Un pardon de pacotille

JUSTIN KATINAN KONÉ AU JOURNALISTE YACOUBA GBANÉ À PROPOS DU PARDON ET DE LA RÉCONCILIATION

Bonjour Gbané Yacouba

Merci pour ton questionnaire
Ce débat m’indispose et je préfère ne pas m’y mêler maintenant.

Il y a des choses que je n’accepte jamais dans ma vie et quand ces choses se présentent à moi, je préfère m’en tenir loin. J’ai appris de ma culture qu’il y a des pardons qui sont, en eux-mêmes, offensants ; et au lieu de guérir, ils aggravent la peine.

Quand le pardon n’est pas sincère, quand il est dirigé par une recherche d’intérêt personnel, il devient offensant pour celui à qui il s’adresse.

Pourquoi demander pardon quand l’on a raison. Ils ont pris les armes pour, disent-ils, corriger une injustice dont ils étaient victimes, ils ont réussi leur entreprise et ils se partagent les dividendes entre eux, mais pourquoi veulent-ils demander pardon à celui qu’ils continuent de présenter comme le responsable de toute leur misère antérieure au point de lui infliger, à son tour, la pire forme d’humiliation.

Je continue de lire leurs déclarations dont certaines datent d’à peine quelques mois seulement dans lesquelles ils sont heureux de l’harmonie qui règne dans le pays grâce au succès de leur entreprise, laquelle harmonie se manifeste, entre autres, par la tolérance du port du boubou naguère interdit par Laurent GBAGBO, de la rupture collective du jeûne, également prohibée sous la dictature « exclusionniste » du même homme sans cœur qu’est le Président Laurent GBAGBO; alors d’où vient que l’on veuille aller lui demander pardon là où l’on a contribué à l’enfermer afin de vivre toute l’harmonie retrouvée.

Quelle est la valeur de ce pardon que l’on sert urbi et orbi entre les protagonistes d’un même conflit sans distinction entre les bourreaux et les victimes. Il y a évidemment du faux dans une telle démarche.

Je l’ai dit et je continue de le soutenir, la crise ivoirienne n’est pas une simple crise électorale. C’est une crise de valeurs sur fond de crise idéologique. On n’en sortira pas sans la reconversion de certaines contre-valeurs érigées en valeurs. Nous ne réussirons pas cette reconversion des contre-valeurs en gardant toute la laideur morale passée.

L’adoration de l’hypocrisie au nom d’une forme du politiquement correct en fait partie. Si nous voulons changer notre société, évitons d’importer du passé cette idolâtrie du mensonge et de l’hypocrisie. Ayons le courage de rompre avec notre passé surtout celui qui nous a le plus fait de mal.

Tant que les animateurs de la rébellion ne confesseront pas publiquement qu’ils ont pris les armes pour mettre, vaille que vaille depuis 1990, un homme au pouvoir, non je ne croirai jamais à leur pardon.

Tant qu’ils n’admettront pas qu’ils ont instrumentalisé une partie de la population à coups de mensonge à cette seule fin, non, pour moi, leur pardon restera une farce de mauvais goût.

Tant, enfin, qu’ils ne diront pas qu’ils se sont coalisés contre Laurent GBAGBO parce que selon eux, de par ses origines, il ne méritait pas de diriger ce pays, non je ne les croirai pas. C’est le pré requis avant toute tentative de réconciliation.

Sur cette question, je suis prêt à assumer ma divergence, y compris, le cas échéant, avec la personne pour laquelle j’ai le plus grand respect et la plus grande admiration actuellement: le Président Laurent GBAGBO. Je suis même prêt à être exclu du FPI si ce débat-là est biaisé pour quelque raison que ce soit. Je ne suis pas en train de vivre l’exil pour que l’on se moque de ma petite intelligence.

Il me semble juste que celui qui demande pardon et celui à qui ce pardon s’adresse s’entendent sur la nature de l’offense qui fait l’objet du pardon sollicité.

Si, par exemple, une tierce personne tue, de façon préméditée, un parent proche et qu’il nie les faits en les présentant comme un simple accident, le pardon qu’il sollicite de ma part devient une insulte qui aggrave ma peine.

Le supplice inacceptable imposé au Président Laurent GBAGBO ne peut et de ne doit, en aucun cas, servir d’échelle courte à ceux mêmes qui le lui infligent pour assouvir leurs petites ambitions. Cette façon de faire est tout simplement immorale.

Nous n’allons pas rafistoler le tissu social à coups d’hypocrisie. On ne construit pas du solide dans le mensonge et dans l’hypocrisie. Nous n’allons pas léguer un pays sans âme à nos enfants.

Que les Robins des Bois finissent le travail qu’ils ont commencé et nous laissent tranquilles avec nos âmes de mauvaises personnes. Quand ils auront fini de dire au monde que ce qu’ils ont servi à leurs officines de propagande anti Gbagbo était faut et ne visait que la prise de pouvoir y compris par les armes, alors nous pourront parler de pardon et de réconciliation.

Avec tout le respect que je te dois et que je dois à l’ensemble de la presse, merci de ne pas m’associer à ce débat. Je crois qu’on peut faire la politique dans l’honnêteté. C’est ma foi, même si d’autres la trouvent candide.

Très sincèrement.

Justin KATINAN KONÉ

Avec Alexis Bayoro Gnagno