« Le Franc CFA est un système de drainage des ressources africaines »

https://survie.org/local/cache-vignettes/L825xH619/arton5450-d5f93.jpg?1540808367
rédigé le 5 mars 2018 (mis en ligne le 29 octobre 2018)Ndongo Samba Sylla,

L’économiste Ndongo Samba Sylla, chargé de recherche au bureau Afrique de l’Ouest de la Fondation Rosa-Luxemburg (Dakar), était invité début février par Survie pour des conférences dans une dizaine de grandes villes françaises, sur le Franc CFA et les mouvements sociaux en Afrique. Entretien.

Billets : Quelles sont les principales critiques que vous formulez sur le Franc CFA ?
Deux types de critiques sont adressés au système FCFA. La première, d’ordre politique, consiste à dire que le franc CFA n’est pas une monnaie souveraine africaine, c’est-à-dire une monnaie contrôlée par les Africains et gérée pour le bénéfice de leurs populations. Dans les faits, c’est une monnaie étrangère qui circule en Afrique et qui est sous le contrôle de la France. En marge des signes monétaires fabriqués en Hexagone [1]) et par le fait que la politique de change est du ressort du Trésor français qui s’adjuge ainsi le pouvoir de déterminer la valeur externe du franc CFA. La seconde, d’ordre économique, consiste à dire que le franc CFA est un instrument de sous-développement.

Et sur le plan économique justement, quelles sont les conséquences de ce système monétaire pour les pays membres, peut-on identifier des caractéristiques communes à l’économie de ces pays ?
En fait, les quinze pays de la zone franc en Afrique (i) ont obtenu des taux de croissance moyens du revenu par habitant relativement bas depuis les indépendances, (ii) ont les performances les plus faibles au monde sur les indicateurs relatifs à la santé et à l’éducation, (iii) sont tous sans exception des pays exportateurs de produits primaires et (iv) sont très peu intégrés entre eux sur le plan commercial, malgré plus de 72 ans d’intégration monétaire. La responsabilité du système franc CFA dans le sous-développement des pays africains se situe à un triple niveau.

Tout d’abord, le franc CFA est un système de répression monétaire. Le volume de crédit est faible et concerne pour l’essentiel le secteur des services. Les taux d’intérêt réels font partie des plus élevés au monde, malgré la faible inflation. Or, sans crédit, c’est-à-dire sans une avance à la production, il ne peut y avoir de croissance et, a fortiori, de diversification de la production. Il est ironique de constater que la BCE