Covid et liberté perdue

Le monde du Covid s’installe dans la durée … et dans le totalitarisme

par Karine Bechet-Golovko.

Quelle chance de voir ce qu’est un monde progressiste !
Qui aurait pensé, il y a un an de cela, que nous serions docilement plus ou moins coincés à domicile, en tout cas culpabilisés dès que l’on met un nez  insolent dehors, libre, au grand air, alors qu’il n’y aurait pas de nécessité impérieuse de ne pas s’autoconfiner ?
Qui aurait pensé qu’il deviendrait criminel de voir ses proches, de faire des bisous à sa grand-mère, de chahuter avec ses frères et sœurs ?
Qui aurait oser imaginer des prétentieux affirmer sur les plateaux-télés que Noel et Nouvel An doivent être remis dans les cartons de l’Ancien monde, du monde libre, puisqu’ils sont devenus des « clusters » désormais et que le confinement est lui le mode normal et permanent d’existence ?

En France, on joue carte ouverte, à Moscou et en Russie on tente une version adoucie, mais l’enjeu est le même : mettre à mort la civilisation dans laquelle nous avons grandi et favoriser l’impasse de ce nouveau monde, inhumain. Inhumain dans le sens direct du terme, puisque l’Homme n’y a plus sa place, puisqu’il n’est qu’un danger pour l’autre et pour soi, puisqu’en toute logique il doit donc en disparaître dans son humanité et n’être qu’un sac de molécules hermétiquement fermé par le nombril. Ce que je me demande, c’est ce qu’il faudra encore pour qu’une force politique puisse regrouper les mécontentements individuels. Car de ce côté, c’est la grande pénurie …

Ne vous faites pas d’illusions, les mesures liberticides qui sont adoptées dans nos pays ne sont pas temporaires. Au printemps encore, nos dirigeants faisaient semblant de nous expliquer, la main sur le cœur, la larme hésitante au bord de la paupière, le regard empathique et la voix légèrement tremblotante – juste ce qu’il faut, pas plus pour ne pas surjouer la scène de la compassion et du sacrifice nécessaire du peuple pour la Grande Guerre sanitaire – que c’était temporaire. Il faut faire un effort un moment et tout rentrera dans l’ordre. Ensuite, au début de l’automne, il semblait qu’un vaccin aussi rapide que miraculeux allait sauver l’humanité des virus, il fallait donc faire encore un effort en attendant.

Maintenant, le temps de l’effort est terminé, celui de l’adaptation forcée est arrivé

L’état d’urgence sanitaire, le couvre-feu, le confinement, le masque obligatoire (bientôt même au domicile), la destruction des services publics de l’enseignement, de la justice ou de la médecine – paradoxalement au nom d’une survie biologique se voient partout à des degrés divers. Une économie de proximité, qui doit passer son chemin ou se défaire dans le numérique et dans les transnationales. Chaque pays adapte plus ou moins en fonction du niveau de soumission de la population, mais tout est orienté vers le même but : la transformation de la société par la mise à mort de la résistance collective et individuelle, du fonctionnement normal des institutions réduites à un rôle répressif et de l’économie nationale pour faire plier et les États, dont le déficit explose, et les individus mis en situation de survie et ayant d’autres problèmes plus urgents, que réfléchir sereinement à ce qui se passe.

Ainsi, le référent temporel change. En France, l’état d’urgence sanitaire (sauf sursaut du Conseil constitutionnel), dont on ne sort pas, va être prolongé jusqu’au 16 février 2021 et le régime transitoire de sortie jusqu’au 1er avril 2021. A Moscou, alors que la propagande fin du monde prend une ampleur à faire pâlir d’envie (ou d’horreur) la Pravda, le maire de Moscou a adopté des mesures locales, sans contrôle ni parlementaire, ni fédéral, ni judiciaire, jusqu’au 15 janvier 2021. Certes, formellement il n’y a ni confinement, ni port du masque obligatoire dans le rue, ni couvre-feu comme en France, mais, pour l’essentiel, les écoles et les universités moscovites passent obligatoirement à distance (et il recommande au Gouvernement in fine de faire pareil, oubliant la hiérarchie des normes), tout ferme à 23h, les QR Codes pour aller dans des établissements le jour sont fortement « recommandés », il est fortement recommandé aux écoliers et étudiants d’être en isolement, les personnes âgées de plus de 65 ans également et leurs cartes de transport gratuites ou à tarif réduit sont suspendues. C’est une version allégée de ce qui se passe en France, même si les associations de restaurateur ont déjà annoncé qu’avec les QR Codes la fréquentation a baissé et qu’à ce rythme-là c’est environ 50% des établissements qui peuvent fermer d’ici la fin de l’année – la vente à distance ne compense rien, finalement.

C’est fait pour durer. En France, c’est annoncé plus clairement. Oubliez le mot de « déconfinement », vous êtes à la maison et restez-y. De toute manière, vous n’avez plus d’argent pour sortir et l’on vous a aidé en réduisant les possibilités de sortir.

Cela d’autant plus que dans le monde du Covid, le travail à distance doit être la norme, même s’il est beaucoup moins efficace, comme l’a constaté – avec surprise – le très politiquement correcte et progressiste dirigeant de la banque russe VEB, Igor Chouvalov. Pour lui, il n’y a pas dans sa banque de personnes qu’il ne soit pas nécessaire de faire sortir du travail à distance, car il est constamment nécessaire de communiquer, de se voir, d’échanger. A juste titre, il souligne que nous ne sommes pas prêts à travailler réellement à distance, pas seulement du point de vue technologique, mais humain. Sans même parler du manque d’efficacité du travail à distance, qui ne peut être qu’un moyen exceptionnel :

« C’est très bien qu’il existe, quand il est impossible de se réunir. Mais ce n’est pas la même énergie, ni la même réactivité que nous avions avant ce régime. Beaucoup disent « Je travaille même plus ». C’est vrai et je le vois moi-même : on organise beaucoup de conférences, on fatigue, mais je ne peux pas dire qu’il y ait plus de résultats. »

Et la crise économique qui s’intensifie quasiment dans tous les pays n’est pas sans rappeler les heures sombres de notre histoire. En Russie, la Cour des comptes annonce le risque d’un déficit incontrôlable des budgets des régions, même Moscou lance des obligations pour compenser son budget. Et la gestion globalisée du Covid, qui a déjà coûté très cher à nos économies nationales, ne va pas améliorer la situation dans les mois qui viennent.

Mais au-delà des considérations socio-économiques, l’attaque contre les symboles et les valeurs de nos sociétés, étiquetées « anciennes » donc dépassées, n’est pas sans alerter. Les messes en France sont suspendues à des temps meilleurs, manifestement lorsque la population aura renié le Christ et que sans Dieu, tout sera permis. Surtout le pire. C’est le seul intérêt que cela présente. Ainsi, les délais de restriction couvrent les fêtes de Noel et de Nouvel An, nos repères civilisationnels doivent être détruits.

Je cite :

Mais pour certains invités de BFM TV, la question est toute tranchée : « Moi, si je devais avoir un avis purement scientifique et rationnel, je dirais plutôt d’annuler Noël et d’annuler la Saint-Sylvestre sans hésiter en fait », a ainsi estimé le médecin Julien Lenglet, qui voit les fêtes de fin d’année comme « un cluster national, géant, intergénérationnel qui est à l’origine d’une potentielle troisième vague, sans ambiguïté », tout en ajoutant que les Français n’ont pas cette « discipline collective » pour respecter les gestes-barrières dans la sphère privée, selon lui.

Bien plus que le virus, car grande chance pour ces progressistes il y aura toujours des virus, le fond du problème semble être l’Homme. L’Homme vivant, sociable, familiale. Qu’il faut transformer en sac de molécules fermé par un nombril hermétique, sac rangé entre quatre murs avant d’être rangé entre quatre planches.

En attendant, « l’optimisation » des hôpitaux continue, les patients ont droit à des consultations virtuelles d’une qualité sans surprise,  près de 100 000 lits ont été fermés entre 1993 et 2018, et en pleine crise les suppressions, et de postes et de lits, ne sont pas remises en cause, notamment dans l’Est. Dans l’Union Européenne, la France est l’un des pays les plus désindustrialisé avec la fermeture de 2 500 000 d’emplois industriels depuis 1970 … au profit des multinationales, qui sont particulièrement présentes en France, et des délocalisations. Et le Covid, avec pourtant la fermeture sélective des frontières qui avait assez naïvement provoqué l’attente d’une relance de la production intérieure, ne change rien à la donne, Renault, par exemple, va produire en Chine un véhicule électrique … destiné à la France.

Bref, ce nouveau monde, qui se dessine, froid, inhumain, cachant le cynisme derrière un voile de rationnel, la barbarisation derrière le culte technologique, prend ses racines dans nos choix politiques antérieurs, il n’est que la radicalisation de nos erreurs passées. Mais aucune force politique, ni en France ni ailleurs, n’émerge aujourd’hui pour proposer une voie alternative. En ce sens, ce monde est véritablement global, avec tout le totalitarisme que cela suppose.

Karine Bechet-Golovko

source : http://russiepolitics.blogspot.com