Koné Boubakar invité de Jeune Afrique

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Représentant de la frange « dure » du Front populaire ivoirien (FPI), tout entier dévoué à l’ancien président Laurent Gbagbo actuellement jugé par la Cour pénale internationale, Boubakar Koné martèle son opposition à Alassane Ouattara et évoque les débats internes au FPI.

Ancien ambassadeur, puis directeur du protocole de Laurent Gbagbo de 2008 à 2011, Boubakar Koné fait aujourd’hui partie de l’aile jugée dure du Front populaire ivoirien (FPI, principal parti d’opposition), emmenée par Aboudramane Sangaré. Dévoué à son mentor incarcéré, cet ancien universitaire et syndicaliste de gauche détaille pour Jeune Afrique les raisons de son hostilité à la gouvernance Ouattara et les conditions d’une réconciliation avec la branche rivale du FPI, conduite par Pascal Affi N’Guessan.

Jeune Afrique (JA) : Alassane Ouattara entretient désormais le flou sur sa candidature en 2020, alors qu’il déclarait jusque-là ne pas vouloir être candidat pour un troisième mandat. Quel commentaire en faites-vous ?
Boubakar Koné : – Dans la conscience des Ivoiriens, sa candidature est encore synonyme de guerre parce que l’expérience montre qu’il ne peut s’imposer que par les armes.
Le Front populaire ivoirien, qui ne connaît que la voie des urnes comme moyen d’exercice du pouvoir, se prépare en mobilisant son électorat traditionnel ainsi que tous les compatriotes qui ont naïvement cru aux fausses promesses de cet homme qui s’est imposé par la guerre. Une nouvelle fois, le FPI se battra par tous les moyens légaux et démocratiques afin d’arracher des élections justes et transparentes.

À moins de trois ans de la fin de son mandat, comment jugez-vous la gouvernance d’Alassane Ouattara ?
Elle est archaïque mais aussi unique en son genre sur le continent. Ayant échoué à revenir au système de parti unique des années 1960, il s’est résolu à pratiquer ce qu’il appelle « le rattrapage ethnique », un système politique qui n’admet aux hautes fonctions de l’État, de l’administration, de l’armée et des entreprises publiques que les personnes originaires du Nord et de confession musulmane.

Tous les cadres nommés par le chef de l’État ne sont tout de même pas originaires du Nord ! Et tous ne sont pas musulmans…
Comment imaginer qu’au XXIe siècle, dans l’entourage immédiat d’un chef d’État, on ne croise quasiment que des personnes ayant avec lui des liens familiaux avérés ?

L’environnement politique, caractérisé par un climat de violence organisé et entretenu, ne tolère ni réelle opposition ni manifestation publique sans que les forces de répression ne s’interposent violemment, appuyées par des supplétifs civils, y compris des ex-enfants soldats rebaptisés « microbes », entretenus pour les besoins de la cause avec, à la clé, des règlements de compte.

Sur le plan économique, le pays enregistre des performances économiques satisfaisante, et certains proches du pouvoir n’hésitent pas à le qualifier de pays « pré-émergent »…
Dire ou penser que la Côte d’Ivoire, sous la présidence d’Alassane Dramane Ouattara, est un pays « pré-émergent » n’est pas seulement brasser du vent, c’est surtout une insulte à la misère du peuple ivoirien, qui n’a rien fait pour mériter d’être ainsi gouverné. Sous Ouattara, notre pays a effectué un grand bond en arrière, qu’il s’agisse de l’économie ou du social. Les grands chantiers de Yamoussoukro, censés précéder le transfert de la capitale (palais présidentiel, Assemblée nationale, hôtel des parlementaires, etc.), sont toujours à l’abandon. Les rares travaux d’assainissement et les infrastructures nouvelles sont qualifiés par les Ivoiriens de « biodégradables » – allusion à leur qualité, qui laisse à désirer.

Par ailleurs, le chômage des jeunes atteint des proportions inégalées, avec pour conséquence leur fuite massive vers la Libye, pour les plus chanceux, ou la mort en Méditerranée pour les autres. Dans un contexte de paupérisation généralisée, ce régime ose cyniquement parler d’école obligatoire ou de soins gratuits là où on ne construit plus aucune école publique, où l’université est en miettes et où les hôpitaux manquent du strict minimum…

Lors de vos meetings, vous dénoncez souvent un état d’injustice. À quoi faites-vous allusion précisément ?
Les exemples sont légion. Les institutions manquent cruellement de crédibilité. L’Assemblée Nationale, monocolore, est une pâle chambre d’enregistrement, sans débats contradictoires. Le Conseil constitutionnel est réparti entre militants du parti au pouvoir et proches du chef de l’État. La Commission électorale indépendante (CEI), déséquilibrée, refuse de céder aux injonctions de l’ONU et de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples.

En Côte d’Ivoire, la justice continue d’être constamment ridiculisée par des verdicts politiques alors que les médias d’État demeurent la chasse gardée du clan Ouattara. Cette année encore, comme pour narguer les détenus politiques et leurs familles, le chef de l’État annoncera son chiffre fétiche de 3 000 prisonniers à libérer, et il en profitera certainement pour ne libérer qu’une petite centaine de prisonniers de droit commun et quelques-uns de ses propres amis « en conflit avec la loi ».

Il est à espérer que la réconciliation nationale se concrétisera grâce à la libération du président Laurent Gbagbo. Croyez-vous toujours que Laurent Gbagbo, dont le procès se tient devant la Cour pénale internationale, sera libéré ?
Il est à espérer
que la réconciliation nationale se concrétisera grâce à la libération du président Laurent Gbagbo, de son ministre Charles Blé Goudé, de Simone Gbagbo mais aussi de tous les autres prisonniers politiques, civils et militaires. Il s’ensuivrait naturellement le retour de tous les exilés politiques, avec pour conséquence un retour à une forme de sérénité que nous n’aurions jamais perdue sans l’intrusion violente de l’actuel chef de l’État dans le paysage politique ivoirien.

Au FPI, quelles sont les conditions d’une réconciliation entre votre propre camp et celui de Pascal Affi N’Guessan ?
Il y aura une réconciliation et une unification au FPI dès l’instant où Pascal Affi N’Guessan, par un acte d’humilité et de repentir solennel, reconnaîtra le président Laurent Gbagbo comme président-fondateur et unique inspirateur du parti. C’est la seule et unique condition.

Source Jeune Afrique,
communiqué par Sèn Sey (ex Pythagore Panel )