Alep : le poids de la désinformation, le choc des mensonges. Partie 1

Voir également l’article consacré au jeune français de 27 ans qui vit au milieu de la population martyre

Lina Shamy, Abdulkafi Alhamdo ou encore Bilal Abdul Kareem, vous êtes des milliers a les retweeter et à vous émouvoir de leurs « adieux » filmés depuis Alep. Des « reporters » qui ne sont pas plus indépendants que les autres sources des médias mainstream.

Analyse

Depuis hier, la presse française et qatarie (Al-Jazeera) relaient les bruits de « massacres », de « génocides » qui seraient perpétrés « à l’arme blanche » par l’armée syrienne dans les quartiers d’Alep-Est repris aux « rebelles ». Des articles, illustrés des vidéos Periscope, d’interviews Skype, de témoignages sur WhatsApp de « résidents » d’Alep-Est, qui ont fait leurs « adieux » en images.

Des informations qui ont été allégrement reprises par les médias et certains journalistes visiblement touchés par les témoignages qu’ils ont reçus de leurs sources aleppines. Comme la reporter, Laura-Maï Gaveriaux dont nous vous parlions hier. Pourtant, lorsqu’on s’intéresse de près à ces sources, un conflit d’intérêt plus qu’évident apparaît. On a affaire à un biais informationnel manifeste si les auteurs de ces propos ne sont pas présentés pour ce qu’ils sont, à savoir des activistes, voire des combattants. Une omission qui est apparemment fréquente si on en croit le témoignage de Claude Chollet, président de L’Observatoire des journalistes et de l’information médiatique (OJIM).
« J’ai écouté France Culture ce matin, on nous présentait un habitant d’Alep Est qui se plaignait et on apprenait incidemment qu’il était inquiet parce que c’était un combattant islamiste d’Alep Est, mais ce n’était pas dit d’une manière volontaire, ou d’une manière évidente dans le reportage. »

Par exemple, Lina Shamy, interviewée par Al Jazeera English insiste sur le « génocide » que les derniers habitants d’Alep seraient en train de vivre, se décrit comme tel sur son compte Twitter: « J’appartiens à la grande révolution syrienne. Ma vie, ma voix, ma mort lui appartiennent. Je tweete depuis Alep assiégée » Quant à Salah Ashkar, diplômé de l’université de la Révolution (ex. Université d’Alep), récemment interviewé par USA Today, celui-ci appelle dans une vidéo postée sur son compte Twitter et où il porte un gilet pare-balle « press »: « Tout le monde à Alep dépend maintenant de votre capacité à faire pression sur vos gouvernements pour qu’ils les protègent de la capture ou de la mort des mains du régime. »

Autre « résident d’Alep », mais sur lequel la presse est plus claire, notamment quant à son statut d’activiste, le professeur d’anglais Abdulkafi Alhamdo. Il faut dire que c’est ce qui apparaît au premier clic sur son compte Twitter toujours. « professeur, activiste et reporter, de l’intérieur d’Alep ».

Pourtant, depuis la percée de l’armée syrienne dans les quartiers « rebelles » d’Alep-Est, les vidéos d’adieu de ces « reporters » et autres témoins prétendument « impartiaux » ont fleuri sur la toile, des vidéos largement reprises par les médias français et par Al-Jazeera. Information ou désinformation? Parlant d’Al-Jazeera, justement, Claude Chollet, pointe du doigt le manque d’impartialité du média arabophone: il note toutefois une évolution dans la ligne éditoriale de la chaîne vis-à-vis des différents protagonistes de la guerre en Syrie, notamment vis-à-vis de Daech. Une évolution due notamment au fait que le groupe djihadiste s’en est pris aux monarchies sunnites:

« Al Jazeera est tout sauf un média indépendant, c’est un média privé, mais dirigé par un État. Ces derniers temps, ils usaient de beaucoup de circonvolutions entre les moudjahidin, les islamistes et les combattants musulmans pour savoir qui étaient les bons, qui étaient les moins bons et qui étaient les mauvais. » Un exercice de style auquel s’était déjà adonnée la chaîne lors des attentats du 13 novembre à Paris, évoquant un « instigateur » à l’origine d’attentats visant à ternir l’image de l’Islam, comme le rapportait dès le lendemain Courrier International.
Autre illustration du phénomène, Éva Bartlett, une journaliste canadienne indépendante était interpellée lors d’une conférence de presse ayant pour thème « Contre la propagande et le changement de régime en Syrie », organisée par la Mission permanente de la République syrienne auprès de l’ONU. Un confrère lui demande de justifier ses affirmations sur les mensonges médiatiques autour d’Alep. Dans une réponse cinglante, elle pointe du doigt le manque de sources fiables des médias occidentaux: « Ces organisations s’appuient sur l’Observatoire syrien des droits de l’homme, basé au Royaume-Uni, une seule personne. […] Elles s’appuient sur des groupes corrompus comme les Casques Blancs. »
Passant en revu leur historique, organisation fondée en 2013 par un ex-officier de l’armée britannique, des Casques Blancs dont « personne n’a entendu parler » sur les territoires aujourd’hui libérés où ils disaient être en activité. « Ils ne sont pas crédibles, l’OSDH n’est pas crédible, les militants sans nom ne sont pas crédibles […] Vous n’avez donc pas de source sur le terrain. […] Comment peuvent-ils [les médias] continuer à dire que le gouvernement syrien attaque la population civile à Alep, alors que chaque personne qui revient de ces territoires occupés dit le contraire? »
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