CPI et acharnement judiciaire

 20/01/2019 – Par Dagbo Raphael

Quand la CPI se rend complice d’un acharnement judiciaire

Le mardi 15 janvier dernier, la chambre de première instance qui jugeait le Président Laurent Gbagbo et le Ministre Charles Blé Goudé a rendu sa décision. Celle-ci s’est résumée en ces termes : acquittement (entendre : de toutes les charges de crimes contre l’humanité) et libération immédiate. Le procureur a alors déposé une requête aux fins de voir ajoutées des conditions strictes à la libération du Président Gbagbo et du Ministre Blé Goudé. En somme il souhaitait voir remplacer la libération immédiate et sans condition découlant de l’acquittement par une libération conditionnelle, en évoquant des risques de fuite, tandis qu’il envisage de faire appel de l’acquittement. Comme il fallait s’y attendre, la requête du procureur a été rejetée et il en a interjeté appel, alors même que le Président Laurent Gbagbo et le Ministre Charles Blé Goudé assistés de leurs avocats s’étaient engagés à se tenir à la disposition de la cour si et quand celle-ci le jugerait utile.
Ce qui est choquant dans ce déroulé judiciaire chaotique, c’est qu’après l’audience du 16 janvier 2019 ayant rejeté la requête du procureur, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé étaient théoriquement libres du fait de l’absence de tout titre de détention.
Cependant, à la suite de l’appel du procureur sur ce rejet de requête, la Chambre d’appel rendit une première décision pour maintenir en prison le Président Gbagbo et le Ministre Blé Goudé, dans l’attente de la réunion de tous les juges d’appel le lendemain.
Puis le 18 janvier 2019, les juges de la Chambre d’appel feront produire un effet suspensif à la décision de rejet de la requête du procureur. Comment la suspension des effets d’une décision rejetant la requête du procureur peut-elle produire comme effet le placement en détention de deux personnes acquittées et donc innocentées ? En réalité, il ne s’agit pas d’un maintien en détention qui laisserait supposer l’existence d’un titre de détention, mais bien d’un placement en détention décidé par la Cour. Ici la question se pose de savoir quelle finalité vise en réalité la CPI dans cette procédure.
De toute évidence, devant le spectacle indigne de harcèlement judiciaire qu’elle nous donne à voir, il apparaît une fois de plus que le scénario semblait écrit d’avance. Au terme de celui-ci, il lui fallait coûte que coûte obtenir que, bien qu’innocentés, le Président Laurent Gbagbo et le Ministre Charles Blé Goudé ne soient pas libérés. Toutes les acrobaties judiciaires dont les plis se déploient les uns après les autres convergent pour habiller cette mise en scène grossière et inhumaine. Personne ne sera assez dupe pour considérer que nous assistons au déroulement normal d’une justice sereine.
Au lieu de cela, le scénario qui se construit sous nos yeux par ce procureur aidé de cette chambre d’appel semble clairement être le suivant : détenir illégalement en prison des personnes innocentes et déjà victimes d’une période de détention préventive délirante de 8 ans. Quelle est donc cette justice qui garde sous les chaînes de la détention des personnes acquittées et innocentées ? Le procureur et la Chambre d’appel sont en train de réinventer tout simplement le tonneau des Danaïdes adapté au droit pour obtenir à tous les prix la condamnation du Président Laurent Gbagbo et du Ministre Charles Blé Goudé pourtant acquittés. Pourquoi la CPI refuse-t-elle de se poser cette question évidente et simple : a-t-on les véritables responsables des crimes contre l’humanité dans le box des accusés ? En cela, elle transgresse sans état d’âme les droits humains de Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé. Ou alors ne les considère-t-elle pas comme des êtres de chair et de sang ? Cela est choquant de la part d’une cour de justice, qui plus est internationale.
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Mais quelle était à l’origine la vocation de la CPI ? Rendre justice aux victimes…, nous semble-t-il. En prononçant l’acquittement du Président Laurent Gbagbo et du Ministre Charles Blé Goudé, la cour affirme en creux que le procureur s’est trompé dans la désignation des accusés et surtout dans l’instruction de ce dossier, commettant une faute dont les conséquences furent terribles pour Laurent Gbagbo, Charles Blé Goudé, leurs familles respectives, leurs amis, leur vie, mais aussi pour leur pays, la Côte d’Ivoire. Au lieu d’allonger artificiellement à l’infini une procédure sur laquelle cette même cour a dû officiellement et publiquement se prononcer, le plus raisonnable est de libérer purement et simplement ceux qui viennent d’être acquittés. Cet acharnement judiciaire choquant à tous égards auquel la CPI commence à se livrer pour tenter de satisfaire un procureur qui erre est tellement indécent qu’il risque fort de transformer le chagrin des Ivoiriens, des Africains et de tous ceux qui croient en la justice en une fureur aux conséquences incalculables.
La Côte d’Ivoire attend la paix. Elle veut se réconcilier avec elle-même. C’est pourquoi elle reste calme face à ce chaos judiciaire. C’était en effet déjà une provocation de déporter le Président Laurent Gbagbo à la Haye au mépris du respect des procédures juridiques en la matière. C’était aussi une provocation de confirmer des charges fabriquées sur la base de coupures de journaux partisans, de témoignages mensongers et de reportages montés artificiellement avec des mises en scène aussi puériles qu’affligeantes…
Il est évident que le Président Laurent Gbagbo et le Ministre Charles Blé Goudé seront incontestablement des acteurs décisifs dans cette Côte d’Ivoire apaisée que nous appelons de nos vœux et à laquelle tout le monde a intérêt. Leur libération immédiate et sans condition qui est la suite logique de leur acquittement correspond simplement à la vérité des faits. Il faut donc les libérer hic et nunc.
Raphaël DAGBO