Damana Pickass revient sur la prise de la Résidence Présidentielle

 DAMANA PICKASS EXPLIQUE LA STRATEGIE DE MOBILISATION EN 2011 ET DÉTAILLE LES INSTANTS A LA RÉSIDENCE PRÉSIDENTIELLE PENDANT LES BOMBARDEMENTS AUX COTÉS DE LAURENT GBAGBO…

Ex- numéro 3 de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci) de 1995 à 1998 , ancien responsable de la Jeunesse du Front populaire ivoirien (Fpi, 1998-2001), Damana Adia Pickas est doctorant en droit. Revenu pendant la crise née de la rébellion du 19 septembre 2002 de la France où il poursuivait ses études, il a été nommé, par décret, administrateur civil. Et a servi à la Direction de la décentralisation et du développement local. C’est étant là-bas que feu Désiré Tagro l’a choisi, en 2010, pour représenter le ministère de l’Intérieur à la Commission électorale indépendante (Cei).

Monsieur Damana PICKASS , le départ illégal de Laurent Gbagbo du pouvoir, malgré votre appel à la mobilisation est il un Echec pour Vous?
D.A.P : – Non, ce n’est pas un échec. Le sens de notre appel s’inscrivait dans le combat que nous avons toujours mené. Vous savez, nous étions arrivés à une confrontation armée directe avec la coalition rebelle. L’heure du combat décisif avait sonné et il fallait donc assumer cette responsabilité qui était la nôtre.
Notre stratégie de résistance depuis le 19 Septembre 2002, a toujours reposé sur trois piliers. A savoir : le chef c’est-à-dire le président Laurent Gbagbo, l’armée et le peuple. Si le chef est resté digne et a donc pleinement joué son rôle jusqu’au bout, cela n’a pas été le cas pour les deux autres piliers que sont l’armée et le peuple où de graves défaillances ont été constatées. Il fallait donc vite réagir pour remettre de l’ordre. Ce qui restait de notre Armée, s’est aussitôt réorganisée autour du colonel Major Konan Boniface qui faisait, dès lors, office de chef d’état-major des armées.

Au niveau du peuple, nous avons aussi dû nous réorganiser pour mener à bien la mobilisation. Et vous avez constaté que notre appel à la mobilisation et à la résistance a été massivement suivi par la population malgré la violence inouïe et les tueries dans les quartiers. Les deux ponts étaient bondés de monde, et plusieurs sites stratégiques étaient occupés par la population dont la résidence du Chef de l’Etat.
Cette réorganisation nous a permis de mettre en déroute la coalition rebelle (Onuci- Licorne-Frci) malgré l’important soutien aérien dont elle disposait.

C’est dans cette dynamique que nous étions, lorsque, le dimanche 10 avril, le président Laurent Gbagbo, chef suprême des Armées a ordonné aux Fds, pour des raisons qui lui son propres, la cessation des combats. C’est suite à cela, qu’il a été arrêté sans résistance aucune, le lendemain lundi 11 avril par l’Armée française.

Vous étiez à la résidence de Laurent Gbagbo pendant les bombardements. Qu’est-ce qui s’est réellement passé et qu’elle était l’ambiance là-bas?
D.A.P : – C’est un très mauvais souvenir. On était dans une ambiance de guerre et la résidence était la cible privilégiée des Français. Pendant plusieurs jours, ils y ont balancé des obus de gros calibre depuis leurs hélicoptères au point où à un certain moment on a cru que la résidence allait s’écrouler sur nous et tous nous tuer. Mais malgré cet état de fait, nous sommes restés debout.

Plusieurs images se bousculent encore dans ma tête. Il y a l’image des petits- enfants du président, âgés d’environ 2 à 6 ans, qui trouvaient l’occasion, entre deux bombardements, de s’amuser. C’était très émouvant. Nous voyons l’image d’un Aboudramane Sangaré, fidèle parmi les fidèles, placide, imperturbable à toute émotion, serein, assis près d’une fenêtre en train de lire.

L’image d’un Sidiki Bakaba, avec sa caméra en train d’immortaliser ces moments. Il sera par la suite touché par des éclats d’obus. Gisant peu après dans une mare de sang.

L’image d’un Désiré Tagro, jovial, qui était au four et au moulin, paix à son âme.

L’image d’une Simone Ehivet, resplendissante de courage et de détermination et toujours plongée dans la prière.

L’image du porte-parole de l’armée, Hilaire Gohourou, lâchement assassiné par un sniper français posté depuis la résidence de leur ambassadeur. L’image du colonel Major Ahouman Nathanaël, paix à son âme, du Commandant Dua, du Commandant Séka Anselme, de Maître Bahi Patrice, du Docteur Blé, de Kuyo Téa Narcisse, de Koné Boubakar et de toute la garde du président Gbagbo qui ont fait preuve de loyauté et de fidélité exemplaires, nous leur rendons un hommage mérité. Ce sont des hommes d’honneur. L’image de tous ces valeureux jeunes patriotes, dont beaucoup ont perdu la vie ou garderont à jamais, des séquelles indélébiles.

Il y a aussi tous ces Fds qui, entre deux bombardements, repoussaient la coalition rebelle qui tentait des incursions au sol.

Vous arrivait-il souvent d’avoir des contacts avec Laurent Gbagbo pendant ces bombardements ? Si oui, quel était son état d’esprit ?
D.A.P : – Bien évidement, il nous arrivait d’avoir des échanges avec le Président pendant ces évènements extrêmement graves. Nous avons pu nous rendre compte d’une autre dimension, de sa force de caractère et de sa conviction. Ce monsieur est un homme de grande stature morale. Pendant l’une de nos conversations, il nous a dit ceci : « Si je résiste, c’est pour vous. J’aurais pu démissionner, mais cela sera catastrophique pour la Côte d’Ivoire et pour votre génération ». Risquer sa vie pour ses concitoyens et pour son pays, n’est pas donné à tout le monde. C’est un homme politique de dimension mondiale que nous ne regrettons pas d’avoir côtoyé. Nous continuerons à toujours le soutenir.

Au moment de son arrestation, étiez-vous encore à la résidence présidentielle? Si oui, qui l’a arrêté ? C’étaient les soldats français ou les Frci ? Et pourquoi n’avez-vous pas été arrêté aussi?
D.A.P : – Nous sommes resté à la résidence jusqu’au dimanche 10 avril 2011. Ce qui nous a permis de vivre tous les événements qui s’y sont déroulés. Notamment les bombardements ainsi que l’ambiance. Sachez que toute la journée de ce dimanche, la résidence a été l’objet de bombardements intenses jusqu`à 19 h où, profitant d’un moment d’accalmie, nous sommes sortis porter assistance à des patriotes blessés à Blockhaus. C’est pendant que nous nous trouvions à Blockhaus, que les bombardements ont repris. Ce qui nous a empêché de revenir à la résidence du chef de l’Etat. Ceux-ci n’ont plus cessé jusqu`à l’arrestation du président, le lendemain lundi 11 avril 2011 aux environs de 11h. Depuis blockhaus, nous voyions au moins 7 hélicoptères de combat, bombardant la résidence du président. Nous avons aussi vu, à partir de notre position, une colonne de chars français se dirigeant vers la résidence. Ce sont ces soldats français qui, après avoir encerclé le périmètre avec leurs chars, ont procédé à l’arrestation du président avant de le livrer aux Frci.

N’avez-vous pas fui Laurent Gbagbo pour ne pas être arrêté?
D.A.P : – Avec tout ce que je viens de vous expliquer, vous avez encore le courage de me demander si j’ai fui ? Non, je n’ai pas fui, Damana Pickass n’est pas un fuyard et toute la Côte d’Ivoire le sait…
Léo Côte D’Ivoire

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