Enquête pour meurtre raciste après la mort du chercheur Mamoudou Barry

Article de médiapart diffusé par Michel Galy

23 JUILLET 2019 | PAR LOUISE FESSARD ET ROUGUYATA SALL
Après l’agression qui a coûté la vie à Mamoudou Barry, brillant enseignant-chercheur à l’université de Rouen, une information judiciaire a été ouverte visant un mobile raciste. La présentation, dans un premier temps, de son agresseur comme un supporter algérien a enflammé les réseaux sociaux en France et en Guinée.
Deux jours après la mort de Mamoudou Barry, enseignant-chercheur à l’université de Rouen, une information judiciaire a été confiée lundi 22 juillet au soir à un juge d’instruction. Violemment agressé à Canteleu (Seine-Maritime) vendredi 19 juillet, Mamoudou Barry, un jeune homme de 31 ans de nationalité guinéenne, marié et père d’une fille de 2 ans, est décédé le lendemain de ses blessures au CHU de Rouen.

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Mamoudou Barry, enseignant-chercheur à l’université de Rouen Normandie et sa petite famille.

L’information judiciaire vise des « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner avec la circonstance que les faits ont été commis à raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie ou une nation, une prétendue race ou religion déterminée », a annoncé le procureur de la République de Rouen Pascal Prache dans un communiqué diffusé lundi 22 juillet au soir. À l’issue de l’enquête de flagrance menée par la sûreté départementale, la circonstance aggravante raciste est donc retenue. « Des témoins faisaient notamment état d’injures à caractère raciste proférées à l’encontre de la victime », indique le procureur dans son communiqué.
Un suspect a été interpellé et placé en garde à vue lundi matin par la sûreté départementale, a confirmé Pascal Prache. Né en 1990 à Rouen, cet homme a déjà été condamné et fait « l’objet d’une mesure décidée par le juge des tutelles ». Il a été identifié grâce à des « enregistrements vidéo, la description de la tenue vestimentaire et les témoignages recueillis », selon le procureur.

« Du fait de l’état psychologique de la personne interpellée incompatible avec la garde à vue, celle-ci a été levée après examen médical, le mis en cause étant alors hospitalisé sous contrainte », précise le communiqué.

Cet homme serait connu pour des infractions liées aux stupéfiants et aurait des « antécédents psychiatriques », selon une source policière citée par l’AFP. Toujours selon une source policière citée par l’AFP, le suspect, de nationalité française et d’origine turque, portait « un maillot du club turc de Galatasaray » – un club de football d’Istanbul – au moment des faits.

Entre 20 heures et 21 heures vendredi, peu avant la finale de la Coupe d’Afrique des nations entre l’Algérie et le Sénégal, Mamoudou Barry, 31 ans, a été invectivé par son agresseur au niveau d’un arrêt de bus, alors qu’il rentrait chez lui en voiture avec son épouse.

Interrogé par France 3 Normandie, Kalil Aïssata Keita, ami très proche de la victime, lui aussi d’origine guinéenne et enseignant-chercheur à l’université de Rouen, dit être arrivé sur place peu après les coups. Des témoins lui ont alors relaté la scène suivante : « Votre ami et sa femme étaient dans la voiture, les vitres descendues, il passait doucement. Et arrivé à hauteur d’un Monsieur d’origine maghrébine, un Arabe, ce dernier leur a proféré des injures : vous les sales noirs on va vous niquer ce soir ! Et on va vous niquer vos mères ! On peut se douter qu’il faisait bien allusion au match Algérie-Sénégal [de finale de la Coupe d’Afrique des nations qui se déroulait le même soir – ndlr]. »

Selon son récit, Mamoudou Barry est sorti de la voiture pour « raisonner » l’homme et a alors été frappé. « Au quatrième coup, il est tombé sur la tête, la nuque a tapé le goudron et il y avait du sang partout », a décrit Kalil Aïssata Keita. Contacté par Mediapart, il rappelle les cris de Madame Barry au téléphone au moment des faits : « Ils ont tué ton ami, mon mari est mort » alors qu’il les attendait chez lui pour regarder la finale de la CAN. Selon lui, la femme du défunt a dit à l’agresseur : « Tu as tué mon mari », lequel aurait répondu par des insultes avant de repartir à pied, « les mains dans les poches ». Il ajoute : « Il y avait des gens qui attendaient sous l’arrêt de bus, personne ne bougeait. »

Il évoque trois témoins qui ont assisté à cette scène : une femme qui a porté les premiers secours à Mamoudou Barry et l’a mis en position latérale de sécurité, pendant que le fils de cette femme tenait la main du blessé, répétant « Monsieur, vous m’entendez ? », sans obtenir de réponse. Mais « il a dit qu’il lui serrait mollement la main », indique Kalil Aïssata Keita.

Pris en charge « en urgence absolue » par les pompiers, selon le procureur, Mamoudou Barry a été évacué au CHU de Rouen. Ses proches se sont rendus aux urgences dans la foulée. D’après Kalil Aïssata Keita, les médecins sont venus leur dire à 4 heures du matin qu’il « n’allait pas s’en sortir, qu’il avait une lésion cérébrale très profonde, et qu’il n’était pas possible de faire une opération chirurgicale ».

Kalil Aïssata Keïta dit s’être effondré au sol à plusieurs reprises, avant de s’accrocher au fait qu’il « respire encore », même si on lui dit que c’est parce que son ami est branché. « On lui donne six jours, nous ont dit les médecins », mais quelques heures plus tard, vers 11 h 30, ils apprennent que « c’est fini ».

« Il s’agit d’un crime raciste, sans aucun doute, mais rien ne permet d’établir que c’est en lien avec la finale de la CAN. Rien ne permet de dire aussi qu’il a été agressé par un supporter algérien », déclarait lundi matin à l’AFP Me Jonas Haddad, l’avocat de la famille. Joint par Mediapart, l’avocat rouennais s’interroge sur le choix de cette qualification plutôt que celle de meurtre : « Il reste à savoir si les coups étaient destinés à donner la mort ou si les coups de poing ont provoqué une chute mortelle. »

Dans un communiqué, l’association SOS racisme avait demandé lundi matin qu’une information judiciaire soit ouverte « du chef de meurtre aggravé par l’appartenance à une ethnie ou à une nation afin que le mobile raciste, probable à ce jour, soit examiné », ce qu’a annoncé le procureur lundi 22 juillet au soir. L’association estime « qu’il flotte sur cet acte criminel un parfum de racisme sur lequel les services enquêteurs doivent rapidement se prononcer ».

Me Selçuk Demir défend le père du suspect, dont l’audition prévue lundi a été reportée après l’hospitalisation de son fils. L’avocat rouennais n’est pas l’avocat du mis en cause et n’a donc pas accès au dossier, mais il l’a par le passé défendu pour des « délits mineurs, sans commune mesure avec ce qui lui est reproché aujourd’hui ».

Il estime qu’il existe « plusieurs incertitudes dans ce dossier ». À commencer, selon lui, par la qualification raciste des faits, alors que « le concerné n’est pas quelqu’un de raciste, ni de violent », assure-t-il. « Il a grandi dans une cité populaire avec des gens de toutes origines, je suis très surpris que la police considère qu’il est mêlé à des violences racistes », déclare Me Selçuk Demir. Il ajoute que « son seul lien avec la Turquie est par son père de nationalité turque ».

L’avocat estime aussi que, si les violences étaient bien le fait du jeune homme, son état de santé remet par ailleurs en cause cette motivation raciste. « Il est extrêmement rare qu’on mette fin à une garde à vue pour des raisons de santé mentale surtout dans une affaire aussi grave que celle-là », souligne Me Selçuk Demir.

«L’ampleur que ça a pris est révélatrice du sentiment anti-arabe et d’un racisme dans les deux sens»
Le Conseil représentatif des associations noires de France (Cran) a de son côté annoncé sa volonté de se porter partie civile dans le cadre de cette information judiciaire. « Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un meurtre raciste puisque la principale témoin, sa propre compagne, a déclaré que son mari avait été agressé en raison de sa couleur de peau », affirme Ghyslain Vedeux, président du Cran, joint par téléphone.

L’association dit par ailleurs avoir contacté l’ambassadeur d’Algérie pour « lui demander de nous aider à lutter contre le racisme anti-noir, en Algérie et parmi les communautés d’origine algérienne en France ». « On ne peut pas oublier le contexte de cette finale Algérie-Sénégal, il nous semble peu plausible que l’agresseur ne soit pas un supporter de foot, explique Ghyslain Vedeux. Aujourd’hui, il y a un problème de fond à régler et ce n’est pas en l’éludant qu’on y arrivera. Il faut des sanctions fermes mais aussi un travail de pédagogie. Dès le 14 juillet, lors de la défaite de la Tunisie contre le Sénégal, des vidéos haineuses et afrophobes avaient été diffusées sur les réseaux sociaux, sans aucune réaction. La conséquence, une semaine plus tard, est qu’un jeune homme noir décède en entendant pour dernières paroles : “Sale noir, on va vous niquer ce soir”. »

Durant tout le week-end, les réactions pleuvent sur les réseaux sociaux, du « Justice pour Barry », au « RIP [rest in peace pour repose en paix – ndlr] », en passant par des « sincères condoléances » de circonstance. Mais aussi des appels à manifester devant l’ambassade d’Algérie en Guinée. Contacté par Mediapart, un blogueur guinéen qui vit à Conakry et a souhaité rester anonyme, évoque des posts « très virulents, racistes, xénophobes » envers les Algériens. Il précise : « Tout le monde s’est emporté et a partagé sans vérifier la rumeur qu’il a été tué par des supporters algériens. Ça s’est répandu sur les réseaux sociaux et sur des médias en ligne. » Ironie du sort, l’un des derniers posts de Mamoudou Barry sur les réseaux sociaux disait : « Il y a très peu de journalistes dans le vrai sens du métier en Guinée. »

« Au-delà de l’erreur factuelle, ajoute ce blogueur, la précipitation, l’ampleur que ça a pris sont révélatrices du sentiment anti-arabe, d’un racisme dans les deux sens et d’une méfiance entre les communautés subsaharienne et maghrébine. » Selon lui, de nombreux étudiants guinéens qui vivent au Maghreb, notamment au Maroc, relatent sans cesse des propos et des actes racistes. « Tout ça a ressurgi en force depuis samedi. »

Devant la fureur des jeunes Guinéens, les proches de Mamoudou Barry s’empressent de réagir. « J’ai dit stop dans les médias, dit Kalil Aïssata Keita. Il ne faut surtout pas manifester devant l’ambassade d’Algérie. Ne créez pas un incident diplomatique, on ne connaît pas l’identité de l’agresseur. » Même discours dans la bouche de Saïdou Sow, ami d’enfance du jeune docteur décédé. Il assure avoir dû prendre contact avec de nombreux jeunes Guinéens influents, pour « calmer le jeu et dire la vérité sur les faits », ajoutant qu’« il ne faut pas faire d’amalgame et laisser la justice faire son travail ».

Saïdou Sow a vu son ami pour la dernière fois le 27 juin, lors de sa soutenance de thèse. « Depuis sa mort, j’essaie de me remémorer la délibération. J’étais très fier de lui, de son parcours, j’ai pleuré des larmes de joie de voir mon ami, mon confident, un fils de la Guinée, devant un tel jury. » Saïdou Sow était au collège avec Mamoudou Barry, à Mamou, petite ville du Fouta-Djalon, peuplée par la communauté peule, à laquelle appartiennent les deux chercheurs. « Nos chemins se sont séparés quand je suis parti en filière scientifique, et lui littéraire », précise-t-il. On est arrivé en France en même temps, en 2012, moi à Lyon et lui à Rouen. »

Toujours « sous le choc », il raconte s’être réveillé samedi 20 juillet avec sept appels en absence. « On m’a dit que Mamoudou était dans le coma, j’ai directement pris la voiture, mais j’ai appris son décès sur la route. J’étais abattu, je n’y croyais pas, ça ne pouvait pas être vrai. Quand je suis arrivé chez lui, c’était vraiment difficile de voir sa femme dans cet état. »

Un de ses collègues et ami, qui a souhaité rester anonyme, abonde en ce sens. « Sa femme a vécu la scène et elle a dû prévenir tous ses proches. On n’arrive pas à prendre conscience, on se croit toujours dans un mauvais rêve. C’était le sage du clan, c’est une grande perte. »

Le sage pour les uns, le modèle pour les autres. « Pas seulement pour nous, mais aussi pour toutes les personnes qui l’ont côtoyé », écrit l’un de ses neveux en Guinée contacté par Mediapart. « Nous étions tous bouleversé d’apprendre sa mort. À la maison, il n’y a rien que de la tristesse et de la peine. Mon grand-père a eu beaucoup de fils et de filles mais c’est le seul qui a fait de longues études, il était l’espoir de toute une famille. » Pour preuve, l’un de leurs derniers échanges téléphoniques : « L’autre jour, il m’a dit : “Maintenant que j’ai mon doctorat, je vais commencer à travailler pour aider la famille, pour aider tout le monde à aller de l’avant.” »

Comme plusieurs de ses proches, il attendait avec impatience que son oncle prête serment au barreau de Guinée et devienne aussi avocat, après son excellent parcours académique. Son co-directeur de thèse, actuellement en France, attendait quant à lui de voir Mamoudou Barry pour parler de ses prochains articles scientifiques. Maurice Togba Zogbelemou, professeur à l’université de Conakry et ancien ministre de la justice, l’a supervisé pendant quatre ans. « L’an dernier, on a passé une journée de travail où on a repris le plan de sa thèse de fond en comble. Il était très ouvert à la critique, très courtois », se remémore-t-il. « C’est triste, c’est un garçon qui avait de l’avenir. Il travaillait sur un secteur qui n’est pas exploité en Afrique de l’Ouest. »

La dernière fois qu’il a vu Mamoudou, c’était lui aussi le jour de sa soutenance. Il y a moins d’un mois, Mamoudou Barry était devant son jury de thèse pour expliquer son travail de quatre années, résumé dans un manuscrit de plus de 500 pages sur la fiscalité minière, plus précisément « Les politiques fiscales et douanières en matière d’investissements étrangers en Afrique francophone : le cas du secteur des ressources naturelles extractives ». Il avait reçu « la mention très honorable avec les félicitations du jury » selon ses proches et aussi l’institut de recherche et d’enseignement sur la paix Thinking Africa, auquel appartenait Mamoudou Barry. Dans un communiqué, ils déclarent perdre « un homme de valeur, un conciliateur, un brillant intellectuel pluridisciplinaire ».

Prince Netton Tawa, enseignant-chercheur en Côte d’Ivoire, est membre de ce même institut. Spécialiste du droit des conflits armés, il n’a pas eu de contact personnel avec Mamoudou Barry mais a été bouleversé par la nouvelle. « C’est d’abord une vie humaine arrachée dans des conditions atroces, c’est déplorable. Et c’est aussi un gâchis pour la recherche africaine. C’est une perte énorme. Je suis docteur aussi, je connais les difficultés pour en arriver là, c’est beaucoup d’investissements au niveau professionnel, familial, financier », ce que le jeune chercheur décédé décrivait dans la page de remerciements de son manuscrit, comme une « absence présente ».

Dans un communiqué également, l’université de Rouen Normandie a dit sa « profonde tristesse ». Mamoudou Barry y avait été attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER) et y dispensait plusieurs enseignements. « Débordant de projets, Mamoudou Barry forçait, par son travail, l’admiration de ses collègues et de ses étudiants », écrit Joël Alexandre, président de l’université de Rouen Normandie.

Mamoudou était une personne brillante aux yeux de Hamidou Baldé, secrétaire général de l’association des jeunes Guinéens de France, qui parle d’une tragédie. « Perdre une personne de sa valeur, c’est encore plus difficile. Nous sommes abattus que l’un des nôtres soit parti dans de telles conditions, et qu’on s’en soit pris à lui à cause de sa couleur de peau. »

Plusieurs responsables politiques français et étrangers ont condamné ce crime. Le ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, a déclaré dimanche sur Twitter qu’« il appartiendra à la justice de faire toute la lumière sur cet acte odieux. Mes premières pensées vont à ses proches dont je partage l’émotion et l’indignation ». Le président guinéen, Alpha Condé, s’est quant à lui déclaré « très touché », en précisant qu’il « s’entretiendra avec l’ambassadeur de France en Guinée pour la suite à donner ».

Après la fête de la victoire de l’Algérie face au Sénégal en finale de la Coupe d’Afrique des nations, vendredi 19 juillet, plusieurs politiques français de droite et d’extrême droite ont très rapidement réagi dimanche en ciblant la supposée nationalité algérienne de l’agresseur. Le député LR Éric Ciotti a ainsi condamné « un crime raciste perpétré par des supporters algériens » ainsi que le « silence médiatique ». La députée LR Valérie Boyer a elle aussi incriminé « les supporters algériens ». Tout comme le conseiller régional PACA Philippe Vardon, membre du Rassemblement national (RN), et le président du RN en Bourgogne-Franche-Comté Julien Odoul qui a décrété qu’un « crime raciste commis par un supporter algérien n’intéresse personne ».

Évoquant des « racailles », Grégory Roose, ancien secrétaire départemental du RN dans les Alpes-de-Haute-Provence, en a profité pour prôner la « remigration » qui « pourrait sauver des milliers de vie ». Collaborateur parlementaire du député RN Gilbert Collard et proche du groupuscule d’extrême droite Génération identitaire, Damien Rieu a lui aussi pointé le silence qui entourerait « l’auteur [supporter algérien] ». Plusieurs heures après l’arrestation d’un suspect de nationalité turque lundi, les auteurs de ces tweets ne les avaient toujours pas retirés.

Sur Twitter, Madjid Messaoudene, élu de gauche à la mairie de Saint-Denis, a dénoncé l’instrumentalisation à des fins racistes de ce meurtre par l’extrême droite. « Ce sont des personnes qui alimentent au quotidien le racisme, pointe l’élu local, délégué aux discriminations et à l’égalité femmes-hommes. La seule chose qui a fait réagir la nébuleuse d’extrême droite, c’est que l’agresseur était présenté comme algérien. Il y a une volonté d’essentialiser tout un peuple algérien. »

Pour autant, l’annonce de la nationalité turque du suspect ne l’a pas du tout soulagé. « Le vrai problème est cette négrophobie existante qui se développe au Maghreb et amalgame les Maghrébins, les Arabes, les musulmans pour les présenter comme dangereux pour la cohésion nationale dans les pays où la diaspora est ancrée, dit Madjid Messaoudene. Cela passe par une négrophobie d’État à l’œuvre dans les politiques d’immigration. Il faut voir la façon éhontée dont l’Algérie traite les migrants noirs. Et aussi le sentiment de domination de certains Maghrébins. Il y a un vrai souci dans les quartiers, avec des parents qui préfèrent que leur fille reste célibataire plutôt que d’épouser un Noir. Cela ne veut pas dire que tous les Maghrébins sont négrophobes, mais on ne peut pas être dans le déni quand on prétend lutter contre toutes les discriminations. Il faut combattre cette gangrène. Et ce ne sont pas des supporters sénégalais et algériens se faisant des bisous le soir de la CAN qui vont régler ça. ».

Figure antiraciste, Marwan Muhammad, ex-directeur du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et fondateur de la plateforme Les Musulmans, y a également vu une « occasion de plus de se remettre en question et d’interroger la normalisation de comportements racistes, y compris parmi nous, toutes origines confondues ».

Une marche blanche en l’honneur du docteur Barry est organisée vendredi 26 juillet à 15 heures. Elle partira de l’esplanade de la faculté de droit de Rouen, pour se terminer devant le palais de justice, selon le communiqué des proches, qui se conclut ainsi : « Aucune communauté, aucune personne ne doivent être invectivées. La famille compte sur votre pacifisme. » Un sit-in est prévu devant l’ambassade de France à Conakry jeudi 25 juillet pour demander justice pour Mamoudou Barry.

Il est organisé par une mission locale de la société civile « La Brigade d’actions citoyennes » et par l’ancien vice-président de l’association des étudiants guinéens de Rouen. Une collecte en ligne a par ailleurs été lancée pour aider la femme et la fille de Mamoudou Barry et financer le rapatriement de son corps en Guinée. Mardi 23 juillet, elle dépassait les 32 000 euros.