Après le témoignage de Mangou, le chargé de Com d’Affi N’guessan s’exprime

Après le témoignage de Mangou, il me semble important de révéler certains secrets politiques.

L’année dernière, en compagnie du Pdt du FPI, Pascal Affi N’guessan et de deux vice-présidents du Parti (dont je préfère taire les noms), nous avons été reçus respectivement au Quai d’Orsay, à Matignon et à l’Elysée, en france.

La libération de Gbagbo et la situation sociopolitique en RCI étaient les sujets principaux qui ont été abordés. Partout où nous sommes passés le 1er ministre Affi s’est attelé à démontrer, preuves à l’appui, que M. Ouattara avait échoué en CI sur tous les plans, d’une part, et qu’il était de l’intérêt de tous, tant des Ivoiriens que la Communauté internationale, que le Pdt Gbagbo soit libéré, d’autre part.

À chaque étape j’écoutais attentivement le Pdt Affi argumenter. L’entendre plaider pour une RCI sans haine, engagée dans un vrai processus de réconciliation inclusif et de croissance non appauvrissante était un vrai régal, presque jouissif.

En guise de réponse au cri de cœur de Affi, il a eu droit à une série de questions de la part des hauts responsables politiques français. Certaines questions et réactions m’ont profondément bouleversées et qui m’ont aidées à mieux comprendre certaines choses. Je me souviens de celles-ci :

1 – Gbagbo dit qu’il veut aller jusqu’au bout de son procès pourquoi souhaitez vous qu’il soit libéré par la négociation et la diplomatie alors que ce n’est pas ce que lui-même veut ? M. Affi, sachez que nous aussi la France nous voulons allez jusqu’au bout avec lui.

2 – M. le Pdt Affi, il nous semble qu’implicitement M. Gbagbo soutient le camp des radicaux et des extrémistes du FPI, n’est-ce pas une position qui affaiblit votre démarche en faveur de sa libération et qui la rend peu crédible ? D’après nos renseignements un retour de Gbagbo plutôt que de contribuer à la réconciliation nationale pourrait être le déclencheur du fameux « match retour » qu’un certain nombre d’extrémistes du FPI qui tiennent à en découdre avec la France et les nordiste de votre pays prônent à mots à peine voilés lors de leurs meetings ou sur les réseaux sociaux.

3 – vous nous dites que nous sommes de la grande famille de l’Internationale Socialiste et qu’en conséquence nous devons nous serrer les coudes. C’est vrai, mais pour nous les intérêts supérieurs de la France transcendent les clivages gauche/droite. Il est vrai que M. Ouattara n’est pas de la famille socialiste mais en l’état actuel des choses au FPI en en RCI nous préférons traiter avec lui que d’œuvrer à votre retour au pouvoir car les discours et l’attitude des extrémistes de votre Parti ne sont pas rassurant pour la France mais également pour de nombreux pays d’Afrique de l’ouest.

Le Pdt Affi leur a expliqué que la théorie du « match retour » n’était pas une opinion majoritairement partagée au sein du FPI et que la reconquête du pouvoir n’était pas une menace pour les intérêts de qui que ce soit en Côte d’Ivoire mais plutôt un avantage car l’instabilité politique chronique et la dilapidation clanique des ressources du pays par le pouvoir RDR était un bien plus grand péril pour leurs intérêts en RCI. Affi a conclu en plaidant l’établissement d’un véritable partenariat gagnant – gagnant entre la France 🇫🇷 et la RCI car c’est cela qui garantira les intérêts durables des uns et des autres.

Les échanges se sont poursuivis le lendemain avec une dame du Quai d’Orsay qui a invité la délégation dans un restaurant parisien.

Au sortir de cette offensive diplomatique menée par le Pdt du FPI, loin du tintamarre des réseaux sociaux, j’ai retenu un certain nombre de choses :

1 – en n’appelant pas à la réconciliation nationale et à l’unité du FPI, Gbagbo ne donne pas des signaux favorables pour sa propre libération.

2 – il existe une cellule spéciale au Conseil de Sécurité de l’ONU qui compile et analyse les déclarations et les communiqués des partis politiques des prisonniers détenus à la CPI. Cette cellule apprécie les déclarations du Cojep et les appels à la réconciliation nationale de Blé Goudé et a émis un avis selon lequel sa libération pourrait servir à la réconciliation en RCI. Au contraire, elle interprète les communiqués de la dissidence du FPI comme des signaux défavorables à la paix sociale en RCI et à la libération de LG.

3 – En dehors de Affi et de quelques uns, très peu de militants de base et même de cadres du FPI savent comment fonctionne vraiment les relations internationales et les règles (non écrites) qui gouvernent et régissent les grands intérêts économiques, politiques, diplomatiques et militaires de ce monde. Le parti devra absolument former ses militants.

4 – Ouattara a de solides relations à l’international, ce que pendant 10 ans de gouvernance la diplomatie de la refondation a minimisé ou négligé au profit des clubs de soutien à Gbagbo (cojep, cnrd, ung, mouvement j’aime Gbagbo, cap-urlg…) comme rempart contre ceux qui voulaient déstabiliser son pouvoir. Cela s’est avéré insuffisant.

5 – l’incapacité ou le refus de décrypter certains messages implicites de négociations délivrés par la France et la communauté internationale. En effet, cette dame du Quai d’Orsay, de la Direction Afrique, nous avait clairement expliqué qu’en instaurant une zone dite « de confiance » entre le Nord et le Sud de la RCI la France appelait ainsi, indirectement, Gbagbo à la table des négociations diplomatiques souterraines. Malheureusement, cela n’a pas été compris. D’autres options ont été privilégiées.

6 – Ceux qui ont monté le coup d’une dissidence interne contre Affi Nguessan en cherchant à l’opposer à Gbagbo sont en réalité les vrais ennemis de Gbagbo et de la paix en RCI. Tôt ou tard les militants de base qui se sont laissés avoir finiront par s’en rendre compte.

Pour ma part, je pense qu’il faudrait que les militants du FPI et plus généralement la grande famille de gauche comprennent une fois pour toute que :

1 – les pays n’ont pas d’amis mais n’ont que des intérêts et que le FPI agisse en conséquence pour chercher à rebondir.

2 – il n’y a pas de vents favorables pour qui ne sait où aller. En effet, pour le moment, la fronde par certaines prises de positions radicales a réussi à brouiller le message de paix, de réconciliation nationale et de développement prôné par le Pdt du FPI. Au final, cela a donné l’impression que le FPI est un parti qui n’a rien à proposer aux ivoiriens face aux dérives de M. Ouattara et du RDR.

3 – aucun État sous-développés ne gagnera la bataille de la souveraineté en naviguant à vue, sans une formation de ces futures élites et sans alliés de 1er ordre, membre du conseil de sécurité de l’ONU.
4 – il faut chercher des solutions aux problèmes auxquels nous sommes confrontés plutôt que chercher des traitres partout.
5 – On ne gagne rien dans le désordre et la division, pas plus que FPI ne reconquerra le suffrage des ivoiriens sans un clair et réaliste projet de gouvernement et de société à leur profit. À ce sujet, j’exhorte le doyen Sangaré à saisir la main tendue de Affi et de répondre favorablement à l’appel à la réconciliation interne du Pdt Gbagbo. 2020 c’est déjà demain.
6 – toute organisation politique ou sociale qui ne se remet jamais en cause, surtout après une chute, et qui évite courageusement de faire son bilan est une organisation vouée à l’échec ou à disparaître.

Jean Bonin
Juriste
Citoyen Ivoirien