Glyphosate : de Rugy sabote son Assemblée

« Un seul député insoumis présent, sur 17, sur l’interdiction du glyphosate. Je suis trop déçue ! »  On a reçu un paquet de courriels comme ça, et des remarques sur Facebook.

Alors que répondre ? La vérité. Je vais parler pour moi, à la première personne :  je suis un bleu à l’Assemblée, et ils m’ont blousé. Ils ont réussi, sur le glyphosate, un tour de force. Dans cette guérilla parlementaire, ils ont œuvré pour bafouer la démocratie.
Qui ça, « ils »? C’est le président de Rugy, en première ligne.

Guérilla parlementaire

Qu’on résume : depuis une semaine, sur le projet de loi agriculture, nous siégeons de 9 h 30 le matin à 1 h du matin suivant. Samedi et dimanche compris. Avec, en parallèle, les missions et les commissions. Dans ce tunnel continuel d’amendements, plus de deux mille au total, difficile de deviner quand vont passer les trucs importants. On fait le guet. On perd des centaines et des centaines de votes, à lever la main en cadence. Et après sept jours de cette guerre d’usure, ce mardi, à 1 h moins deux minutes,  le président de Rugy décide, arbitrairement, de prolonger les débats. Comme si le glyphosate était un point anecdotique, ou justement parce qu’il ne l’est pas. Parce que, sinon, ça repoussait la discussion au mardi 16 h 30. Et alors, l’hémicycle serait plein, les débats animés sur cette promesse du président Macron, la passion soulèverait les rangs.

Et ça, il ne faudrait surtout pas.
Surtout pas.
Que la chambre d’enregistrement demeure froide et morte.
Que de Rugy veille sur elle comme un croque-mort sur un cadavre.

Un marathon organisé

Oui, il faut accuser : le président de Rugy, qui organise lui-même le sabotage du parlement! Comment? Par ces prolongations nocturnes, certes, ces méthodes de cosaques. Mais au-delà: lui qui devrait nous protéger, lui qui devrait préserver le législatif contre l’exécutif, lui s’en fait le complice quotidien pour nous gaver de lois. Car, pour ce projet Agriculture, qui s’annonçait un marathon, de Rugy aurait pu bloquer deux semaines. On serait retournés chez nous le vendredi, en circo, les idées remises au clair. Mais non, il fallait faire vite. Au pas de charge. Parce que, derrière, arrive Elan, sur le logement, et là encore, on bouclera et bâclera en une semaine, samedi et dimanche compris. Et qu’on se souvienne, juste avant, du projet de loi « Asile et immigration », voté en catimini un dimanche soir ! C’est un dimanche, encore, ce dimanche dans la nuit, que fut rejetée la fin des poules en cages, autre engagement du candidat Macron.

Et qu’importe, ici, qu’on soit pour ou contre tout ça.
Qu’importe.
On voit bien que ces sujets mobilisent des citoyens, des pans de l’opinion.
Que les controverses et les décisions du Parlement sont attendues.

Le président de l’Assemblée fait tout, alors, non pour permettre le débat, mais au contraire, pour le miner, pour l’enterrer, pour l’amoindrir. Plutôt que de résister à la toute-puissance de l’Elysée, il agit en porte-flingue.

Maltraitance des citoyens

Répétons-le: c’est du sabotage législatif.
Conscient.
Volontaire.
De la maltraitance des députés. On s’en fiche, admettons.
De la maltraitance des salariés, aussi.

Cette nuit, alors que les débats venaient de s’achever (à 3 h du matin!, la présidente de séance a d’ailleurs décidé, en dernière minute, de supprimer les « positions de vote » des députés), un copiste de l’Assemblée me chuchotait: « On en a marre. Ça fait onze jours sans pause, pour moi. Avec des horaires impossibles. On est épuisés. On n’a jamais vu ça. »

Et surtout, de la maltraitance des citoyens, quand les lois sont ainsi passées, en vitesse, presque en clando, dans le dos de leurs représentants.

Faux procès

Alors, que Les Républicains soient plus aguerris à cet art du siège: on peut le dire. Qu’on manque d’expérience face à ces stratagèmes, et qu’il nous faille progresser: on peut le dire. Que le gouvernement, allié au président de l’Assemblée, nous ait efficacement dupés: on peut le dire.

On ne peut pas dire, en revanche, que les camarades Insoumis et moi-même soyons paresseux (matez les stats de nosdeputes.fr), ou qu’on s’en fiche du glyphosate (au contraire, c’est presque transformé en symbole identitaire), ou même, même, même, que l’amendement serait passé (un coup de sonnerie, une suspension de séance, et les presseurs de bouton de la majorité rappliquaient, bien plus plus nombreux que nous).

N’empêche que.
N’empêche que.
A ce jeu injuste, on va s’efforcer de progresser.
François Ruffin

Né à Calais, j’ai grandi à Amiens. J’y ai fondé le journal Fakir, puis réalisé le film Merci patron !. Malgré mon élection sous l’étiquette Picardie debout ! (FI, PCF, EELV, Ensemble), je continue à jouer tous les dimanche en vétéran avec l’Olympique amiénois et à m’occuper de mes deux enfants, de 5 et 8 ans, en garde alternée.

 

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Les députés « insoumis » expliquent
pourquoi ils étaient absents pour voter contre le glyphosate

Les députés "insoumis" expliquent pourquoi ils étaient absents pour voter contre le glyphosate
Sur les bancs des Insoumis, le 30 janvier 2018. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

Un seul député de La France insoumise était présent au moment de voter pour l’inscription de l’interdiction de l’herbicide dans la loi… à 2 heures du matin.

85 : c’était le nombre de députés présents dans l’Hémicycle, dans la nuit de lundi à mardi, pour rejeter un amendement de Matthieu Orphelin (LREM) qui aurait pu graver dans le marbre l’interdiction de l’herbicide glyphosate, engagement présidentiel d’Emmanuel Macron, d’ici à 2021. A cette heure-là, les groupes communiste, « insoumis » et socialiste n’étaient chacun représentés que par… un seul député.

Une absence qui leur vaut depuis de nombreuses critiques de la part d’associatifs et de citoyens : théoriquement, l’amendement aurait en effet pu être adopté si leurs bancs avaient été garnis – la majorité aurait néanmoins pu réagir en appelant des renforts.

Auprès de « l’Obs », la députée non inscrite Delphine Batho, ex-ministre de l’Ecologie, dénonce ainsi : « Les Français doivent comprendre ce que ces partis, qui ont mis un semblant de ‘verdure’ dans leur programme durant la campagne présidentielle, font réellement quand il faut agir. Ne me dites pas que les Insoumis ne savent pas mener une bataille parlementaire quand ils le souhaitent. »

L’association Agir pour l’environnement a de son côté mis en ligne un « trombinoscope » recensant les votes de l’amendement Orphelin, pour exhorter les citoyens à interpeller leurs députés.

Vote en « catimini »

La députée insoumise Mathilde Panot (Val-de-Marne) a publié un communiqué, mercredi, pour réagir à ces reproches. « Une petite musique se fait entendre depuis quelques jours », écrit-elle. « Elle affirme que La France insoumise n’était pas contre l’interdiction du glyphosate puisque seul l’un de ses membres a voté dans la nuit de lundi les amendements concernant son interdiction sous trois ans.

Ces attaques sont injustifiées : La France insoumise a posé plusieurs questions au gouvernement sur le glyphosate, a publié des tribunes, a fait des réunions publiques pour demander l’interdiction de ce pesticide qui empoisonne toute la population.

Le coupable ? La majorité, et en premier lieu le président de l’Assemblée François de Rugy (LREM et ex… EELV). « Le groupe LREM a décidé d’appliquer le temps programmé, un processus antidémocratique au possible, qui place encore plus l’Assemblée dans une position de chambre d’enregistrement du gouvernement, car il limite le temps de parole des députés en fonction du nombre de parlementaires par groupe », explique Mathilde Panot.

Sur ce projet de loi, comme sur celui du logement, nous siégeons du lundi au dimanche de 9h30 à 1 heure du matin sans discontinuer. Or, lundi à 1 heure moins deux minutes, François de Rugy a décidé de poursuivre la séance jusqu’à 2 heures pour que le débat et le vote sur le glyphosate aient lieu en pleine nuit en catimini ! Ces conditions de débats sont donc déplorable.

(…)

François Ruffin accuse le président de l’Assemblée d’organiser un « sabotage législatif » par des « méthodes de cosaques » : prolongations nocturnes, précipitation, marathon législatif démentiel. Fin avril déjà, le projet de loi Asile et immigration avait été voté un dimanche soir.

« Cette nuit, alors que les débats venaient de s’achever à 3 heures du matin […], un copiste de l’Assemblée me chuchotait : ‘On en a marre. Ça fait onze jours sans pause pour moi. Avec des horaires impossibles. On est épuisés. On n’a jamais vu ça.' »

Le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot a avoué mardi sa déception et son incompréhension sur la non-inscription par les députés de la sortie du glyphosate en 2021. « J’aurais préféré sécuriser par la loi mais, encore une fois, c’est une décision à la fois des députés et du gouvernement. Ce qui compte pour moi, c’est que cet objectif ne soit pas remis en cause. Et pour l’instant, je ne l’ai vu remis en cause ni par le Premier ministre, ni par le président, ni même par Stéphane Travert. »