La CEDEAO des peuples

« CEDEAO DES PEUPLES »

Un projet taillé sur mesure pour la Côte d’Ivoire

Pour les élections locales du 13 octobre 2018, la Côte d’Ivoire est agitée par le débat sur l’éligibilité de Zébret Souleymane. À l’instar d’Alassane Ouattara, il est membre du RDR et accusé de nationalité douteuse.
C’est désormais un fait divers qui se banalise dans un pays de très forte immigration. Le Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 2014 a donné les résultats suivants au 15 mai 2014:
– Population totale: 22.671.331 habitants
– Population étrangère: 5.490.222 habitants, soit 24,20% de la population totale.
En Afrique de l’Ouest (et peut-être dans le monde), la Côte d’Ivoire est le seul pays qui absorbe autant d’étrangers. Pour preuves, Bouaké (2è ville de Côte d’Ivoire et capitale de la région du Gbèkè, au Centre) est la deuxième ville du Mali après Bamako. Et sur la population étrangère, les Burkinabè sont 3.656.517, soit 66,60%.

Depuis environ cinq ans, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO, organisation née le 28 mai 1975) réfléchit au projet communautaire baptisé « CEDEAO des peuples ». D’ici 2020, il devrait remplacer la CEDEAO des États.
C’est un projet taillé sur mesure pour la Côte d’Ivoire, vache à lait. Il s’agira de créer une région ouest-africaine sans frontières.
La CEDEAO a un allié de taille et de poids: Alassane Ouattara, chef de l’État ivoirien. Premier ministre de Félix Houphouët-Boigny (1990-1993), il était déjà militant d’une frontière de la Côte d’Ivoire qui irait jusqu’au Niger.
Et puis on se rend compte, ni la rébellion armée qui a balafré le pays de septembre 2002 à avril 2011, ni l’accord de Linas-Marcoussis (janvier 2003) qui a déstructuré l’Exécutif, ni la prise violente du pouvoir par Ouattara n’a pas été la clé sésame ouvre-toi pour cette opération de colonisation et de dissolution de la nationalité ivoirienne.
Pourtant, la Côte d’Ivoire a toujours été la « CEDEAO des peuples »; c’est le pays phare dans le processus d’intégration ouest-africaine.
Dès l’indépendance du pays, c’est le droit de sol qui a été appliqué pour permettre à tous les résidents et ceux nés jusqu’en 1972 sur le sol ivoirien de revendiquer la nationalité ivoirienne. Et si Houphouët-Boigny a échoué dans sa tentative d’instaurer la double nationalité pour autoriser les Ouest-africains à bénéficier de la nationalité ivoirienne, ses Gouvernements et l’administration publique étaient truffés particulièrement de Français et de ressortissants de la sous-région.
Et jusqu’en 1990, il a accordé le droit de vote en particulier à l’important contingent burkinabé, en violation du Code électoral. Et aujourd’hui, des pans entiers de l’économie nationale sont régulièrement occupés par les ressortissants de la CEDEAO.
Et comme si cela ne suffisait pas, la carte de séjour instaurée par Ouattara en 1990 a été supprimée par Gbagbo en 2008; la carte nationale biométrique de la CEDEAO est entrée en vigueur et la Côte d’Ivoire a promulgué une loi sur l’apatridie qui a permis la naturalisation de plusieurs milliers d’étrangers, sans enquête.

Mais ce pays dont la grande hospitalité n’a d’égale que sa légendaire générosité, continue d’être accusé de xénophobie. Car, ici les étrangers ou présumés tels devraient avoir apparemment plus de droit que les nationaux. Aussi, faut-il juste, comme la loi l’autorise, contester la candidature d’un Zébret Souleymane pour que censeurs de tout poil et procureurs de tout acabit brandissent le chiffon rouge: la xénophobie et l’Ivoirité.

Tous les pays au monde peuvent invalider les candidatures (Bemba en RDC et Karim Wade au Sénégal ont été recalés) sauf la Côte d’Ivoire, sous peine d’affronter une rébellion armée; il est permis aux autres (USA, Hongrie, Italie entre autres) de refuser le flux d’étrangers, mais il est interdit à la Côte d’Ivoire d’avoir des frontières.

De ce fait, la fraude sur la nationalité est désormais à une échelle industrielle, l’immigration est incontrôlée, des convois entiers de voyageurs et potentiels résidents, usant et abusant de la liberté de circulation, entrent et sortent, les réserves, parcs nationaux et forêts classées de l’Ouest du pays sont assiégés et illégalement occupés. Au vu et au su des autorités, etc. etc.

Naturellement, nul n’a le droit de protester dans ce pays, condamné au sort de No Man’s Land. Que va consacrer définitivement la « CEDEAO des peuples ».
F. M. Bally