Etre et Avoir (Yves Duteil)

Candia Kamara quittant enfin les destinées de l’Éducation Nationale, pour devenir la diplomate en chef du quai d’Orsay ivoirien, et s’essayer après le Français, à parler correctement la langue de Shakespeare, je vous propose ce joli texte d’Yves Duteil qui reprend la grammaire, mais nous fait aussi réfléchir avec ce texte très profond et toujours d’actualité :

Loin des vieux livres de grammaire
Écoutez comment un beau soir
Ma mère m’enseigna les mystères
Du verbe être et du verbe avoir…

Parmi mes meilleurs auxiliaires
Il est deux verbes originaux
Avoir et Être étaient deux frères
Que j’ai connus dès le berceau

Bien qu’opposés de caractères
On pouvait les croire jumeaux
Tant leur histoire est singulière
Mais ces deux frères étaient rivaux

Ce qu’Avoir aurait voulu être
Être voulait toujours l’avoir
À ne vouloir ni dieu ni maître
Le verbe Être s’est fait avoir

Son frère Avoir était en banque
Et faisait un grand numéro
Alors qu’Être, toujours en manque
Souffrait beaucoup dans son ego

Pendant qu´Être apprenait à lire
Et faisait ses humanités
De son côté sans rien lui dire
Avoir apprenait à compter

Et il amassait des fortunes
En avoirs, en liquidités
Pendant qu’Être, un peu dans la lune
S’était laissé déposséder

Avoir était ostentatoire
Dès qu’il se montrait généreux
Être en revanche, et c’est notoire
Est bien souvent présomptueux

Avoir voyage en classe Affaires
Il met tous ses titres à l’abri
Alors qu’Être est plus débonnaire
Il ne gardera rien pour lui


Sa richesse est tout intérieure
Ce sont les choses de l’esprit
Le verbe Être est tout en pudeur
Et sa noblesse est à ce prix…

Un jour à force de chimères
Pour parvenir à un accord
Entre verbes ça peut se faire
Ils conjuguèrent leurs efforts

Et pour ne pas perdre la face
Au milieu des mots rassemblés
Ils se sont répartis les tâches
Pour enfin se réconcilier

Le verbe Avoir a besoin d’Être
Parce qu’être c’est exister
Le verbe Être a besoin d’avoirs
Pour enrichir ses bons côtés

Et de palabres interminables
En arguties alambiquées
Nos deux frères inséparables
Ont pu être et avoir été

Et de palabres interminables
En arguties alambiquées
Nos deux frères inséparables,
Ont pu être et avoir été.