In memoriam : 18 février 1992

Je n’aime pas cette date du 18 février, synonyme de prison et de souffrances pour beaucoup d’entre nous.
En 1992, ce jour-là, l’opposition organise une manifestation à Abidjan. Elle est infiltrée. Ça dégénère. Laurent Gbagbo, sa femme et les principaux dirigeants de son parti sont incarcérés en vertu de la loi anti-casseur, décrétée par le premier ministre d’alors Alassane Ouattara, qui rendait les organisateurs d’une marche directement responsables des débordements éventuels.

Je suis invité à la télévision. Je dénonce ces arrestations arbitraires et les procès que je qualifie de « mascarade de justice ». On m’arrête à mon tour. On me bastonne. On me menotte. On m’envoie en taule moi aussi, à la Maca.

La Maca, c’est l’enfer. Une prison prévue pour un millier de personnes et qui en compte quatre fois plus, répartis en plusieurs bâtiments, tous aussi sordides les uns que les autres. Des gens, arrêtés parfois sur simple dénonciation et qui attendent depuis des mois ou des années d’être jugés ; des enfants qu’on viole impunément ; des détenus devenus fous qui hurlent lorsque vient l’aurore ; deux à trois décès journaliers, à la suite de malnutrition ou de maladies mal soignées ; des rats qui courent dans les cuisines et sur la nourriture. Voilà la Maca. Son règlement, bien sûr, est inhumain. Dès votre arrivée, par exemple, on vous rase le crâne, à sec, avec la même vieille lame pour tous, histoire de vous entailler la tête et de vous montrer qu’on se moque des risques de contamination. En cellule, le nombre de détenus est si élevé qu’on ne parvient à dormir qu’à tour de rôle…

Laurent Gbagbo demande à me rencontrer pour me féliciter de mon courage. Je ne le connais pas. J’avais tout au plus lu un de ses livres et, bien que refusant de me laisser embrigader dans un parti, je partageais son combat pour l’avènement de la démocratie en Côte d’Ivoire. Je me suis donc rendu, à son invitation, dans sa cellule. Il m’a chaleureusement embrassé et présenté à ses compagnons, puis nous avons longuement évoqué les événements du dehors, sans trop parler de politique, mais avec de nombreux éclats de rire qui nous faisaient du bien.

Ce jour-là, j’ai acquis la certitude que cet homme possédait en lui une force avec laquelle Houphouët-Boigny devrait compter… Vingt-cinq plus tard, les mêmes acteurs sont encore là. Laurent Gbagbo est en prison. Alassane Ouattara est au pouvoir. Et l’avenir reste toujours incertain pour ce pays…
Serge Bile

18 FEVRIER 1992

Plus de 250 personnes ont été interpellées a partir de Février 1992. Mis à part les 77 détenus dont Laurent GBAGBO et son épouse Simone GBAGBO, qui ont été condamnés, un certain nombre d’individus sont restés en détention sans avoir été inculpés ; d’autres ont été libérés après avoir purgé des peines de trois mois d’emprisonnement. La plupart des personnes arrêtées ont toutefois été soit acquittées, soit remises en liberté sans inculpation, après avoir passé environ deux mois en prison. Toutes ces arrestations ont eu lieu à la suite de deux manifestations, qui avaient été organisées pour protester contre le refus du président de la République, Félix Houphouët-Boigny, de tenir compte des conclusions d’une enquête concernant les brutalités dont se serait rendue coupable l’armée, en mai 1991, lors d’une intervention dans la cité universitaire de Yopougon, à Abidjan.
Alexi Gagno

 L’image contient peut-être : une personne ou plus et personnes debout

DAMANA PICKASS RACONTE L’HISTOIRE DU 18 FEVRIER 1992 EN RAPPORT AVEC LE 19 SEPTEMBRE 2002 ET LE 11 AVRIL 2011

Du 18 février 1992 au 11 avril 2011 en passant par septembre 2002 : pourquoi Laurent Gbagbo sera toujours plus grand que Alassane Ouattara.

Il est des événements dont la commémoration revêt beaucoup de signification tant leur impact continue de produire ses effets dans notre vie quotidienne individuelle et collective. La marche du 18 février 1992 à ce titre aura été un tournant décisif dans l’histoire de notre pays, aussi bien par ses mobiles, par les acteurs qu’elle met en scène et surtout par ses effets.

Pour les plus jeunes ceux qui n’ont pas vécu ces moments où n’en n’ont pas entendu parler, pour mieux comprendre le 18 février 1992, il faut remonter le temps jusqu’en mai 1991 et à un mouvement en lutte qui a révolutionné le milieu scolaire et universitaire en mobilisant de grandes foules. La pertinence des problèmes que pose ce mouvement mais surtout la mobilisation et la détermination de ses militants commencent à sérieusement agacer le pouvoir PDCI.

Le gouvernement décide donc en lieu et place du dialogue de mettre fin à la contestation estudiantine de la manière la plus brutale et abjecte : écraser ce mouvement naissant par une répression féroce de ses militants. la FESCI (la fédération estudiantine et scolaire de côte d’ivoire, puisque c’est d’elle qu’il s’agit) était donc dans l’œil du cyclone. Le 17 mai 91 la FESCI organise un meeting au « stade de la haute répression » à la cité universitaire de Yopougon 1, violemment dispersé par la police.
Et plus tard dans la nuit alors que les étudiants étaient endormis et le calme revenu, l’horreur allait se produire. L’élite de l’armée ivoirienne, la FIRPAC (la force d’intervention rapide des para commandos, l’actuel bataillon des commandos parachutistes, BCP) est déversée sur ces pauvres étudiants endormis. Cette nuit le summum de l’inhumanité a été atteint. Violences et voie de faits, viol et vol en réunion, défenestration, disparitions etc…
Toute cette horreur a été planifiée par un certain Robert Guei chef d’état-major des armées, paix à son âme, sous l’œil approbateur du gouvernement dont le chef était Alassane Ouattara le premier ministre.

Au petit matin du 18 mai, toute la Côte d’Ivoire est sous le choc et dans l’émoi. Laurent GBAGBO et les forces démocratiques, partis politiques, syndicats, ONG demandent et arrachent à HOUPHOUËT Boigny une commission d’enquête nationale dirigée par le magistrat Camille Hoguié. Ce dernier, en dépit des pressions et menaces, produit un rapport qui accable gravement les militaires. Contre toute attente HOUPHOUËT Boigny, dans sa célèbre formule « je ne peux pas retourner mon propre couteau contre moi », refuse de prendre des sanctions contre les responsables de ces crimes. Les forces démocratiques n’entendent pas laisser des faits d’une telle gravité impunis.

Après plusieurs interpellations restées sans suite, Laurent GBAGBO et les forces démocratiques appellent les ivoiriens à cette grande marche pour exiger que des sanctions soient prises contre les auteurs des violences contre les étudiants dont certains seront marqués à vie. Ce 18 février 1992 donc, au petit matin, c’est par dizaines de milliers que des résidences universitaires, nous convergions vers la mairie d’Adjamé lieu du rassemblement. Cette marche était avant tout pour défendre la cause des étudiants mais aussi les libertés individuelles et collectives. En gros, préserver l’état de droit en côte d’ivoire.

En apercevant Laurent GBAGBO et son épouse à cette marche, tout nouveau étudiant que j’étais, j’avais été surpris et inquiet car des jours auparavant des rumeurs avaient envahi Abidjan sur un plan d’assassinat de celui qui était à l’époque Secrétaire Général du Front Populaire Ivoirien (FPI). Alassane Ouattara, le 1er ministre, avait pour se faire convaincu un HOUPHOUET Boigny vieillissant de s’absenter du pays afin qu’il ait les mains libres pour régler une bonne fois pour toute la question GBAGBO. Je sus plus tard que GBAGBO Laurent et Simone étaient présents en connaissance des risques réels qu’ils encouraient.

Des leaders et non des moindres avaient renoncé à participer à cette marche à cause des risques réels sur leurs vies. La marche se déroulait dans une ambiance de gaieté et je m’étais arrangé à être dans le sillage immédiat de Laurent GBAGBO et des leaders dont le doyen ETTE Marcel, SG du SYNARES, le Professeur Réné DEGNY Seguy, pdt de la LIDHO…

Parvenus au niveau du Musée National et des tours administratives, nous apercevions derrière nous au niveau de la cité policière que les gendarmes commandos avaient coupé en deux la marche dont la queue n’avait pas encore quitté le lieu de départ. Et ces gendarmes fonçaient droit sur nous sans aucun doute sur leurs intentions. Que de se préoccuper de sa propre sécurité, j’’ai entendu Laurent GBAGBO donner des instructions à sa garde pour sécuriser le doyen Etté Marcel. Au même moment il y avait de la fumée noire vers le Palais de Justice où devait se tenir, le même jour, le procès de notre Secrétaire Général le charismatique Joseph Martial Ahipeaud kidnappé le 13 février par la brigade de recherche de la gendarmerie. L’itinéraire de la marche évitait cependant le Palais de Justice pour cause justement de ce procès. Les instants d’après, ce fut une course poursuite effrénée et ininterrompue, entre forces de l’ordre et marcheurs.

Je me suis retrouvé à Marcory Champroux. Au feu du stade Champroux, une patrouille nerveuse de police à la recherche d’éventuels marcheurs circulait à pas de tortue. Nous nous étions regroupés à ce carrefour-là. Les nombreux cargos de police marquèrent un arrêt nous fixant avec gravité.
Nous n’attendîmes pas que le premier policier mette pied à terre que le carrefour du Champroux se vida de son monde. La course poursuite nous emmena à nous réfugier dans une famille qui, Dieu faisant grâce, était sympathisante du FPI. La propriétaire des lieux nous enferma dans une de ces chambres. Nous étions trois que le sort avait conduit à cet endroit. Trente minutes plus tard, après le départ de nos poursuivants, la bonne dame nous sortit de cette cachette et nous servit un repas ô combien réparateur pour la suite de cette importante bataille avant de nous accompagner sur la route. Quelle femme courageuse, que DIEU la Bénisse toujours.

De retour dans la rue, nous avions constaté que la rumeur de la mort de GBAGBO et Simone sauvagement battue, avait envahi le tout Abidjan. Une vive tension régnait dans la capitale. Plus tard de retour à la cité universitaire à Yopougon, notre base, nous apprenions que Laurent GBAGBO avait échappé à un assassinat programmé par Allassane Ouattara et mis en œuvre par des éléments de la FIRPAC conduits par un certain Firmin Detoh Letho.

Mais, la Gendarmerie avait fait échouer le coup évitant ainsi à la côte d’ivoire une guerre civile certaine. Arrêtés, Laurent et Simone GBAGBO, DEGNY Segui et plusieurs leaders de la gauche démocratique firent jugés et condamnés à plusieurs années de prison à l’issue d’un procès scandaleux à jamais gravé dans nos mémoires. Mais, ils firent libérés après 6 mois de prisons fermes passés à la prison d’Abidjan, la MACA.

A travers ces évènements, cet engagement et ce courage à nul autre pareil, nous (étudiantes et étudiants de Cote d’Ivoire) venions de trouver, un protecteur, un défenseur des libertés et de l’État de droit, un leader en la personne de Laurent GBAGBO. La grande sympathie dont jouit Laurent GBAGBO dans le milieu estudiantin date incontestablement de ce jour. Risquer sa vie pour les étudiants et la Côte d’Ivoire avait été un acte fort que les grands esprits ne peuvent oublier.

En tentant d’assassiner Laurent GBAGBO en 1992 et en le faisant jeter en prison, Alassane Ouattara ignorait sans doute qu’il lui ouvrait le boulevard de la présidence. Comme il l’a lui-même affirmé dans un témoignage :  » à partir de ces événements, je savais que je serai président et que rien ne m’arrêterait.  » Huit ans plus tard, en effet, Laurent GBAGBO devint le 3ème Président de la République de Côte d’ivoire en octobre 2000. Alassane Ouattara, devenu entre-temps opposant, mais un opposant d’un type singulier voulut mettre un terme au régime de GBAGBO de façon anti constitutionnelle. Il voulut rendre le pays ingouvernable selon ses propres termes. Ainsi après plusieurs tentatives infructueuses de coup d’état, en septembre 2002, des déserteurs de l’Armée ivoirienne appuyés de mercenaires du Burkina Faso, où ils s’étaient repliés, descendirent sur la Côte d’Ivoire par le nord en tuant tous ceux qu’ils ne connaissent pas où ne reconnaissent pas, jusqu’à Abidjan afin de renverser le gouvernement du Président Laurent GBAGBO.

Mais le coup d’état échouât une fois de plus. Suite à cet échec, Ouattara et ses soldats rebelles s’emparèrent de la moitié nord du pays, environ 60% du territoire national, (avec la complicité de la France de Jacques Chirac) où ils érigèrent une rébellion armée des plus sanglantes que le monde n’ait jamais connue.

Loin de s’avouer vaincu et d’abandonner le peuple de Côte d’Ivoire, son peuple, entre les griffes destructrices de Dramane Ouattara et de ses parrains, Laurent GBAGBO saisit cette occasion pour montrer aux ivoiriens et surtout à la communauté internationale son talent hors pair dans la gouvernance d’un pays occupé et surtout son génie politique dans la conduite de la crise. En effet, c’est avec seulement 40‰ du territoire national sous son emprise que le président Laurent GBAGBO avait gouverné 100‰ du pays, tout le pays sans distinction. Pour preuves :
– Il paya sans discontinuer le salaire des fonctionnaires sur toute l’étendue du territoire ;
– il assura tous les autres services (hormis les services militaires et sécuritaires) de l’État sur l’ensemble du territoire ;
– Il maintint la fourniture de l’eau et de l’électricité dans les zones occupées et cela à la charge de l’État ;
– Il maintint et versa les dotations de l’État aux collectivités décentralisées des zones centre, nord et ouest qui avaient pourtant toutes délocalisées à Abidjan pour fuir les rebelles censés les sauver (en ma qualité d’Assistant du Directeur Général de la Décentralisation et du Développement local de l’époque, je pu me rendre compte des sommes importantes attribuées aux zones CNO) ;
– Il parvint à payer aux militaires les efforts de guerre communément baptisés  »hauts les cœurs  » ;
– Il réussit envers et contre tout à honorer les obligations de la Côte d’Ivoire vis à vis des bailleurs de fonds multilatéraux en payant la dette extérieur à hauteur de plus de 700 milliards de francs cfa par an ;
– Il pu dans une maîtrise rigoureuse des finances publiques permettre à la Côte d’ivoire d’être élue à l’initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés)
– Il boucla le financement de nombreuses infrastructures telles le 3eme pont ; le barrage hydroélectrique de la ville de Soubré ; l’autoroute du sud jusqu’à Grand-Bassam ; le pont de Jacqueville ; le CHU de Cocody-Angré ; l’Autoroute du Nord allant jusqu’à Yamoussoukro ; le transfert de la capitale à Yamoussoukro avec la construction du palais présidentiel et de l’hôtel des députés ; etc….

Même ses ennemis et ses détracteurs à l’international confessent toujours en privé que le président Laurent GBAGBO est un grand homme d’Etat aux talents qu’ils ont sous-estimés. Dans un pays en guerre, coupé en deux et avec seulement 40% du territoire national sous son contrôle, le Président Laurent GBAGBO a démontré à Allassane Ouattara qu’il ne pouvait ni l’abattre encore moins le battre. Mais comme le dit l’adage, « il n’y a jamais deux sans trois « . Alassane Dramane Ouattara remet donc le couvert en avril 2011. Ayant perdu les élections présidentielles de 2010, il refuse de reconnaître sa défaite, s’arcboute sur des prétendus  »résultats  », de surcroit provisoires, de Youssouf Bakayoko.

Et donc sur cette base frauduleuse Ouattara, soutenu par son copain Sarkozy, alors président de la France, mobilise toute la communauté internationale impérialiste et l’ensemble des mercenaires de la sous-région, et toute cette horde assoiffée de sang et des richesses du pays s’attaque à la Côte d’ivoire et finit par renverser le président démocratiquement élu, après un bombardement acharné de sa résidence où il manqua de se faire tuer par les militaires français. Croyant détenir cette fois le bon bout et mû par une haine inexplicable contre Gbagbo, Alassane Ouattara et son copain décident de confier l’ultime action à la CPI (Cours Pénale Internationale). Cette cours pénale devant se charger de tuer politiquement et physiquement Laurent GBAGBO en le condamnant à une peine de prison qui ne lui permettrait pas de revenir vivant dans son pays.

Hélas, milles fois hélas pour Ouattara qui ignorait qu’en extradant Laurent GBAGBO, c’était pour l’inscrire au Panthéon de l’histoire de l’humanité, au nombre des grands hommes politiques du 21ème siècle. Le Président Laurent GBAGBO n’est plus perçu sous le prisme négationniste et répugnant du dictateur sanguinaire que tous les réseaux diplomatiques juraient de vouer aux gémonies. Aujourd’hui, dans les cercles sélects et introduits des chancelleries, il est perçu comme un Président démocratiquement élu, un patriote, un rassembleur qui a dirigé son pays au-delà des clivages politiques, ethniques et religieux. Laurent GBAGBO se révèle désormais comme une victime d’un complot international, injustement écarté du pouvoir au gré des intérêts de certaines puissances et lobbies.

La tournure des événements à la CPI montre que Ouattara n’aura pas atteint son objectif initial qui était d’éteindre à jamais un adversaire politique. Laurent GBAGBO s’apprête à prendre la parole à la CPI. Les enjeux et le contexte font que cette tribune est plus importante que l’Assemblée Générale des Nations Unies, l’instance la plus démocratique du monde. Une adresse que certains piaffent d’impatience d’entendre et que d’autres redoutent manœuvrant afin qu’elle n’ait pas lieu car après le passage des 82 témoins à charge de la Procureure, Fatou Bensouda, aucune preuve n’établit clairement la culpabilité du président Laurent GBAGBO.

Mr le président, Son Excellence Koudou Laurent Gbagbo, ce 18 Février 2018 est aussi votre jour, votre anniversaire car tout a commencé à se préciser à partir de ce jour, il y’a 26 ans. Et Dieu seul sait que ce n’est pas encore fini. Vous n’avez pas encore fini avec la Côte d’Ivoire qui vous attend pour la guérir et la relever. À très bientôt donc à Abidjan pour ces nouveaux défis.
Dieu vous bénisse et préserve la côte d’ivoire et tous ceux qui y vivent.
Damana Adia Pickass
Vice-Président du FPI, Chargé de la politique de la Jeunesse
Président de la Coalition des Patriotes Ivoiriens en exil (COPIE)

_____________________

Laurent Gbagbo raconte son arrestation du 18 février 1992

Laurent Gbagbo est réfugié au sous sol d’un immeuble du Plateau]: « Des militaires sont arrivés. Ils m’ont encerclé. Il y en a un qui a sorti son pistolet automatique qu’il a pointé vers moi. [Ceux qui ont lu mon compte rendu de la cérémonie de commémoration de cette date qui s’est déroulée à Accra avec les cadres FPI comprenne qu’il s’agit de Detho Letho].
« Je l’ai regardé avec beaucoup de détachement et de pitié. Seigneur, pardonne leurs car ils ne savent pas ce qu’ils font ». [Laurent Gbagbo lui pardonnera en effet puisque ce même Detho sera promu General et chef des opérations terrestres de l’armée ivoirienne].
« Sur ce est arrivé un groupe de gendarmes [hommage au Colonel Baté, aujourd’hui à la retraite qui conduisait ce groupe de gendarmes] qui a bousculé les militaires, m’a encerclé ; et m’a protégé. Ils m’ont extrait du sous sol pour me conduire au commandement supérieur de la gendarmerie qui n’était pas loin. Les militaires aboyaient, hurlaient ‘’ tuez le ! Tuez-le ! On veut le tuer !’’.
« Quand je les regardais hurler je me disais c’est comme cela que sont morts Lumumba et Ben Barka’’.
« C’était ma seule pensée. Ce jour la, j’ai cru que les militaires allaient prendre le pouvoir car s’ils me tuaient, il y allait avoir la réplique de la rue. Pour éviter d’être jugés, ils allaient devoir prendre le pouvoir pour se protéger eux-mêmes. »

SIMONE LA COMBATTANTE

« Mon épouse m’a raconté plus tard qu’au même moment on criait : ‘’ tuez la !’’. « Elle a été battue jusqu’à ce qu’elle perde connaissance. Transportée au camp Gallieni, elle y a été encore plus sauvagement battue. Quand elle s’est réveillée, elle était à l’hôpital avec les vertèbres cervicales endommagées. Elle nous a rejoints plus tard en prison avec une minerve. Ce jour était pour moi un jour de tristesse en pensant à la Côte d’Ivoire, mais aussi un jour de gloire pour les combattants de la liberté et de la démocratie. J’étais convaincu que c’était le prix à payer pour que nous ayons la démocratie et le pouvoir. J’ai compris ce jour la que je serai Président de la République et que plus rien ne pouvait m’arrêter ».

Extrait du documentaire « Laurent Gbagbo, la force d’un destin 1945-2000 » du cinéaste Henri Duparc