Dr Arry Boujenah : « Le Covid laissera de nombreuses séquelles »
ENTRETIEN. Médecin parisien, Arry Boujenah s’inquiète des maladies que pourrait engendrer le virus. Mal connues, elles sont encore sous-estimées.
Propos recueillis par Jérôme Béglé
Publié le | Le Point.fr
Les médecins de ville sont-ils les grands oubliés de la pandémie de Covid-19 ? Alors que le débat sur l’encombrement des services de réanimation, sur l’usage (ou non) de l’hydroxychloroquine, sur la rapidité du déconfinement, sur les séquelles issues de la maladie anime les plateaux télé et semble réservé aux professeurs de médecine, les médecins libéraux veulent faire entendre leur voix. Eux aussi furent en première ligne dans le combat contre le coronavirus, eux aussi ont tâtonné, expérimenté et soigné des centaines de patients. Leur retour d’expérience mérite d’être pris en compte. Le docteur Arry Boujenah, gynécologue obstétricien à Paris, s’est très tôt penché sur les dégâts provoqués par le coronavirus et ses conséquences à brève et moyenne échéance.
Le Point : Comme gynécologue obstétricien, comment et à quelle fréquence êtes-vous confronté au Covid-19 ?
Docteur Arry Boujenah : Je suis gynécologue obstétricien installé depuis 1986, spécialiste de l’infertilité. En tant que soignant, je me suis senti dans l’obligation d’acquérir des connaissances dans différents domaines, mais toujours médicaux, me permettant d’envisager une approche multidisciplinaire. Bien entendu, dès l’apparition du Covid-19, je n’ai eu de cesse de vouloir maîtriser le sujet. Je me suis donc plongé dans l’étude des épidémies, de la virologie, de l’immunologie.
Concomitamment, mon métier de soignant a pris un virage particulier face à cette pandémie. J’ai été immergé dans l’urgence de la prise en charge de patients et de patientes infectés qui me demandaient de les traiter. Il a été indispensable de mettre en place une équipe pluridisciplinaire composée de cardiologues, de radiologues spécialisés dans les IRM et angioscanners, de neurologues, de psychiatres et d’un laboratoire spécialisé dans le domaine des sérologies.
J’ai ainsi traité plusieurs dizaines de personnes avec le traitement préconisé par le Pr Raoult avec un suivi en téléconsultation, ayant nécessité un équipement composé d’un oxymètre et d’un appareil à pression positive continue (utilisé dans les apnées du sommeil).
Cette maladie laisse-t-elle des séquelles ? Ouvre-t-elle la porte à d’autres pathologies ?
– Oui, nous dénombrons de nombreuses séquelles. Nous observons une atteinte vasculaire qui entraîne des micro-thromboses au niveau pulmonaire, oculaire, cardiaque, hépatique, rénal, intestinal, cérébral et probablement testiculaire. À ce stade, cela prend la forme d’une autre maladie que nous pourrons qualifier de « micro-angiopathie inflammatoire et immunologique. » De fait, chaque individu ayant été touché par ce virus peut être fragilisé, il convient donc de réfléchir à un traitement post-Covid-19 sur lequel je me penche actuellement avec de réelles pistes.
Je suis gynécologue obstétricien. Dans ma profession, nous avons observé chez la femme enceinte touchée par le Covid-19 un certain nombre de thromboses, d’embolies pulmonaires (liées à des micro-angiopathies) et des menaces d’accouchement prématuré, et nous observerons probablement des hypotrophies fœtales liées aux mauvais échanges placentaires et des toxémies gravidiques, ainsi que d’autres pathologies que des mesures préventives pourront minimiser.
À partir de là, je peux me permettre d’intervenir et de demander que les traitements adéquats soient à la disposition des patientes, et surtout de tous les malades.
Prescrivez-vous de l’hydroxychloroquine ?
– L’hydroxychloroquine est prescrite par la profession médicale depuis des décennies. Ce médicament était d’ailleurs en vente libre à une certaine époque. Il est prescrit en prévention du paludisme ainsi qu’en traitement continu dans le lupus érythémateux disséminé. Après toutes ces polémiques, j’estime qu’il serait temps d’aller droit au but afin de ne pas perdre de temps. Bien entendu, je prescris l’hydroxychloroquine (associé à l’azithromycine et au zinc), car, à l’heure actuelle, à moins de prouver le contraire, c’est un traitement tangible et efficace à prescrire dès les premiers symptômes en associant éventuellement des anticoagulants ainsi qu’une surveillance stricte du patient. En effet, cette association d’action virucide et anti-inflammatoire évitera à une grande majorité de patients un passage en réanimation. L’hydroxychloroquine n’est pas un poison, c’est un médicament qui a été largement prescrit par notre profession, et le diaboliser reviendrait à remettre en question toute notre déontologie.
Pourquoi ce médicament déchaîne-t-il autant de passions et de controverses ?
– Je ne souhaite pas m’attarder sur cette question, car nous avons tous compris que cela relève des lobbys pharmaceutiques, et donc de gros sous… Le Plaquénil (l’hydroxychloroquine) étant ouvert à être « généricable » avec un coût de fabrication peu onéreux est depuis toujours indispensable à la pharmacopée pour son bénéfice médical, mais n’a plus d’enjeu économique majeur. Je préfère ne pas polémiquer sur ce sujet et vous laisse conclure…
Si ce coronavirus devait perdurer ou réapparaître à l’automne, pensez-vous qu’il faudrait prescrire l’hydroxychloroquine à titre préventif ?
– Je pense, en mon âme et conscience, que si le Covid-19 perdurait, il serait judicieux d’envisager un traitement préventif, et à ce jour, je ne vois pas d’autres alternatives au traitement par l’hydroxychloroquine. En effet, son mécanisme d’action, aujourd’hui reconnu, diminue la charge virale au début de la maladie, et donc empêche, dans une certaine mesure, les effets délétères du virus, en particulier l’hyper-inflammation liée à l’hyper-réaction immunologique.
Nous serions dans la prévention des effets secondaires de la maladie. Il a été dit que nous étions en « guerre », dans ce cas, le plus important est l’action. L’inaction est donc mortelle, et la seule façon de lutter durablement est la prévention. Il me paraît impensable qu’un gouvernement ait pu empêcher, dès le début de l’épidémie et encore à ce jour, l’accès à sa population à un traitement préventif qui, selon moi, aurait pu éviter une hécatombe. À juste titre, le bénéfice d’un traitement préventif nous aura permis de diminuer le nombre de malades et la gravité de la maladie. En effet, l’angiopathie inflammatoire et immunologique pourra laisser de nombreuses séquelles : pulmonaires, oculaires, cardiaques, hépatiques, rénales, intestinales, cérébrales, obstétricales… Ce traitement préventif me paraît primordial aussi bien chez les personnes non atteintes que chez les personnes ayant contracté le virus, car une seconde infection ou une réactivation de la maladie chez un patient l’ayant déjà contracté reste une hypothèse probable et potentiellement plus grave. À ce sujet, le degré d’immunité reste en suspens.
Santé publique France, les ARS, l’Académie de médecine, la Haute Autorité de santé, le conseil scientifique Covid-19, etc., sans parler des multiples organismes dépendant de la Cnam… On découvre une bureaucratie de la santé publique que l’on ne soupçonnait pas. Ressentez-vous ces lourdeurs dans l’exercice quotidien de votre métier ?
– Je pense que les Français ont parfaitement compris que le système de santé actuel est pollué par une bureaucratie constituée d’individus n’ayant pas effectué d’études de médecine, incapables, d’après moi, de juger la partie médicale de la pandémie, mais, malheureusement, empêchant les soignants d’exercer leur profession de manière fluide.
Cela a, par contre, un coût budgétaire considérable. Arrêtez de nous entraver, nous, les médecins, nous, les soignants. Laissez-nous faire notre travail. Laissez-nous soigner…
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