Gel, dégel, mais où sont passés les avoirs?

Gels irréguliers des comptes des Pro-Gbagbo pendant 7ans : Pourquoi les deux Procureurs d’Abidjan seront tenus à réparation des préjudices soufferts…

La principale question que se posaient encore les techniciens des règles de l’art, quant à l’arsenal juridique au moyen duquel plusieurs centaines de comptes bancaires ont été, pour une durée indéterminée, interdits d’accès à leurs titulaires, vient de trouver réponse, après l’annonce, le 6 août dernier, par Monsieur Ouattara, de la prise d’une Ordonnance portant amnistie.

En effet, dans un document intitulé «RÉQUISITION DE DÉGEL TOTAL» daté du 9 août dernier, Monsieur ADOU Richard Christophe, ci-devant actuel Procureur de la République près le tribunal de première instance d’Abidjan, donne à nouveau ordre aux banques de permettre à sept (07) personnalités nominativement citées dans ledit document d’accéder à leurs comptes. Il s’ensuit dès lors que c’est l’actuel Procureur du tribunal d’Abidjan et son prédécesseur qui sont les auteurs de ces gels.

Dès lors, au regard des conséquences extrêmement dommageables occasionnées par une telle opération, il ne saurait être passé par pertes et profits la question de sa régularité, alors surtout qu’elle est l’œuvre de praticiens du droit.

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Aussi une lecture attentive de ce document intitulé «RÉQUISITION DE DÉGEL TOTAL» offrira-t-elle à suffisance ce qui doit être regardé comme la base légale à laquelle s’est adossé le Procureur pour acter son opération meurtrière.

LES DIFFÉRENTS TEXTES AU MOYEN DESQUELS LE PROCUREUR A GELÉ LES COMPTES

Un rapide passage en revue des visas dudit document révèle, sans peine, la prétendue base légale de ces gels à durée indéterminée.

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Comme nous le lirons ensemble, en effet, Monsieur le Procureur de la République atteste que son prédécesseur, Monsieur KOFFI KOUADIO Simplice, avait cru devoir geler tous ces comptes bancaires, les 3 mai, 8 et 28 juin 2011, sur la base des dispositions des articles 41, 74 et suivants du Code de procédure pénale ivoirien.

Dès lors, pour permettre aux uns et aux autres de cerner la responsabilité professionnelle de ces deux Procureurs dans cette tragédie, nous obligerons-nous à transcrire les références légales contenues dans ces visas, avant de les commenter sommairement.

QUE DIT L’ARTICLE 41 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE ?

Cet article dit ceci :

«Le Procureur de la République procède ou fait procéder à tous les actes nécessaires à la recherche de la vérité et à la poursuite des infractions à la loi pénale.
À cette fin, il dirige l’activité des officiers et agents de police judiciaire dans le ressort de son tribunal.
En cas d’infractions flagrantes, il exerce les pouvoirs qui lui sont attribués par l’article 67».

Alors, pour simplifier la compréhension de cette disposition, importe-t-il, à l’entame, de relever, qu’en l’espèce, nous sommes au stade des «ENQUÊTES PRÉLIMINAIRES». Cela veut prosaïquement dire (terre à terre), que nous sommes au stade des enquêtes menées par les gendarmes ou les policiers, sous la supervision du Procureur de la République.

Cela étant, dans l’article ci-dessus retranscrit, sera-ce la formule : «LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE PROCÈDE OU FAIT PROCÉDER À TOUS LES ACTES NÉCESSAIRES À LA RECHERCHE DE LA VÉRITÉ ET À LA POURSUITE DES INFRACTIONS À LA LOI PÉNALE » qui aurait fondé le Procureur dans le gel de ces comptes depuis 2011 ?

Or, tant littéralement que juridiquement une telle thèse est intenable.

Pourquoi ?

Parce qu’à ce stade de la procédure pénale, le Procureur ne jouit que de simples pouvoirs d’investigations ne lui donnant droit qu’à la saisie du corps de délit, c’est-à-dire les instruments avec lesquels l’infraction est commise. C’est donc en vertu de ces seuls pouvoirs d’investigations que le Procureur est habilité, assisté, le cas échéant, des officiers de police judiciaire, à effectuer des perquisitions domiciliaires et en d’autres endroits concernés par la perpétration des crimes.

À la limite, pour les crimes économiques, le Procureur de la République peut se faire délivrer, par le banquier, des relevés bancaires révélant la traçabilité de certains mouvements bancaires suspects. Car, après tout, nous insistons que nous ne sommes qu’à l’étape de l’enquête préliminaire ; le dossier de la procédure ne devant normalement passer, entre les mains du Procureur, qu’au maximum 96h, soit 4 jours, avant d’être forcément destiné, soit au juge d’instruction pour complément d’enquête ou soit aux juges, pour statuer.

Dès lors, les dispositions de l’article 41 du Code de procédure pénale ne sauraient offrir le moindre pouvoir au Procureur de la République de geler, pendant plus de 7ans, les comptes bancaires des citoyens dont, au demeurant, plusieurs ne font l’objet d’aucune poursuite.

SONT-CE DONC LES AUTRES TEXTES PAR LUI VISÉS, À SAVOIR, LES ARTICLES 74 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE, QUI AURAIENT VALABLEMENT AUTORISÉ LE PROCUREUR À GELER CES COMPTES POUR UNE DURÉE INDÉTERMINÉE ?

Que disent donc ces textes ? Visitons ensemble leurs trames respectives :

Que dit l’article 74 ? Il dit ceci :

«Les officiers de police judiciaire, soit sur instructions du Procureur de la République, soit d’office, procèdent à des enquêtes préliminaires. Ils entendent notamment toutes personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits et, obligatoirement toutes celles qui se prétendent lésées par l’infraction.
Ces opérations relèvent de la surveillance du Procureur Général».

Et, l’article suivant, c’est-à-dire 75, lui, dit aussi ceci :

«Les perquisitions, visites domiciliaires et saisies de pièces à convictions sont faites en présence du prévenu, et s’il ne veut ou ne peut y assister, en présence d’un fondé de pouvoir qu’il pourra nommer ou de deux témoins.
Les objets lui sont présentés, à l’effet de les reconnaître et les parapher, s’il y a lieu, et, il en est fait mention au procès-verbal dont copie lui est remise.
Les formes prévues par les articles 56 et 59 sont applicables».

En regard des dispositions qui précèdent, est-il besoin d’être grand clerc en sciences juridiques pour constater qu’aucune mention dans ces deux articles 74 et 75 n’autorise le Procureur de la République à geler des comptes bancaires pendant…presque 8ans. Tout fait qui confirme le caractère manifestement illégal de ces gels.

Pour terminer, que dit l’article 108 du Code Pénal, contenu aussi dans les visas du document adressé aux banques par le Procureur de la République ?

Nous nous affranchirons, volontiers, de la nécessité de transcrire les dispositions de cet article, pour la simple et bonne raison que sa trame ne traite, exclusivement, que des effets de «l’amnistie» sur les condamnations prononcées ainsi que de l’action publique.

Et le fait même pour le Procureur de la République de viser cette disposition légale met, de façon criante, en évidence, le non droit qui a prévalu dans le gel de ces comptes.

En effet, à supposer même que ce soit en vertu des effets de l’amnistie, made in OUATTARA, que ces dégels devraient intervenir, quelle est la compétence du Procureur de la République à les mettre en œuvre ? Que cela soit pour la constatation de l’extinction de l’action publique ou l’effacement des condamnations déjà prononcées, ce pouvoir n’échappe-t-il pas à la religion du Procureur de la République au profit du juge ?

N’est-ce pas que parfaitement conscient de l’illégalité de ces gels tous azimuts que le Procureur ADOU Richard Christophe s’est irrégulièrement arrogé le droit de requérir les banques, aux fins de main levée sur ses gels non moins irréguliers ? Car, si ces gels avaient été régulièrement formalisés, pour avoir un quelconque lien avec cette loi d’amnistie, il ne revenait qu’aux seuls juges, soit d’instruction, soit des tribunaux et Cours, d’en tirer valablement les conséquences.

Que dans un tel cas de figure, il ne revenait qu’aux intéressés, eux-mêmes, munis, soit d’une notification de l’Ordonnance de non lieu du juge d’instruction ou d’une expédition de la décision du juge les renvoyant des fins des poursuites, en conséquence de l’extinction de l’action publique pour cause d’amnistie qui se présenteraient à leurs banques.

Il s’en infère que l’implication du Procureur de la République dans la main levée de ces gels atteste amplement du caractère purement politicien, et donc illégal de l’opération.

LE FONDEMENT DE LA RESPONSABILITÉ DES PROCUREURS KOFFI KOUADIO ET ADOU RICHARD CHRISTOPHE

Hommes de l’art chevronnés, chargés des poursuites au niveau de la circonscription judiciaire du tribunal d’Abidjan, sieurs KOFFI Kouadio Simplice et ADOU Richard Christophe n’ignorent pas les frontières de leur champ de compétence en matière de séquestre ou gel de comptes bancaires ?

Il s’en induit que ces magistrats du parquet étaient parfaitement conscients que les dispositions légales par eux invoquées ne leur concédaient aucune compétence à geler les comptes des tiers comme ils y ont procédé.

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Quant à l’actuel Procureur, Monsieur ADOU, il ne saurait sérieusement s’exonérer de sa responsabilité en excipant l’antériorité de l’opération par rapport à sa présence à la tête du parquet du tribunal d’Abidjan.

En effet, si tant est que ces gels de comptes bancaires font parties des dossiers à lui transmis par son prédécesseur lors de la passation de services, il en va donc que, une fois en situation, il revenait à l’actuel Procureur de la République d’examiner la régularité de l’opération pour, soit, maintenir ces gels, soit les annuler purement et simplement en cas de constatation de l’irrégularité qui entachait leur mise en œuvre.

Or, s’étant plutôt successivement dévêtus de leurs manteaux de praticiens du droit, au profit d’intrigues politiciennes, ces deux Procureurs ont engagé leurs responsabilités personnelles par une privation inexcusable et extrêmement dommageable aux titulaires des comptes gelés, de leurs droits légitimes de jouissance, avec son corollaire de dégâts allant des dommages de toutes natures à de nombreuses pertes en vies humaines.

Dès lors, et pour que de hauts commis de l’État ne se laissent plus jamais instrumentalisés contre les autres ivoiriens, il faut, lorsque les eaux qui tanguent se seront apaisées, rechercher la responsabilité de ces deux magistrats. Ils doivent donc, en temps venu, répondre des conséquences de leurs actes professionnels dommageables.

Et la nouvelle Côte d’Ivoire ne s’en portera que comme un charme !

L’Activateur Tchedjougou OUATTARA
Roger Dakouri Diaz