de conjoncturelle, une crise peut devenir et demeurer structurelle
On l’oublie souvent, les crises sociopolitiques et militaires en Afrique noire, singulièrement, sont aussi de facture cognitive. Cet aspect est constamment négligé, mais il y a un recul patent, et déconcertant, de la connaissance sous nos tropiques. Qui laisse prospérer un désert encyclopédique, que protègent quelques sophistes, et autres petits détaillants d’idées. Le niveau de culture générale va en s’affaissant, et il est donc fatal que l’ignorance se trouve en milieu propice à son triomphe.
Cette profonde crise de la connaissance, et du savoir, est imputable à deux facteurs essentiels qui se conjuguent. Il y a d’une part l’effondrement, global, de l’intelligentsia dans la désagrégation des cercles universitaires tétanisés, et frappés d’inertie. D’autre part leur place, laissée vacante, a été envahie par une nouvelle race de journalistes, de la presse écrite, radiodiffusée, et télévisée. A dire vrai, une pensée pauvre, aux idées courtes, au verbe piteux, et à la plume médiocre. Qui se sont emparés du masque, du pouvoir et du charme, de la connaissance. Par lequel ils définissent, et dictent, à présent ce que sont la vérité, le droit, et la justice. Ils auront ainsi parachevé, et signé, la défaite des vrais intellectuels, dignes de ce nom. En séquestrant, continûment, une opinion dite publique, dont l’âge mental ne dépassera guère celui de la puérilité, voire celui de l’idiot profond. A cela se greffent aussi différents additifs, partant de l’ethnicisme le plus borné, jusqu’à la veulerie la plus affligeante, en passant par des considérations religieuses les plus dangereuses. Le tout bien chevillé à leur corps, s’étend à tout le corps social, par voie de contagion et de propagation, de proche en proche.
Comment dès lors s’étonner d’une anomie qui règne, dans une ambiance délétère qui perdure? Les crises sociopolitiques, et militaires, ne peuvent aller qu’en s’aggravant, dans les pays noirs africains. Le concept de crise a ceci de trompeur qu’on le croit daté, un dérèglement passager, on va dire. Mais il n’en est rien, de conjoncturelle, une crise peut devenir et demeurer structurelle.
Paul Zahiri