Législatives 2016 – Chasse aux électeurs
La quête aux électeurs pour les législatives du 18 décembre a occasionné un rapprochement des candidats d’avec la population.
La fin justifie les moyens. Les candidats aux législatives en Côte d’Ivoire ne lésinent pas sur les méthodes pour se faire une place au parlement lors des législatives du 18 décembre prochain. Quatre jours après le lancement officiel de la campagne pour ces joutes électorales, les approches des postulants sont des plus remarquables.
Chacun y va de son style. Du porte-à-porte aux grands rassemblements en passant par l’affichage et la distribution de tricots et autres éléments à l’effigie des candidats, voire tout à la fois, tout y passe. Il n’est pas rare aussi de voir des scènes insolites. Un post fait par un internaute sur Facebook dans le groupe de discussion « Observatoire démocratique en Côte d’Ivoire » présente un candidat partageant le repas (qu’il refuserait peut-être dans d’autres circonstances) des habitants de sa circonscription électorale. Ce, dans des conditions et endroit où seulement la recherche des électeurs peut l’y conduire.
Un autre post présente une candidate sur un terrain de sport poussiéreux. Chaussée d’une paire de la célèbre chaussure connue en Côte d’Ivoire sous l’appellation « Maracana » et généralement attribuée aux plus pauvres, cette dernière fait montre de son talent de sportive dans une partie de football avec des jeunes de sa circonscription électorale. On voit également une personnalité très connue et candidate, esquisser des pas de danse au son d’un rythme musical de jeunes.
Dr Memon Fofana, enseignant-chercheur en Sociologie à l’Université Péléforo Gon Coulibaly de Korhogo. Selon lui, ce comportement est la seule stratégie des politiques en Afrique pour marquer des points. « C’est généralement la seule méthode en politique en Afrique pour s’attirer la sympathie des électeurs. Il faut faire rêver pour avoir les voix », analyse l’universitaire joint par Politikafrique.info. Non sans inviter à faire le tri entre les promesses d’avant scrutin.
Dans cette course aux sièges de l’hémicycle, les listes qui s’affrontent sur le terrain ont aussi des arguments tout aussi de taille. Les candidats rivalisent dans la palme aux promesses. Le développement, la cohésion, la réconciliation, la construction d’infrastructures, l’octroi d’emploi. Bref, tous annoncent le bien-être aux populations dont le suffrage est sollicité. Et se disent plus proches que les autres de ces populations.
« Si nous sommes élus, en tant que députés, nous allons donner 10% de nos primes d’installation. Chacune va donner 10% pour les projets des jeunes et des femmes. En plus, nous donnerons tous les mois, 10% de notre salaire à la population de Marcory pour les projets », promet la liste CAP UDD dans la commune de Marcory à Abidjan tel que relayé par la télévision nationale le 12 décembre dernier dans son émission «Législatives du Lundi 12 Décembre 2016 ». La candidate RHDP de Sakassou promet, elle, se défaire de son salaire pour financer les projets de ses administrés. « Cette candidature pour servir le peuple Walèbo, cette candidature pour sortir les femmes et les jeunes du désarroi dans lequel ils sont. Je me défais de mon salaire de député pour créer un fonds pour les jeunes et les femmes afin de les aider dans la distribution parce qu’elles produisent énormément de choses et pour les organiser », annonce-t-elle dans cette même tranche de RTI 1.
Karamoko Yayoro le député Rdr sortant d’Abobo estime, lui, qu’il y a une méconnaissance du rôle d’un parlementaire. « Ceux qui font de telles promesses ne savent peut-être pas le rôle du député. Il faut que les médias organisent des débats où chaque parti politique et organisation de la société civile vient exposer sur la politique et le rôle de chaque acteur politique ainsi que celui des différentes institutions. Le député a trois rôles : la représentation nationale, le vote du budget, le contrôle de l’action gouvernementale. Le député n’est donc pas un agent de développement. Il n’en n’a pas les moyens et un budget pour le faire. Il faut arrêter la vieille politique qui consiste à dire je vais faire des routes. Peut-être que par des contacts personnels, il peut le faire mais ce n’est pas de son ressort », précise-t-il avant d’inviter à la vigilance.
Dans la société civile, on ne dit pas autre chose. Selon Dr Adjoumani Kouamé, le président de la Ligue ivoirienne des droits de l’homme (LIDHO) il y a un « abus » de la population. « C’est la population qui n’est pas bien informée. Nous avons beaucoup à faire. Le poste de député n’est pas un poste de développement. Or nous constatons que tous les candidats vont promettre des ponts, des écoles. On abuse du peuple parce que le peuple ne sait pas exactement ce que doit faire un député. Un député a un rôle de représentativité vis-à-vis de sa population. Il faut par conséquent que des moyens soient donnés à la société civile pour faire des campagnes civiques afin d’aider la population à avoir une notion des rôles des institutions et des programmes d’un candidat », recommande-t-il.
1337 candidats sont en lice pour ces législatives du 18 décembre prochain pour 255 sièges à pourvoir.
Richard Yasseu
Politikafrique.info