Bernard Debré: «J’ai des doutes depuis longtemps sur le Conseil de l’Ordre des médecins»

INTERVIEW Le député UMP, également urologue, est condamné à une interdiction d’exercer pendant un an dont six mois avec sursis pour la publication d’un brûlot sur l’industrie pharmaceutique…  

Romain Scotto

Le député UMP et médecin Bernard Debré, lors d'une réunion à Paris le 5 septembre 2012.
Le député UMP et médecin Bernard Debré, lors d’une réunion à Paris le 5 septembre 2012. — WARTNER/20 MINUTES/SIPA

Pour avoir cosigné avec le Professeur Philippe Even, un Guide des 4.000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux, le député UMP, urologue et frère de Jean-Louis, a écopé d’une interdiction d’exercer la médecine pendant une durée d’un an, dont six mois avec sursis. Une sanction qu’il ne digère pas du tout, même s’il n’exerce plus depuis décembre dernier.

Comment interprétez-vous cette sanction?

Déjà il y a un problème de fond sur le droit à la parole dans notre pays. On n’a pas le droit de dire ce qu’on pense. C’est incroyable. Deuxièmement, une partie des médicaments pointés du doigt est déjà retirée. C’est important. Troisièmement, si le livre avait été si épouvantable, on aurait eu des procès de la part des laboratoires. Mais aucun n’a rien dit.

Il y a tout de même eu 300 plaintes contre votre livre…

Oui, mais ce sont des allergologues.

Le Conseil de l’Ordre des médecins vous reproche un «manque de confraternité». Le comprenez-vous?

C’est invraisemblable. Dans le code de déontologie, on n’a pas le droit de dire du mal de confrères. Mais comment voulez-vous que dans un état de droit on ne puisse être lanceur d’alerte? On n’a pas cité les médecins. On a cité les médicaments. Nous avons dit notre vérité étayée par des rapports, des études. Ce n’est pas sorti de notre petite tête comme ça.

Cela veut dire qu’on ne peut pas s’attaquer à l’industrie du médicament en France?

Je vais demander le nom de ceux qui ont jugé. Et demander s’ils ont des conflits d’intérêts avec les laboratoires. Nous avons déjà vu avec l’Afssaps qu’il y avait des conflits d’intérêts majeurs. Je voudrais m’en assurer pour ceux qui ont jugé. S’il y en avait, nous attaquerions tout de suite en justice. J’attends de voir les noms. J’ai des doutes depuis longtemps.

Est-ce la preuve qu’on ne peut pas s’attaquer à l’industrie pharmaceutique?

Ah, je prendrais un seul exemple, le Mediator. Aux Etats-Unis, le laboratoire a dû retirer le Mediator et a reçu une amende de 14 milliards. En France, il n’y a toujours pas eu de sanction. Les malades n’ont pas été indemnisés. Cela fait cinq ans quand même. On le dénonce dans notre livre en disant: «Qu’est-ce qui se passe?»

Avez-vous reçu des soutiens malgré tout?

Plein, plein. Oui. Un ancien membre du Conseil de l’Ordre m’a téléphoné en me disant que cette sanction est une honte. C’est disproportionné car on est sanctionnés pour des idées. Nous sommes sanctionnés pour un délit d’opinion. On n’a tué aucun malade. M. Cahuzac qui a fait des choses épouvantables pour un médecin, n’a reçu que six mois dont trois avec sursis. Cette disproportion est inacceptable. Cela ne rime à rien. C’est l’honneur des médecins qui est en jeu. Nous avons travaillé comme des fous.

Si vous actualisez la réédition de votre livre, modifierez-vous certains passages?

Non, je ne sais pas ce qui a été pointé du doigt. Sur les statines, c’est un débat. Il y a une vingtaine de publications qui sont parues. Une étude extrêmement poussée a montré que la statine avait le même effet qu’une pomme mangée le matin. Mais la pomme a moins d’effets secondaires que la statine.

Quelle erreur ou exagération concédez-vous alors?

Des questions de vocabulaire peut-être mais c’est tout. On a été très durs avec les allergologues. Mais ce n’est même pas une spécialité reconnue en Europe.

Aujourd’hui, en avez-vous terminé avec la médecine?

Mais non, ce n’est pas terminé. J’ai le droit de me tenir au courant. Je suis professeur et chef de service à Shanghaï. Je ne vois pas pourquoi je me ferai injurier par le Conseil de l’Ordre sans raison. L’appel est suspensif.
20minutes.fr

Petit rappel, ce soir à 18h interview du professeur Raoult par David Pujadas sur la chaine LCI.
jeudi, ce sera le tour d’Edouard Philippe, premier ministre de parler, en ce J+15 du déconfinement.