvent au sommet, à la source de la vie, l’essence de leur vie vient ajouter à la valeur globale du bien et de la bénédiction, à l’œuvre générale de l’édification du monde dans toutes ses valeurs et tous ses concepts.

Et puis, quand la guerre est finie, le monde se renouvelle dans un esprit nouveau, et la trace des pas du Messie devient très visible, et selon la grandeur de la guerre, quantitativement et qualitativement, l’attente des pas du Messie se fera plus forte. La guerre mondiale d’aujourd’hui est porteuse d’une attente terrible, forte et profonde, liée à l’enchaînement des événements, et à la démonstration du ‘signe évident’ du repeuplement de la Terre d’Israël.

C’est avec un grand esprit, un courage sans faille, une intelligence profonde et pénétrante, une vraie soif de vérité et des idées claires, que nous devons capter la teneur sublime de la lumière divine qui se dévoile au sein d’un acte prodigieux, dans les épopées de ces guerres spécifiquement.

“Maître des guerres, semeur de justice, catalyseur des délivrances, créateur des remèdes, au-delà des louanges, auteur des prodiges, qui renouvelle chaque jour constamment par sa bonté l’œuvre de la Création, Tu éclaireras Sion d’une lumière nouvelle, et il nous sera donné à tous bientôt de voir sa lueur !”.


TEXTE HÉBREU ORIGINAL


Traduction avec commentaire :

Quand une grande guerre a lieu dans le monde, on parle ici de toute guerre qui éclate entre des nations du monde, la force messianique se réveille, parce qu’une guerre provoque un bouleversement dans le monde, repousse les forces du mal et prépare un nouvel ordre des choses, et tout cela aplanit le chemin pour la venue du Messie.

“L’époque de la taille est arrivée” [Cantique des Cantiques 2, 12 ; Zohar Vayikra 4, 2], dans le sens du ‘fauchage et de l’élagage’, celle de l’élagage des tyrans [Isaïe 25, 5]. Dans les grandes guerres, le Saint-Béni-Soit-Il taille, fauche et fait tomber les méchants qui tentent de se rendre maîtres du monde. Les méchants sont éliminés du monde, comme on le voit dans la première guerre mondiale où les méchants perdirent plus que tous les autres : l’Allemagne encaissa un sérieux coup, et le grand Empire Ottoman tomba. Même si les forces du mal ne furent pas complètement écrasées et anéanties, il reste qu’une grande guerre comme celle-là amène une sérieuse remise en question. Et effectivement, après la première guerre mondiale, les gens éprouvèrent un sentiment de détresse, d’abaissement et de culpabilité, et ce fut pour le monde un début de techouva. Le monde s’assainit, et partant de cette réflexion mondiale, “le chant de la tourterelle se fait entendre sur notre Terre” [Cantique des Cantiques 2, 12 ; Zohar Vayikra 4, 2] – dans notre pays à nous ! Certes, le Messie apporte une bénédiction au monde entier, mais il commence par ‘notre Terre’. C’est pourquoi, quand le monde entier s’assainit et progresse, nous savons qu’il y aura une très grande avancée dans le peuple d’Israël, car après que l’axe du mal s’est le plus opposé au peuple d’Israël, la chute du mal au plan mondial crée naturellement une situation où c’est le Messie qui prend l’avantage /5.

Quant aux personnes qui périssent hors de toute justice, prises dans la tourmente de la guerre, leur sort a quelque chose de la mort expiatrice des justes. Dans une guerre, on aurait tort de penser qu’il n’y a pas de providence individuelle. Et pourtant, quand un obus tombe dans une position et tue tous les hommes qui y sont enterrés, quand des Allemands déferlent dans une tranchée et ‘fauchent’ d’un seul coup une foule de Français, la réalité semble nous dire que la providence individuelle est inexistante, que les individus sont supprimés sans jugement. Mais en réalité, le Saint-Béni-Soit-Il dirige son monde selon des calculs si complexes, que nous ne pouvons pas comprendre comment il le gère au niveau le plus haut. C’est le sens du verset “Certains sont supprimés sans jugement” [Proverbes 13, 23] : certes, les événements ne s’expliquent pas simplement selon la logique de la récompense et de la punition, mais pour autant l’intention du verset n’est pas de dire que les choses sont laissées à l’abandon ; au contraire, tout est arrangé selon l’ordre divin.

Nous apprenons alors qu’une guerre n’entraîne pas seulement un ‘élagage’ des tyrans, mais aussi un ‘élagage’ des justes. Cependant, le sort des personnes qui n’ont rien fait de mal et qui périssent hors de toute justice, prises dans la tourmente de la guerre, quand les obus tuent sans faire de différence entre le juste et le méchant, a quelque chose de la mort expiatrice des justes. Ces personnes sont des justes, dans le sens qu’elles ne méritaient pas d’être tuées à la guerre (et on ne parle pas ici que du peuple d’Israël, mais tout aussi bien des nations du monde), et que leur mort fait expiation pour la collectivité. À quoi la chose ressemble-t-elle ? À un enfant qui a volé quelque chose et qui reçoit une gifle pour son forfait. Puisque c’est la main qui a volé, pourquoi est-ce une autre partie du corps qui en souffre ?! La seule raison est qu’il s’agit d’un seul organisme. Ainsi, beaucoup tombent dans une guerre, mais toute la nation en ressent la douleur, et elle se purifie.

Et à ce point pourquoi ?

Au niveau apparent, leur mort fait expiation parce qu’elle ébranle les consciences, et que les gens sont amenés à faire leur propre introspection. C’est ce qu’exprime le verset : “Mieux vaut aller dans une maison en deuil que dans une maison en fête, car là est la fin de toute homme, et le vivant en prendra conscience” [L’Ecclésiaste 7, 2].

Au niveau caché, leur mort fait expiation parce qu’ils s’élèvent au sommet, à la source de la vie. C’est leur corps qui est mort, mais leur âme ne l’est pas. Leur âme s’élève au sommet, à la source de la vie, et de ce fait toutes les âmes ensemble se remplissent de vie ! L’essence de leur vie vient ajouter à la valeur globale du bien et de la bénédiction, à l’œuvre générale de l’édification du monde dans toutes ses valeurs et tous ses concepts, dans le secret de l’unité des âmes.

C’est donc au niveau caché qu’on peut expliquer que la mort des justes amène une expiation collective. Après que ces personnes ont péri hors de toute justice, elles reçoivent tout leur dû dans le monde à venir, et quand une foule de gens ont péri hors de toute justice, un très grand nombre de ‘parts’ du monde à venir sont attribuées. Un très grand nombre d’âmes s’élèvent vers la source de la vie, et de ce fait l’humanité toute entière bénéficie d’une poussée vers le haut.

Et puis, quand la guerre est finie, le monde se renouvelle dans un esprit nouveau, et la trace des pas du Messie devient très visible. Selon la grandeur de la guerre, quantitativement – selon le nombre de peuples qui y sont engagés – et qualitativement – selon le perfectionnement et la pouvoir meurtrier des armes, l’attente des pas du Messie se fera plus forte. Tant que dure la guerre elle-même, la souffrance est terrible, mais quand elle se termine, une grande purification a lieu, le monde s’assainit et s’améliore, un esprit nouveau souffle sur le monde, et “les pas du Messie se font clairement ressentir”, c’est-à-dire qu’on perçoit un grand progrès vers les temps messianiques. Et comme le dit le Midrach : “Si tu as vu les états se déclarer la guerre, c’est  un aperçu du pied du Messie” [Berechit Rabba 42, 4].

La guerre mondiale d’aujourd’hui – la première guerre mondiale, pendant laquelle ces lignes ont été écrites, fut la guerre la plus terrible et la plus violente jamais vue jusque là. Le yichouv juif en Terre d’Israël souffrit énormément, au point qu’à Jérusalem seulement 25 000 personnes moururent, parmi lesquelles beaucoup d’enfants. Et malgré cela, elle est porteuse d’une attente terrible, forte et profonde, en liaison avec l’enchaînement des événements, et avec la démonstration du ‘signe évident’ du repeuplement de la Terre d’Israël. Dans toute guerre retentissent les tintements de l’arrivée du Messie. Mais après qu’est survenue une guerre si grande et si terrible, et qu’en outre de notre côté l’exil touche à sa fin, puisque le peuple d’Israël revient sur sa Terre et que la Terre donne généreusement ses fruits [voir Sanhédrin 98a], la conjonction de tous ces événements nous donne la certitude que la Délivrance est proche, qu’elle arrive.

En face de la cruauté de tous ces philosophes européens, issus principalement de la nation germanique, qui idéalisèrent la guerre en disant que la guerre est une chose  bonne et merveilleuse, qui ajoute [au monde] de l’énergie et du courage, nous savons et nous affirmons que la guerre est une chose abominable. Cependant, quand finalement la guerre est là, il faut une certaine maturité d’esprit pour reconnaître que cette guerre a son rôle à jouer dans le monde, pour comprendre que de cette guerre terrible (la première guerre mondiale) sortira une grande délivrance, pour extraire de la lumière d’une telle obscurité, de la douceur d’une telle amertume [Voir Zohar I 4, 1].

C’est avec un grand esprit, un courage sans faille, une intelligence profonde et pénétrante, une vraie soif de vérité et des idées claires – car celui qui est attaché à la vérité l’accepte même si au premier abord tout semblait différent – que nous devons capter la teneur sublime de la lumière divine qui se dévoile au sein d’une acte prodigieux, dans les épopées de ces guerres spécifiquement. La lumière divine se dévoile à travers tous les tourments de ces terribles guerres. Dans toute grande guerre se réveille l’attente, et à plus forte raison dans cette guerre abominable qui jeta de nombreux peuples dans une confrontation comme il n’y en avait jamais eu auparavant. Ceci dit, toutes ces qualités étaient nécessaires pour comprendre que cette guerre amènerait un assainissement, une purification, un examen de conscience profond, et partant de là un progrès.

Comme nous disons tous les matins dans la prière de Cha’harit : “Maître des guerres,” – c’est le Saint-Béni-Soit-Il qui fait survenir les guerres, c’est Lui qui met en œuvre sa Providence divine dans la construction du monde à travers guerres, car du sein même des guerres il est semeur de justice, catalyseur des délivrances,” – du sein des guerres sont semés les bienfaits d’où plus tard fleuriront les délivrances, créateur des remèdes, au-delà des louanges, auteur des prodiges,” – et pour comprendre tout cela, il faut “un grand esprit, un courage sans faille, une intelligence profonde et pénétrante, une vraie soif de vérité et des idées claires” ; qui renouvelle chaque jour constamment par sa bonté l’œuvre de la Création, – le Saint-Béni-Soit-Il opère une création et un renouvellement permanents, tantôt par la voie de la bénédiction, et tantôt par la voie de la guerre, et de là vient l’attente des pas du Messie : Tu éclaireras Sion d’une lumière nouvelle, et il nous sera donné à tous bientôt de voir sa lueur.” Par le moyen de ces grandes guerres se fait jour une lumière nouvelle sur Sion.
RavKook-lumières.com