« Conflit » foncier meurtrier en pays wê
La région du Cavally et plus précisement le département de Guiglo est de plus en plus secoué par des affrontements intercommunautaires d’une grave intensité depuis le mois d’octobre 2017. Ces affrontements qui opposent les Wê (autochtones) et les Baoulé (allochtones) portent sur l’exploitation de la forêt classée du Goin Débé, une réserve naturelle classée patrimoine de l’Etat; mais qui, depuis des années, sous la poussée intensive des exploitations agricoles de clandestins, se réduit comme peau de chagrin. Située entre Bedy Goazon (canton Goun Blao) sur l’axe Guiglo-Boléquin et Zagné (canton Gnèho), sur l’axe Guiglo-Taï, la parcelle querellée est essentiellement peuplée de Baoulé, Lobi, mossi dont l’installation s’est intensifiée pendant la guerre de 2002 à 2010. Pendant cette période où les populations Wê ont été particulièrement visées par les expéditions punitives des rebelles, les autochtones (Wê) ont trouvé refuge au Libéria voisin, abandonnant derrière eux, terres, villages, plantations et patrimoines culturels.
Sans difficultés alors, les allochtones et des ressortissants CEDEAO prirent possession des terres et des villages Wê entiers à travers une vaste opération d’expropriation au nez et à la barbe de la nouvelle administration ivoirienne. A Guiglo, dans la forêt du Goin Débé tout comme à Duékoué dans la réserve du mont Péko ou encore à Kouibly dans la forêt classée du mont Tia, l’occupation de ces terres s’est faite sous la pression des armes et même souvent, au prix du sang des riverains qui ont osé protester. La presse ivoirienne a pendant longtemps tiré la sonnette d’alarme. Rien n’y fit! Les conférences de presse et autres déclarations publiques de l’Union pour la Sauvegarde du Patrimoine Wê (USP-Wê) du regretté Nahi Doh n’ont malheureusement pu infléchir le gouvernement qui à cette époque était empêtré dans sa politique ultra identitaire de « rattrapage ethnique » !
NORBERT et « PRINCE », les bouchers du Goin Débé
Depuis les derniers affrontements qui ont fait (côté Wê) 4 morts et 14 blessés, l’identité des bourreaux des populations de Guiglo est connue!
Il s’agit des sieurs Norbert et Prince, des Baoulé, à la tête d’une bande armée forte d’une cinquantaine de membres, essentiellement composée de baoulé et de lobi.
Ce sont eux qui bénéficiant de la complicité du sergent-chef Kouadio des Frci de Guiglo, écument la forêt du Goin Débé et les terres environnantes, traquant les Wê, au demeurant interdits d’accéder à leurs plantations au risque de passer de vie à trépas sous des coups d’armes blanches des hommes de « Prince » ou de recevoir une décharge mortelle de chevrotines des éléments de Norbert.
À Guiglo, il est de notoriété que tous les allochtones et étrangers impliqués dans les massacres des populations Wê sont couverts par une immunité garantie, aussi bien par l’administration locale que par les autorités militaires et sécuritaires. Ainsi, pendant que « Norbert et Prince » sont en liberté et imposent leur diktat quant à l’accès à la forêt de Goin Débé, ce sont des Wê qui sont privés de liberté par une administration qui semble visiblement avoir choisi son camp.
Faut-il le rappeler, l’un des principes fondateurs de la République, c’est l’égalité des fils et filles devant les lois et face aux institutions. En effet dans un pays où le recul des valeurs est visible, force devrait revenir à la loi et à des institutions fortes afin de garantir la cohésion sociale.
Hélas! En Côte d’Ivoire, la cohésion sociale est compromise et mise à rude épreuve depuis que les seigneurs de guerre plastronnent à la tête des institutions de la république. C’est pourquoi, Prince et Norbert, comme dans au far west peuvent mettre la main sur 9000 ha de forêt primaire, chasser les populations wê de leurs terres et leur en interdire l’accès ainsi qu’à leurs exploitations agricoles sans qu’aucun œil n’ose ciller.
Si pour un banal contrôle de pièces, Soro et consorts ont pu prendre les armes pour entrer en rébellion contre la patrie, il faut craindre que le sentiment de laisser pour compte de plus en plus vif dans le peuple Wê n’engendre ce repli identitaire aux conséquences imprévisibles pour ce pays qui a du mal à renouer avec la paix depuis l’intrusion de Dramane dans l’arêne politique ivoirienne.