Abus du Droit chez le Procureur Bensouda

Notre INTERVIEW avec le quotidien ivoirien LG Infos, réalisée le jeudi 18 juillet, et publiée le vendredi 19 juillet 2019

L’image contient peut-être : une personne ou plus■Question Journaliste : Que pensez-vous du délai supplémentaire demandé par Fatou Bensouda ?
●Notre réponse : Cette requête du Procureur s’analyse, pour moi, tout simplement, en un abus de droit…

■Question journaliste : Pourquoi en un abus de droit ?
●Notre réponse : Cet abus de droit procède notamment des motifs au soutien de sa requête. En effet, à l’appui de sa demande, le Procureur excipe la nécessité de jouissance de leurs vacances par les membres de son parquet. De tels arguments transpirent un abus. Pourquoi ? Il est de principe que l’administration est une continuité. Et s’agissant de l’administration continue de la justice, il apparaît manifestement révolutionnaire de faire accroire à qui que ce soit qu’il peut y être admis une rupture. En tout état de cause, la jouissance de vacances judiciaires n’est pas immuable, ni incontournable. D’un tel constat procède l’abus dont se rend responsable le Procureur de la CPI.

■Question journaliste : Est-ce qu’elle n’a pas le droit de demander un délai supplémentaire ?
●Notre réponse : Avoir le droit de demander une chose, est une faculté en droit. Mais, les motivations pertinentes en justifient la légitimité. Je voudrais dire que même si les dispositions de l’article 150-2ème de la Règle de procédure et de preuve concèdent génériquement le droit à l’appelant de solliciter la prolongation du délai d’appel, les motifs au soutien de la demande permettent d’en juger du bien fondé de la démarche. L’analyse rigoureuse du bien fondé des motifs au soutien d’une demande de prolongation du délai d’appel permettra d’isoler les manœuvres dilatoires dommageables aux autres parties à l’instance. Il ne suffit donc pas d’agiter des motifs comme un sésame ouvre-toi pour bénéficier mécaniquement de cette prolongation de délai prévue par la Règle 150. En d’autres termes, on dirait que cette exception, disons plutôt, dérogation, doit se mériter.

■Question Journaliste : Est-ce que les textes de la Cpi ne prévoient pas une telle demande ?
●Notre réponse : Si, et nous venons d’indiquer dans notre précédente réponse que les dispositions de la Règle 150, 2ème alinéa, justifient une telle demande. Cependant, l’abus dont nous parlons procède des motivations de cette demande. Diantre ! Comment pourrait-on sérieusement faire valoir qu’à cause des vacances judiciaires qui sont modulables et même différables, un service de la Justice s’arrête au point de justifier une prolongation de délai d’appel. N’oublions pas qu’en l’espèce, nous sommes en présence des libertés de personnes grevées par des restrictions à la demande du même Procureur.
Alors, de deux choses, l’une. On n’entend point priver le Procureur et ses collaborateurs de leurs loisirs si tant est qu’ils ne peuvent les différer. Cependant, elle devra décider de lever les restrictions qu’elle a fait fixer sur les libertés de deux citoyens, après quoi, personne ne s’opposera à de telle demande fantaisiste même si elle portait sur une prolongation de 10ans. Nous voulons dire que Madame le Procureur verse manifestement dans le dilatoire. À preuve, consciente des conséquences induites de sa démarche, a-t-elle été interrogée avant de tenter de mettre en parallèle, dans sa requête, la situation du Président Laurent Gbagbo et du ministre Charles Blé Boudé, le procès du chef rebelle congolais NTANGADA ? Au total, tout ce qui est permis par la loi est contrarié par tout abus manifeste.

■Question Journaliste : Pour vous que cache une telle demande de fatou Bensouda ?
●Notre réponse : La demande de Fatou BENSOUDA révèle plutôt plusieurs choses :

Premièrement : les motivations des juges majoritaires ayant acquitté le 15 janvier 2019, sont un véritable pavé dans sa marre. Ces vérités rétablies au travers de ces juges de la CPI sont imparables. Ces motivations des juges TARFUSER et HENDERSON s’analysant aux yeux du monde entier comme un témoignage souverain, au-delà de Fatou BENSOUDA, ces motivations sonnent le glas de la CPI elle-même.
Deuxièmement : En regard de la trame des motivations des juges de la majorité, en dehors des manœuvres dilatoires, que peut honnêtement espérer le Procureur au terme d’un éventuel recours ? Car, parmi toutes les motivations des juges de la majorité, celles relatives au fait que le Procureur s’est abstenu de faire cas de deux armées en présence, sont irrésistibles. Car, tout le monde sait ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire où une rébellion s’était établie depuis la nuit du 19 septembre 2002 jusqu’à la période post-électorale, sauf le Procureur. Tout agissement indigne d’un procureur qui ne peut permettre au juge de dire le droit. Mais, nul n’est dupe. FATOU a prémédité le mal. En effet, en ne retenant pas le crime de guerre parmi les charges contre le Président Laurent GBAGBO, elle entendait proscrire toute idée de deux armées en présence. À quelle fin ? Parce qu’en retenant cette seule infraction de crime de guerre, cela rétablirait la vérité qu’il y avait deux armées en présence. Or, dans un tel cas de figure, les disposions du Statut de Rome portant traité de la Cpi érigent une exonération de responsabilité au profit de l’Etat qui s’est défendu. Nous mettons tout cela en relief pour faire intégrer que Fatou BENSOUDA est parfaitement consciente qu’elle a délibérément programmé la vacuité de son dossier. Elle ne peut trouver son salut que dans le seul DILATOIRE. Mais, là, nous l’invitons instamment à se fixer des limites. Car, nul n’est autorisé à jouer indéfiniment avec la vie de ses semblables.

■Question Journaliste : D’aucuns soutiennent qu’elle veut gagner du temps. Partagez-vous cet avis ?
●Notre réponse : Si BENSOUDA veut gagner du temps ? Mais, comme nous l’avons déjà développé, une telle volonté est plus que manifeste chez FATOU. Que pourra-t-elle en présence de ce dossier bétonné, fondé sur du vrai ? Rien.

■Question Journaliste : Si d’aventure elle interjette appel. Comment va se dérouler le procès ? Est-ce qu’on va tout recommencer le procès ? Est-ce qu’elle va faire défiler des témoins à la barre ?
●Notre réponse : Si elle relevait appel, allons-nous tout recommencer ? Nous répondrions sous le rapport de l’effet dévolutif de l’appel. En d’autres termes plus simples, l’appel a pour vocation de remettre les choses à plat, à la seule différence qu’en l’espèce l’affaire sera jugée sur pièces. Cela voudra encore dire quoi ? Cela voudra dire qu’on ne fera plus défiler tous ces 82 témoins devant la Cour, leurs premières déclarations ayant été transcrites par un acteur assermenté (le greffier). Donc, on jugera sur pièces. Des plaidoiries des avocats sont bien sûr attendues.

■Question Journaliste : Bensouda pour sa demande supplémentaire évoque la vacance judiciaire qui dure un mois. Et en quoi cette exception doit se mériter ?
●Notre réponse : L’évocation même des « vacances judiciaires » comme motif principal de sa demande de prolongation du délai d’appel est l’une des manifestations les plus tangibles des intentions malicieuses de ce Procureur.
Ce magistrat du parquet aurait, par exemple, invoqué un état de maladie ou de convalescence ou toute autre cause sérieuse d’indisponibilité, qu’on trouverait nos critiques suspicieuses. Mais, faire valoir que ses collaborateurs vont retrouver les membres de leurs familles pour des loisirs apparaît manifestement fantaisiste. Est-ce à croire que ceux qui ont été acquittés depuis le 15 janvier 2019, et dont elle a fait restreindre les libertés n’ont pas droit à ces jouissances mondaines ?
Et, comme vous le relevez si bien dans votre question, lorsque la durée de ces vacances judiciaires n’excède pas 30 jours, et que le Procureur sollicite plusieurs mois de prolongation, a-t-on besoin du recours à l’art divinatoire pour déceler le caractère dilatoire de sa démarche. À la vérité, le Procureur a été sonné par la trame des motivations des juges majoritaires.

■Question Journaliste : Le juge-président dans sa décision de motivation n’a pas été tendre avec la Chambre d’Appel qui a décidé de la libération du Président Laurent assortie de conditions. Qu’en dites-vous ?
●Notre réponse : Les critiques du juge-Président ne rentrent nullement dans le cadre d’une affaire de personne contre les juges majoritaires de la Chambre d’Appel, auteurs de la décision ayant révolutionnairement modifié les effets de la décision d’acquittement du 15 janvier 2019. N’oublions pas par-dessus tout que toutes ces décisions rendues sont des sources de droit en tant que jurisprudence. Dès lors, ces motivations du juge TARFUSER seront d’une utilité inestimable soit devant la Cpi, elle-même, soit devant des juridictions internationales analogues. Lorsqu’un juge ne peut plus souverainement exprimer son art sous l’empire de son intime conviction, il devient dès lors tout juste utile à une chorale d’église.

Interview réalisée par
Yacouba Gbane,
communiqué par Roger Dakouri Diaz