Le voile levé sur Abou Doumbia

VOUS N’AUREZ PAS CETTE GUERRE DE RELIGION (8-bis)

1979 voit l’avènement de la République islamique d’Iran. Les musulmans qui souffrent de la tyrannie des monarques corrompus, dépensiers, aux mœurs dissolus, découvrent que contrairement à ce qu’on leur a toujours dit, il n’y a aucune antinomie entre l’islam et la république et qu’il n’y a en réalité pas de monarchie de droit divin. ils commencent à ouvrir des yeux de Chimène sur la révolution iranienne.

Pour ne pas subir le même sort que le Shah d’Iran, les monarques, avec l’appui des occidentaux dont ils sont les obligés, vont entreprendre une politique de dénigrement du pouvoir iranien et surtout de l’islam chiite présenté comme une hérésie.
Sachant que  les croyants africains sont à majorité sunnites de rite malékite, des bourses seront octroyées à des étudiants en théologie pour aller se perfectionner au Maroc, en Arabie Saoudite…Le but, c’est d’enfermer les musulmans dans l’abrutissement en leur faisant croire que combattre les dictateurs est un péché.

Nous sommes dans les années 80.
En Côte d’Ivoire, grâce à l’émission télévisée « Al Akbar », les musulmans commencent à s’organiser et décident de s’investir dans les activités socio-éducatives par la création d’écoles confessionnelles musulmanes, dans le cadre du programme pédagogique national, pour que ces écoles ne soient plus sous la tutelle du ministère de l’intérieur.

Les musulmans adioukrous donnent un espace à Dabou pour la construction d’un groupe scolaire destiné aux enfants du primaire jusqu’au lycée. Les musulmans bétés de Gagnoa estimant qu’il ne faut se limiter au lycée, octroient eux-aussi un terrain afin d’y bâtir une université. Mais ces projets ne verront jamais le jour. On fera courir la rumeur que c’est l’archevêque d’Abidjan, Bernard Yago, natif de Dabou et l’évêque Dakouri natif de Gagnoa qui se seraient opposés à la réalisation de ces projets. Il n’en était rien.
On apprendra la vérité plus tard.I ls ont échoué par la faute d’un musulman,Balla Kéita, alors ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
Cet homme passé maître dans l’art de la flagornerie, -souvenez-vous du slogan « vive Nanan Houphouët-Boigny » qu’il avait imposé dans les écoles et que les élèves et leurs maîtres devaient réciter tous les jours comme un mantra avant les cours- c’est lui qui a fait capoter ces initiatives.
Voulant plaire au « Vieux », il a demandé aux promoteurs d’aller construire ces établissements scolaire et universitaire à Yamoussoukro qui venait d’être érigé en capitale politique de la C.I.en 1983 par le chef de l’état. Devant le refus des initiateurs, il est allé faire croire au Chef de l’Etat que le groupe scolaire était financé par la République islamique d’Iran et l’université par le colonel Kadhafi. Surtout que le parti unique avait propagé la rumeur partout que c’est l’imprévisible chef d’état libyen qui soutenait le Pr Laurent Gbagbo dans le but de renverser le pouvoir! Et selon lui, l’université en question serait ethnique, c’est là que seraient formés des combattants pour venger les guébiés qui avaient subi une répression féroce en  1970.

C’est ce qui explique sa haine envers l’Imam Boikari Fofana qui était de ceux qui refusaient cette démarche malhonnête de notre ministre. Ce dernier restera dans le collimateur du pouvoir parce que soupçonné d’intelligence avec l’Iran.
Une occasion se présentera au régime pour le harceler, après qu’il ait donné une interview à un magazine français dont l’intitulé était « Mission impossible pour l’islam en Côte d’Ivoire ». En fait, dans cet entretien il n’a rien dit de mal contre le christianisme, il n’a montré aucun désir d’instaurer une république islamique. A la question sur la basilique, il a dit que c’était un bonne réalisation. Sur le gigantisme de l’édifice religieux il a estimé qu’il aurait été plus approprié de le bâtir à Abidjan, plus peuplée que Yamoussoukro où les catholiques sont moins nombreux, vu la faible densité de la population.
A la suite de cet interview, l’Imam s’est retrouvé dans les locaux des renseignements généraux pour y subir un interrogatoire qui a duré plusieurs jours. On l’a interrogé sur certains voyages qu’il aurait effectué au Moyen-Orient, où il aurait rencontré des responsables iraniens d’après les renseignements qu’ils ont reçus, pour instaurer une république islamique en  Côte d’Ivoire, ce qui était faux. Il était tout simplement victime d’une cabale fomentée contre lui par un personnage, un certain Abou Doumbia, PCA de la SIB ( société ivoirienne de banque) , filiale à cette époque du Crédit Lyonnais, et dont Houphouët-Boigny détenait la majorité des parts.
Ce guinéen d’origine, mais de nationalité française, cherchait tout simplement à contrôler la communauté musulmane. Tout comme Sidia Touré, « officiellement » originaire d’Odienné, mais qui quelques années plus tard deviendra premier ministre de Guinée et candidat par deux fois aux élections présidentielles en Guinée, le pouvoir PDCI présentera Abou Doumbia comme natif de la même région que l’imam. Il ira trouver L’imam Boikari Fofana avec un document à signer, qu’il remettrait personnellement au président Houphouët-Boigny pour que celui-ci intervienne pour qu’on le libère. Lorsqu’il a voulu lire le document en question avant de le signer, Doumbia s’y est opposé et lui a intimé l’ordre d’apposer sa signature, ce qu’évidemment Fofana a refusé. Ils auraient eu d’après des témoins une vive altercation. L’imam avait raison, il ne pouvait pas signer un papier dont il ignorait le contenu. Et qui aurait pu être de faux aveux de sa part. C’est l’irruption de ce sinistre personnage qui a persuadé les enquêteurs  de l’innocence de l’Imam et sa libération s’en suivit.

Cet Abou Doumbia sera nommé quelques années plus tard ambassadeur de Côte d’Ivoire près le Royaume d’Arabie Saoudite par Houphouët-Boigny. Il sera le premier ambassadeur du pays, accrédité dans cette monarchie. Le jour de sa nomination, un ami étudiant guinéen me confia qu’il est du même pays que lui et ami de son père. Il aurait quitté la Guinée en 1960 avec un bon pactole, qui serait rien moins que l’argent détourné à Conakry des caisses de la BNAG( Banque nationale agricole de Guinée). Se faisant passer pour un opposant à Sékou Touré, cela lui attira la faveur du Bélier de Yamoussoukro puisque ce dernier les utilisait comme espions.
En tant qu’Ambassadeur, les Ivoiriens qui travaillaient, étudiaient ou qui allaient en pèlerinage à la Mecque se plaignaient de lui. Ils disaient qu’ils s’occupait uniquement de ses propres business et était plus enclin à s’occuper des problèmes des non ivoiriens que des citoyens de Côte d’Ivoire.
C’est finalement le président Bédié qui l’a relevé de son poste pour le remplacer par un authentique fils du pays.
Dramane Ouattara