Pendant plus de dix ans, à partir de 1955, la France a mené au Cameroun une véritable guerre qui fera des dizaines de milliers de morts. Une guerre qui s’est déroulée sans aucun contrôle parlementaire, sans que l’opinion française en soit informée. Et qui ne figure dans aucun livre d’histoire. En mai 2009, en visite officielle à Yaoundé, un certain François Fillon, alors Premier ministre, se croit même en position d’affirmer : «Je dénie absolument que des forces françaises aient participé en quoi que ce soit à des assassinats au Cameroun. Tout cela, c’est de la pure invention !» Ce n’est pas exactement l’impression qui se dégage à la lecture d’un livre très documenté (1), écrit par deux journalistes français et un historien camerounais qui, après avoir publié une véritable somme sur le sujet en 2011, apportent des éléments nouveaux et révèlent comment la guerre du Cameroun a préfiguré l’invention de la Françafrique. Rencontre avec Thomas Deltombe, coauteur de l’ouvrage.

Pourquoi aujourd’hui encore un tel silence sur ce qui s’est passé au Cameroun à partir de 1955 ?

Il y a plusieurs raisons. D’abord la guerre d’Algérie, qui a masqué ce qui se déroulait au même moment au Cameroun, pays plus lointain et moins connu des Français. Ensuite le statut particulier de ce territoire. Placé sous la tutelle de l’ONU en 1946, le Cameroun jouissait théoriquement de droits plus grands que les autres colonies, en particulier le droit «à l’autonomie ou à l’indépendance». Mais quand un mouvement populaire a revendiqué l’application de ces droits, les autorités coloniales ont lancé une vaste répression pour l’anéantir. Ce mouvement, l’Union des populations du Cameroun (UPC), ne demandait pourtant rien d’autre que les droits reconnus par la charte des Nations unies. C’est pourquoi cette guerre a été délibérément dissimulée. La consigne était de «faire régner le silence». Les rares fois où cette guerre était mentionnée en France à l’époque, elle était décrite comme de simples «troubles» à caractère «ethniques». Alors même que c’est la France qui l’a initiée et qui a continué à la superviser bien après l’indépendance proclamée en 1960. L’écrivain camerounais Mongo Beti a été victime de ce black-out organisé : quand il a publié à Paris en 1972 un livre qui décrivait ce qui s’était passé dans son pays, l’ouvrage a été immédiatement interdit par le gouvernement français et les exemplaires envoyés au pilon…

Dans votre livre, vous évoquez des scènes atroces qui ne sont pas sans rappeler l’Algérie ou le Vietnam. Quelle est l’ampleur de la responsabilité française ?

Au Cameroun, comme en Algérie et au Vietnam, il s’agit d’une guerre contre-subversive. Pour éradiquer leurs adversaires, les autorités françaises se sont attaquées aux populations civiles suspectées de les soutenir. Mais, outre qu’il s’agit d’un conflit de moindre ampleur, il existe une différence majeure avec l’Algérie et le Vietnam : ce sont les autorités coloniales et leurs alliés locaux qui ont gagné la guerre. Leur acharnement meurtrier au Cameroun visait à stopper le vent de décolonisation qui soufflait sur le continent. Ou plus exactement, à le canaliser : la France a finalement octroyé l’indépendance promise aux Camerounais mais en la vidant discrètement de sa substance. Pour ce faire, ils ont fait signer aux dirigeants qu’ils ont installés à la tête du Cameroun une série d’accords bilatéraux qui réduisaient drastiquement la souveraineté du pays. La guerre du Cameroun a ainsi permis, pour la première fois, d’instaurer ce système de colonialisme indirect qui prendra le nom de Françafrique.

Au prix de milliers de morts…

Absolument. Le bilan humain est difficile à établir, mais des estimations fiables font état de plusieurs dizaines de milliers de morts, peut-être plus de cent mille. Sans compter les autres victimes : blessés, mutilés, orphelins, traumatisés, etc.

En France, le déni persiste. Pourquoi cette crispation ?

Interrogés sur cette question lors de déplacements officiels à Yaoundé, deux responsables politiques français ont eu à s’exprimer sur cette guerre ces dernières années : François Fillon, en 2009, et François Hollande, en 2015. L’air outré, le premier a carrément nié toute implication de la France dans ce conflit… dont il n’avait visiblement jamais entendu parler ! Confronté à une pression plus forte, le second s’est contenté d’une phrase bancale faisant allusion à une simple «répression» et uniquement «après l’indépendance». Bref, on a le choix pour le moment entre ceux qui nient et ceux qui minimisent. Dans un pays normal, les atrocités dont il est question, aujourd’hui largement documentées, susciteraient l’intérêt des journalistes et du monde politique. Et pourraient inciter des gens à se tourner vers les tribunaux. C’est ce qui s’est passé au Royaume-Uni à propos de la répression, dans les années 50, des Mau Mau kényans : des milliers de victimes ont été indemnisées. La société française, à l’inverse, reste globalement fière de son passé colonial, et aveugle aux crimes qui ont été perpétrés en son nom.

(1) La Guerre du Cameroun, de Thomas Deltombe, Manuel Domergue et Jacob Tatsitsa, éd. La Découverte, 2016, 12 €.

Par Maria Malagardis liberation.fr


Costumes à 13.000 euros : « J’ai eu tort de les accepter », reconnaît François Fillon

« J’ai eu tort d’accepter. » François Fillon s’est livré à un mea culpa, lors de l’Emission politique sur France 2, au sujet des costumes de luxe offerts par l’avocat lié aux réseaux de la Françafrique Robert Bourgi.

« J’ai fait une erreur de jugement », « je les ai rendus », a déclaré le candidat de la droite à la présidentielle. La valeur des trois costumes est estimée à 13.000 euros.cFrançois Fillon a affirmé que Robert Bourgi était « un très vieil ami » qu’il connaissait depuis « plus de 20 ans », et qu’il lui a offert les costumes « sans la moindre contrepartie ».

« Un mensonge éhonté »

François Fillon a par ailleurs démenti avoir été rémunéré, via sa société 2F, pour mettre en relation un homme d’affaires avec Vladimir Poutine, comme l’affirme « Le Canard Enchaîné ».

« Bien sûr que non », c’est « un mensonge éhonté », a-t-il dit, tout en reconnaissant avoir « effectué un travail de conseil pendant des mois » pour que l’entreprise « Future Pipe Industries » (FPI) « s’implante », sans plus de précision. Il n’a pas contesté le montant évoque – 50.000 euros.

B.L., Nouvelobs.com