Hopital Mère/enfant, l’arbre qui cache la forêt

Cet article de Théophile Kouamouo avait paru, pour l’inauguration de l’hôpital de Bingerville.
Malgré les promesses d’Alassane Ouattara sur la gratuité des accouchements, l’affiliation à une sécurité sociale, qui devait être effective en 2013, les hôpitaux sont à l’abandon, certains fermés, le personnel parfois corrompu vend les médicaments aux familles des patients. Un patient sur Cinq décéderait à l’hôpital…
Je reprends donc ces deux textes pour contrer un peu l’opinion des occidentaux qui croient que sous la houlette de Dame Ouattara, tous les hôpitaux sont à l’image de celui qui porte son nom…

https://claudiestolzconsulting.com/wp-content/uploads/2018/06/Les-invites-du-diner-de-gala-de-la-Fondation-%C3%A9taient-pr%C3%A9sents-%C3%A0-la-c%C3%A9r%C3%A9monie-dinauguration-2-1.jpg
vous reconnaitrez sur la droite le trio Patrick Bruel, Nathalie Baye et l’ex barbouze Jean-Marc Simon qui est un « très proche » du couple présidentiel

Strass et paillettes de rigueur !
L’hôpital mère-enfant de Bingerville (Côte d’Ivoire), qui appartient à la Fondation Children Of Africa de la Première dame Dominique Ouattara, vient d’être inauguré en présence d’un parterre de stars et au milieu des dithyrambes sur “l’Afrique qui gagne”.
Et pourtant, cet établissement sanitaire est à plusieurs titres un motif d’indignation.
– Il est inauguré quelques semaines après la publication d’un rapport de la Banque mondiale qui nous apprend que, dans une liste de vingt pays pauvres ou émergents, la Côte d’Ivoire est celui qui dépense le moins pour la santé de ses populations si l’on excepte le Mali et la Guinée Bissau. Ce n’est pas une surprise : 22ème pays africain en termes de PIB par habitant, la CI est 37ème en termes d’indice de développement humain. Dans un post précédent, je mettais en cause le siphonnage de la richesse nationale, majoritairement agricole, par une bourgeoisie parasitaire urbaine.
– Cet hôpital est un exemple quasiment caricatural de “privatisation” de l’Etat et d’utilisation des impôts de tous au profit des plus nantis. Il est la propriété de la Fondation Children Of Africa, une entité privée, mais selon les articles de presse publiés à la faveur de son inauguration, des “fonctionnaires” font partie de son équipe médicale, paramédicale et administrative. Pourquoi ? Parce que Children Of Africa, en contrepartie, assurera des “missions de service public”. Il faut noter que depuis le 7 mars 2012, l’ONG de Dominique Ouattara a le statut d’association d’utilité publique, ce qui donnera à son hôpital des avantages fiscaux par rapport aux cliniques privées de la place. Et ce qui permettra à ses donateurs d’obtenir des déductions d’impôt. Très clairement, une partie des emplois publics et des ressources destinées à la fortune publique lui seront concédés.
– Or la contrepartie est plus que douteuse. “L’Hôpital Mère-Enfant Dominique Ouattara de Bingerville accueillera 75% d’assurés et de patients directs, 25% de cas sociaux”, nous apprend ainsi Fraternité-Matin. Sachant que la fraction de la population disposant d’une assurance maladie et/ou capable de payer des soins dans un établissement privé n’atteint pas 10% de la population, il va de soi que cet hôpital dernier cri, destiné à être financé par de l’argent public ou qui aurait pu l’être, est d’abord destiné à la bourgeoisie abidjanaise.

Alassane Ouattara avait promis à ses électeurs une couverture maladie universelle, sa femme s’offre un hôpital de luxe au sein duquel elle pourra faire de la “charité” pour des pauvres triés sur le volet.
– Qui, en effet, choisira les cas sociaux dignes d’être prise en charge après paiement d’un ticket modérateur ‘avec 1000Fcfa pour la consultation, 3000 fcfa pour les analyses médicales et l’imagerie et 5000 fcfa pour les interventions chirurgicales et l’hospitalisation”, mais surtout réception “par le service social de l’Hme qui organisera la prise en charge”?
Cet hôpital s’annonce comme un instrument clientéliste puissant au profit d’un clan politique qui entend se perpétuer au pouvoir.
– L’opacité du financement et du fonctionnement de Children of Africa laisse songeur. Officiellement, les 25 milliards nécessaires à la construction de l’Hôpital mère enfant ont été apportés par de “généreux donateurs” lors des dîners-galas de Mme Ouattara. Qui sont-ils ? Les acquéreurs des objets vendus aux enchères lors de ces événements mondains (et coûteux) sont souvent présentés comme “discrets”. Les rapports annuels de la Fondation Children Of Africa n’évoquent pas les comptes de l’association. Et pourtant, en France, pays qui inspire les usages administratifs ivoiriens, les associations d’utilité publique sont obligées de faire publier leurs comptes au Journal Officiel.

“Children Of Africa” se défend de tout but lucratif. Mais comment le savoir, vu que ses données financières demeurent privées ? De plus, autour d’une structure à but non lucratif, tout un écosystème de fournisseurs et de prestataires à but lucratif peuvent s’enrichir tout à fait légalement.Dominique Ouattara et Martin Bouygues lors d’un de ses galas mondains- Tout ceci est d’autant plus important à analyser que le clan familial Ouattara allie depuis plusieurs décennies politique et business et profite très clairement du pouvoir pour se construire un empire financier. Déjà présent dans l’immobilier, le cacao, les médias, ce clan a très clairement des visées dans le business de la santé.
Et l’itinéraire de Christian Delmotte, ex-conseiller d’Alassane Ouattara en matière de santé, mérite le détour. Il a commencé par acquérir en 2012 une clinique, le Groupe médical du Plateau, très vite repris par le groupe marocain Saham, qui a par la suite multiplié les rachats de cliniques pour finalement les revendre en 2015… au même Christian Delmotte, devenu bien riche entretemps ! Et c’est dans la foulée que s’ouvre l’hôpital mère-enfant.- Tout cela se passe deux ans avant une présidentielle à hauts risques. Et il faut bien admettre que les projections financières du clan familial au pouvoir le poussent à vouloir soit se maintenir soit désigner un homme-lige qui saura ménager ses intérêts.
– A part ça, vive Children Of Africa, l’humanitaire et autres… fadaises !
Théophile Kouamouo

Brigitte Macron « émerveillée » par l'hôpital mère-enfant de Bingerville
En décembre 2019, Dame Brigitte visite les œuvres de bienfaisance de son homologue ivoirienne. « (…) la première dame de Côte d’Ivoire a salué Mme Macron qui connaît très bien le milieu des hôpitaux. « Je suis très heureuse de recevoir non seulement la première dame de France, mais également mon amie Brigitte puisque nous sommes également très proches. Je suis heureuse d’avoir son avis », a dit Dominique Ouattara, précisant que Mme Brigitte Macron est  « présidente des hôpitaux de France »(…)« Donc savoir qu’elle apprécie mon hôpital, c’est quelque chose qui me touche beaucoup », s’est félicitée Mme Ouattara.
NDLR: le personnel médical hospitalier appréciera d’apprendre qu’il dépend directement de l’épouse du premier magistrat de France !


Côte d’Ivoire: Le Gala des enfants magiques,

Par Shlomit Abel
Publié le Vendredi 16 Mars 2018.

La grande nouvelle est tombée : Children of Africa fête ses 20 ans ! Pour commémorer cela, un 7ème Dîner de Gala coïncidera le vendredi 16 mars avec l’inauguration, le même jour, de l’Hôpital Mère-Enfant de Bingerville, où pourront se faire soigner, à hauteur de 75% des lits disponibles, les enfants issus de familles aisées; les petits pauvres, boursiers de dame Ouattara et ses sponsors, ne devant se contenter de leur « quota » : les 25% restant, soit 30-31 lits sur 123 !

Thème du prochain gala de Children of africa. « L’Afrique féerique ». « Au cours de la soirée, les invités pourront apprécier la diversité, les richesses culturelles et artistiques, ainsi que la féerie du continent africain », nous révèle Nadine Sangaré, directrice de la Fondation.

C’est qu’aujourd’hui, dans cette mythique Côte d’Ivoire dont l’horizon d’émergence recule avec la marche du temps, on a cessé de croire au Père Noël, pour croire… aux fées, bien sûr, ces bonnes fées qui, penchées sur votre berceau, vous dotent de mille et un cadeaux. Pour les enfants pauvres, mieux vaudrait pourtant faire appel à la fée Clochette, car si au Pays imaginaire (Neverland), les enfants perdus, terrifiés à la simple évocation du monstre Crochet et de son crocodile avaleur d’horloge, se blottissent autour de Peter Pan-Solution et Fanta Gbé-Wendy, et comptent sur le couple béni pour localiser et vaincre leur soi-disant ennemi, ils ne savent pas encore que dans l’histoire originelle, c’est l’éternel enfant Peter Pan qui optera pour la solution… de les tuer, plutôt que de les voir grandir… Je cite : « Dès qu’ils semblent avoir grandi, ce qui est contraire au règlement, Peter les supprime » et « Mourir sera une terriblement grande aventure! »

L’Afrique féérique permettra de parler de l’Afrique idéale, avec ses enfants malades courant à l’hôpital pour y être soignés et guéris, Dame Ouattara s’affairant à leur chevet, comme dans le livre d’Eric-Emmanuel Schmidt « Oscar et la Dame en rose ». Ah ce pays de Cocagne, où les enfants se gavent du chocolat que leurs parents produisent ! Une Côte d’Ivoire féérique offrant la scolarité gratuite et une éducation de choix à ses enfants, ne serait-ce qu’en raison du désintéressement de sa ministre de l’éducation nationale, qui, à l’entendre, n’a rien d’une « politicienne alimentaire », contrairement à d’autres !

Vendredi, les bons amis de la Dame Blonde vont avoir la larme à l’œil pour tous les petits malades pauvres, dont le nombre, rappelons-le, ne pourra pas dépasser le quart de celui des malades admis. On ne parlera pas d’école buissonnière forcée pour frais de scolarité impayés, pour cause de père incarcéré au motif de non-complot contre le régime, pour cause de parents ayant perdu leur travail, ou de parents décédés faute n’avoir pu acheter les médicaments et recevoir les soins qui auraient pu les sauver. On ne parlera pas non plus de ces enfants qui ont perdu un frère ou une sœur de maladie, pour les mêmes raisons. Et surtout, pas un mot sur ces pratiques occultes à nouveau très en vogue où de nouvelles familles pleurent un enfant disparu, enlevé, dépecé par des lâches qui, soucieux de la sécurité leur propre famille, s’imaginent acheter richesse et pouvoir au prix de la mise à mort sacrificielle d’enfants innocents – ceux des autres, bien sûr, pas les vôtres, si précieux ! Et tout cela parce que le dieu Moloch de la vie et de l’agent facile le leur aurait ordonné ! Oui, des naïfs sans cervelle, sans émotions et sans âme tuent, saignent et démembrent, tandis que leurs commanditaires jouent aux occidentaux « civilisés », vantant éloquemment à leurs hôtes étrangers de passage la carte postale rayonnante d’une Côte d’Ivoire de rêve, qui en 2020 sera devenue le phare et la locomotive incontestée de tout l’Ouest africain !

On croit rêver, ou plutôt cauchemarder dans cette Côte d’Ivoire qui invite le monde entier, la France en particulier, à honorer et célébrer l’œuvre d’une grande dame, authentique abbé Pierre en jupon de l’Afrique francophone ! Celle qui ne « sommeille ni ne dort » dans sa lutte infatigable contre les esclavagistes et exploiteurs d’enfants, contre les maladies infantiles, tout en interdisant pourtant aux ONG en charge d’enfants malades l’accès du 43ème Bima, où des médecins français se proposaient jusqu’à présent de les soigner : ils en sont maintenant empêchés, le monopole du bénévolat médical revenant aujourd’hui à la très sélective – et n’en doutons pas non moins lucrative – Fondation « Children of Africa ».

On sait bien, n’est-ce pas, que les enfants sont robustes, qu’ils ne meurent jamais faute de médicaments ou de soins : n’ont-ils pas réussi à vivre jusqu’à présent sans hôpital Mère-enfant ? Ils sont invincibles : il leur suffit de tourner les regards vers leur papa président pour être guéris ! Il leur suffit de le savoir, lui, entouré en permanence d’une équipe médicale prête à parer au plus petit bobo; il leur suffit, à ces enfants, de voir leur cher papa s’élancer, à la moindre menace, à bord de son grand oiseau blanc, toutes ailes déployées, dopé au nectar magique dit « kérozène », jusqu’au blanc palais enchanté où le tout Paris des hommes de l’art réinfusera au glorieux pèlerin la force de tenir bien haut – le voyez-vous, petits enfants ? – le bâton de sa course autour du monde, en héraut de ce pays magique, où coulent le sang et les larmes des petits Ivoiriens du peuple.

Et s’il fallait nous pencher sur le sort des enfants qui ont accompagné leurs parents en exil, que faudrait-il écrire? Une initiative des exilés eux-mêmes a permis, grâce aux dons provenant de l’étranger, de doter les enfants d’une assurance maladie, couvrant au moins partiellement les frais de santé. Mais que l’on se rassure, la gente dame blonde d’Abidjan n’en est ni l’auteur ni le sponsor ! D’ailleurs qu’a-t-elle fait pour ces enfants-là ? Cartables scolaires, soutien en nourriture, vaccins, bibliobus ? Que nenni !

Alors Mesdames et Messieurs présents au Gala, ou qui vous délecterez d’impeccables reportages sur la « Féerie africaine » et le « Miracle » de l’Hôpital Mère-Enfant de Bingerville – dans Paris-Match d’autres médias écrits ou télévisés, efforcez-vous de voir au delà du visible, ce dixième émergé d’une catastrophe engloutie, escamotée par des illusionnistes payés pour vous tromper. La côte d’Ivoire aimerait panser ses plaies, vivre libre, retrouver ses exilés, retrouver son président injustement emprisonné à la Haye, prisonnier dont la presse occidentale ne parle pas, car elle aurait à confesser la noirceur de l’Occident, son rôle de metteur en scène de cette farce où le « démocrate » Ouattara et son épouse, en histrions patentés, vous entraînent dans leur tourbillon d’images de synthèse, de fêtes, de réconciliation factice, de promesses non tenues. Tout est comédie, mais il leur faut votre soutien, votre humanité, votre compassion, vos mouchoirs, votre amitié, car il leur est vraiment trop dur de vivre perpétuellement immergés dans le mensonge, la dissimulation, la violence, les regrets; trop dur de voir s’amonceler les dégâts, chaque jour aggravés par la nullité de l’équipe qui les entoure.

« Pluie de milliards », qu’y disait… De grains de poussière de fée, peut-être, le temps d’un soir d’ivresse où certains rêvent qu’ils volent, mais de pluie d’étoiles pour l’âme, et de milliards d’investissement pour la santé réelle du corps de tout un peuple, point. Car la magie – s’il en fut jamais trace – est depuis longtemps déjà retombée : seule demeure une troupe de mauvais comédiens attardés, obstinément sourds au verdict scellé dès les premières heures de leur pathétique et interminable spectacle – bientôt sept ans, déjà, un chiffre bien rond, comme la balle qui roule, roule, jusque dans le caniveau – : la Côte d’Ivoire vous vomit, vous êtes limogés ! Peter et Wendy, puissiez-vous maintenant partir pour de nouvelles aventures, derrière cet horizon que vous devez connaître par cœur à force de le fréquenter, là-bas, tout là-bas, là où « Mourir sera une terriblement grande aventure ! »

Une contribution de Shlomit Abel, le 14 mars 2018