Le Mali versus Côte d’Ivoire

Joseph Titi

Le Mali et nous

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La présidence ivoirienne n’a toujours pas commenté les dernières fuites mettant en cause Alassane Ouattara dans un enregistrement-audio devenu rapidement viral sur les réseaux sociaux depuis vendredi.

Dans cet enregistrement, en cours d’authentification au Mali, deux voix qui sont vraisemblablement celles d’Alassane Ouattara et de Boubou Cissé, -l’ancien Premier ministre d’IBK-, évoquent avec une certaine délectation l’ampleur des difficultés auxquelles ferait face le Mali après deux mois de blocus économique imposé par la Cédéao.

Le président ivoirien s’y laisse littéralement aller puisqu’il traite d’idiots les responsables de la transition malienne et se moque de la Russie, 11è puissance à ses yeux ; ce qui n’est pas tout à fait vrai. Parce que selon les données du FMI, la Russie est plutôt la 6è puissance économique du monde sans compter ce qu’elle représente, notamment sur le plan militaire.

Ceci dit, qu’est-ce que le président ivoirien était allé chercher, en octobre 2019 à Sotchi où en dépit des forts liens de sujétion qui lient notre pays à la France, Ouattara avait lui-même représenté la Côte d’Ivoire au premier sommet Russie-Afrique ? Que cherchait-il dans les jupes d’une pauvre dame qui n’a pas les moyens du Canada, comme il le dit si bien, et qui ne peut que fourguer de vieux équipements militaires au Mali ?Au vu de telles performances, on pourrait se demander si nos élites ont toujours la pleine connaissance des rapports de forces qui dirigent le monde au-delà de la vénération traditionnelle qu’elles ont pour l’ancien maître et si, en particulier, elles ont l’intention d’être autre chose qu’un marchepied pour les grandes puissances ?

Autrement, Boubou Cissé et Alassane Ouattara ne se seraient pas moqué les dirigeants maliens qui semblent plutôt décidés à s’enlever la corde de la dette au cou. Du moins, dans des proportions réalistes, afin d’éviter de se surévaluer en comptant sur les autres.S’endetter, y compris pour faire fonctionner son pays, est en effet un signe d’échec. Car aucun homme sage n’envisage la dette pour se nourrir si ce n’est pour acheter des biens qui seront rentables et qui vont lui permettre de rembourser sa dette. La Côte d’Ivoire a pu le faire à une autre époque sans que le ciel ne soit tombé sur nos têtes. Alors, le Mali peut certainement le faire. Il suffit d’assainir la gouvernance et de traquer les déprédations.

En Côte d’Ivoire, celles-ci représentent 1300 milliards de F CFA qui disparaissent chaque année dans les dédales de l’administration et du pouvoir. Si on les compare aux appuis budgétaires de ces quatre dernières années, on a les chiffres suivants : 2017 (1119,5 milliards d’appuis extérieurs), 2018 (1332,4 milliards), 2019 (549,9 milliards), 2020 (960, 3 milliards). Ces 1300 milliards volés chaque année nous empêcheraient de recourir à la dette dont le cumul, au premier trimestre 2021, était de 19.800 milliards, a reconnu vendredi le ministre de l’économie et des finances sur le plateau de la télévision nationale. On ne peut donc pas avoir un tel passif et se moquer du Mali dont les dirigeants ne sont peut-être pas si idiots que ça.
Joseph Titi Gnahoua