Française des Jeux : une privatisation à risque ?

Thomas MOYSAN, OuestFrance.fr

Un lot de jeux à gratter, dans un bureau de tabac à Rennes

Le gouvernement envisage d’ouvrir le capital de la Française des jeux. Plusieurs scénarios sont envisagés. L’entreprise affiche des gains records.

Le gouvernement envisage d’ouvrir, au printemps, le capital du Loto et des jeux de grattage. Est-ce bien raisonnable de se séparer d’une aussi bonne affaire ?

Pourquoi privatiser la FDJ ?

Pour financer l’innovation ! Emmanuel Macron a promis de créer un fonds de dix milliards d’euros pour la financer et Bercy compte sur la privatisation plus ou moins partielle de certaines entreprises pour alimenter l’opération.

Dans quelques semaines, le gouvernement pourrait ainsi annoncer la privatisation de la Française des Jeux (FDJ). La BNP Paribas a été missionnée pour étudier une cession des parts de l’État. Plusieurs scénarios pourraient être envisagés, parmi lesquels la descente de l’État à moins de 50 % du capital de la FDJ.

Une vieille idée ?

Nicolas Sarkozy l’avait déjà évoquée en 2008 ; Emmanuel Macron en 2014. La troisième fois pourrait toutefois être la bonne. La présidente du groupe public, Stéphane Pallez, s’est dite « prête à mener la privatisation ». L’opération pourrait être actée au printemps. La privatisation interviendrait alors que la FDJ enregistre des gains records.

Voici les chiffres de la Française des jeux en 2017.
Voici les chiffres de la Française des jeux en 2017. | INFOGRAPHIE OUEST-FRANCE

L’entreprise, détenue à 72% par l’État, a atteint l’année dernière les 15,1 milliards d’euros de ventes. Autrement dit, les joueurs ont misé plus de 15 milliards en 2017. C’est 5,7% de plus qu’en 2016. La FDJ a réussi son pari. Elle a relancé le Loto, rénové l’Euromillions et enrayé la baisse de ses clients (26,1millions).

Un pari gagnant pour l’État ?

Difficile de comprendre pourquoi l’État se séparerait d’une telle source de revenus. Emmanuelle Auriol, professeure d’économie à la Toulouse school of economics, déplore une opération guidée par « le court terme » et le « besoin de cash ».

En réalité, l’État ne perdrait pas beaucoup d’argent. La taxation des mises – 3,12 milliards d’euros en 2016 – constitue les principales recettes publiques des activités de la FDJ, et elle ne disparaîtrait pas en cas de privatisation.

Mais Emmanuelle Auriol précise: « Les rentes n’iraient plus dans la poche du contribuable. » Plutôt que d’abonder le budget de l’État, elles iraient à des investisseurs privés et ils pourraient être nombreux à s’y intéresser, notamment les sites de paris en ligne comme Betclic.

Et les joueurs ?

Actuellement, la FDJ dispose du monopole sur les jeux de grattage et de loterie. Elle est censée garantir que les jeux proposés n’entraînent pas de comportements compulsifs. Aujourd’hui publique, la FDJ régule ses activités en ce sens. Demain privée, le risque serait de la voir privilégier ses résultats au détriment des joueurs.

« La question est de savoir si nous voulons développer économiquement ce secteur ou si nous sommes là pour garantir une offre de jeu légale et maîtriser les addictions ? », résume Olga Givernet. Co-rapporteure d’un suivi parlementaire sur la régulation des jeux d’argent, la députée LREM souhaite que les règles qui encadrent l’activité de la FDJ restent inchangées en cas de privatisation.

Olga Givernet appelle également à la création d’une autorité indépendante pour réguler l’ensemble du secteur des jeux d’argent. Au royaume du hasard, on n’est jamais trop prudent.

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Dans son édition de dimanche, « Le JDD » dévoile la stratégie de l’exécutif pour ouvrir le capital de la FDJ. Le bouleversement est attendu au plus tard début 2019.  

La nouvelle n’est pas une surprise, mais son calendrier se précise. Dimanche, Le JDD dévoile le plan de l’exécutif pour privatiser partiellement La Française des Jeux (FDJ), titulaire d’un monopole sur les jeux de loterie et les paris sportifs dans l’Hexagone.

Un changement dans l’année à venir. Selon l’hebdomadaire, la FDJ devrait changer de statut d’ici début 2019, après l’entrée en vigueur de la loi sur la croissance et la transformation des entreprises, attendue mi-mai. Jeudi, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’était montré rassurant à propos de cette privatisation partielle, assurant notamment qu’une autorité de régulation serait chargée d’éviter « un développement excessif des jeux en France ».

50% des parts mises en Bourse. D’après les informations du Journal du Dimanche, l’État, qui détient 72% des parts de la FDJ, devrait en céder 50%, placées en Bourse, ne conservant qu’une minorité de blocage. Les fonds ainsi dégagés permettraient d’alimenter le fonds d’aide à l’innovation. Des options d’achats seraient proposées aux salariés de l’entreprise, mais aussi aux buralistes, principaux vendeurs des produits de la FDJ.

Le monopole conservé. Quant aux risques d’une telle privatisation, Le JDD confirme que l’exécutif entend conserver son monopole des jeux de hasard, interdisant par exemple l’apparition de loteries privées concurrentes. De quoi rassurer les futurs actionnaires de l’entreprise ? Réponse dans moins d’un an.
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