L’inter publie une interview su Président d’EDS

Monsieur le Président, malgré le boycott d’EDS, le « rapport final du dialogue politique » sur la CEI, a été signé, mercredi 26 juin 2019, par le gouvernement, des partis politiques et des organisations de la société civile. Ne craignez-vous pas que la politique de la chaise vide vous crée plus de désagréments dans un avenir proche qu’elle ne vous aide à régler les problèmes posés ?

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– Je tiens tout d’abord à vous remercier pour l’opportunité que vous m’offrez de m’adresser à la population Ivoirienne…
Je dois vous dire qu’il n’a Jamais été question pour EDS de pratiquer la politique de la chaise vide comme vous l’entendez.  Je rappelle que depuis sa création le 20 Avril 2017, la plateforme politique EDS n’a eu de cesse d’interpeller les tenants actuels du pouvoir sur la nécessité d’ouvrir des discussions politiques inclusives avec l’opposition et la société civile en vue de doter notre pays d’un organe électoral consensuel, crédible et véritablement indépendant;
Et je vous confie aussi que c’est pour amplifier cette interpellation, que nous avons lancé à l’issue du premier meeting que nous avons organisé à la place CP1 de Yopougon le 17 Mars 2018, un appel à une marche pacifique le 22, mars 2018, pour réclamer ce dialogue et protester,dans le même temps, contre la forme actuelle de la Commission Électorale Indépendante (CEI).Nous considérons que cette CEI est inféodée au gouvernement.
Je rappelle que déjà en 2012, l’ONU recommandait sans succès au gouvernement d’organiser les élections dans un cadre consensuel avec un organe électoral tout aussi consensuel .Le 18 Novembre 2016,la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP)condamnait l’Etat de Cote d’Ivoire à reformer la loi électorale du 18 juin 2014.
Mais contre toute attente, alors que nous avions toutes les autorisations, notre marche pacifique a été brutalement réprimée alors qu’elle n’avait véritablement pas encore débuté. On a dénombré de nombreux blessés dans nos rangs et plusieurs arrestations au nombre desquelles celle du porte-parole principal de EDS d’alors, monsieur TCHEIDE Jean Gervais .
Par la suite, dans un esprit de cohérence, nous nous sommes abstenus de participer à toutes les élections organisées par la CEI actuelle pour ne pas être complice d’une quelconque forfaiture.
Nous n’avons pas eu tord au regard des nombreux blessés et morts enregistrés au cours des dernières élections.

C’est pourquoi nous avons salué l’initiative bien que tardive du gouvernement d’ouvrir le 21 janvier dernier, le dialogue politique que nous avions appelé de tous nos vœux.
Nous avons effectivement participé aux deux premières rencontres a la Primature, où nous avons dénoncé la forme et le fond des discussions car là où l’arrêt de la CADHP parle de réforme, le gouvernement parle de recomposition .Par ailleurs nous avons souhaité une concertation élargie tripartite, pouvoir, opposition et société civile.
Le gouvernement a préféré mettre en place un comité technique restreint entre le pouvoir et l’opposition d’une part et entre le pouvoir et la société civile d’autre part. La rencontre tripartite devrait intervenir par la suite. Nous nous sommes engagés non sans avoir réclamé au préalable avant tout autre réunion, les termes de référence(tdr) des rencontres;le pouvoir a promis à la séance du jeudi 4 avril 2019 de nous mettre à disposition ces tdr avant de convoquer les prochaines réunions. Malheureusement jusqu’à ce jour, les termes de référence en question ne nous sont toujours pas parvenus et nous avons constaté que faisant fi de nos observations, le gouvernement a continué les échanges avec « son opposition «  ,tout en prétendant que nous refusons obstinément de participer a ces échanges …

Quelle a été votre réaction face à ces accusations?

De vous à moi, est-il possible d’aller à une rencontre de cette importance sans au préalable savoir ce sur quoi on plancherait?
En tout état de cause, fidèle à la philosophie du « asseyons nous et discutons » de notre référent politique, le Président Laurent GBAGBO, nous invitons le pouvoir à poursuivre le dialogue politique avec l’opposition significative pour obtenir une CEI consensuelle, afin de garantir des élections transparentes libres et régulières et ce dans l’intérêt supérieur des ivoiriens qui aspirent profondément à la Paix non pas la PAIX par les armes mais la Paix véritable, la Paix des cœurs et des esprits. Souvenez vous aussi que le mercredi 19 Juin 2019, au moment où le gouvernement tenait une réunion dite séance plénière de restitution des travaux,nous, nous animions une conférence de presse conjointe avec le PDCI-RDA, le groupe des 23 partis politiques d’opposition et LIDER pour expliquer non seulement notre absence à ladite séance plénière mais aussi pour montrer aux yeux de la nation le manque de sincérité du pouvoir dans la démarche avec l’opposition significative. Voila où nous en étions jusqu’à ce que vous m’informiez que le pouvoir aurait signé un accord avec une certaine opposition sur la recomposition de la CEI. Mais ce que vous devez retenir, c’est que EDS participera aux échéances électorales de 2020 parce que nous userons de tous les moyens démocratiques et légaux de lutte pour avoir une CEI réformée conformément à l’arrêt de la CADHP et au souhait de la grande majorité des Ivoiriens .

Recevant les sénateurs RHDP, lundi 24 juin 2019, le président Alassane Ouattara a invité l’opposition à «bien lire les recommandations» de la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) au sujet de la CEI. Pour lui, la CADHP demande un meilleur équilibre de l’institution pour mieux représenter la société civile.

Que dites-vous sur cette position du chef de l’État ?

– Cette position du chef de l’Etat pourrait trouver des réponses à trois niveaux:

Premièrement, sans être un juriste chevronné, je crois savoir qu’il y a un principe général du droit qui dit que nul n’est censé ignorer la loi. Et en la matière vous n’êtes pas sans savoir qu’ une Cour de justice ne fait pas de recommandation, elle rend plutôt un arrêt.
Il est aussi bon de savoir qu’un arrêt est toujours contraignant et en l’espèce l’arrêt de la CADHP stipule « …ordonne à l’Etat défendeur de lui soumettre un rapport sur l’exécution de la présente désicion dans un délai raisonnable, qui dans tous les cas, ne doit pas exceder une année à partir de la date du prononcé du présent arrêt … », en d’autre termes cette réforme aurait dû se faire avant le 19 novembre 2017 . Juridiquement parlant ce ne serait pas excessif de ma part de dire que la CEI actuelle est frappée d’illégalité et aurait dû être dissoute depuis cette date.

Ensuite je vous rappelle que la réforme de la CEI réclamée depuis des années par le FPI et les partis d’opposition dans leur ensemble, mais aussi par la société civile et la population est une exigence que commande l’intérêt national.
L’arrêt de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples fait, en effet, injonction à la Côte d’Ivoire de procéder à la « Modification de la loi portant création, organisation, composition et fonctionnement de la Commission Electorale Indépendante », une véritable réforme de la CEI, au motif que la loi du 18 juin 2014 a institué un organe électoral non indépendant et non impartial qui viole le droit des citoyens à choisir librement leurs représentants.

Au terme du procès, la Cour a ordonné à L’Etat de réformer la loi sur la CEI pour la rendre conforme aux normes internationales et particulièrement aux différents traités et accords Africains signés par la Côte d’Ivoire.

Au total la lecture approfondie de l’arrêt de la CADHP nous donne donc de comprendre que le gouvernement ne veut intervenir que sur un pan de la loi numéro 2014 -335 du 18 juin 2014 portant création, organisation, composition et fonctionnement de la CEI ,dont la CADHP ordonne la modification .
Vous comprendrez aisément donc que nous ne pouvons pas accepter que l’Etat de Cote d’Ivoire ne nous parle que de la recomposition de la CEI alors que les autres composantes de la loi sont laissées pour compte!
N’oublions surtout pas que l’arrêt de la CADHP fait référence dans son dispositif à plusieurs engagements internationaux ratifiés par la Côte d’Ivoire, à savoir l’article 17 de la charte Africaine sur la démocratie, l’article 3 du protocole de la CEDEAO sur la démocratie ,l’article 13(1) et (2) de la charte Africaine des droits de l’homme et des Peuples, l’article 10(3) de la charte Africaine sur la démocratie, l’article3(2)de la charte Africaine des droits de l’homme et des Peuples et l’article 26 du pacte international relatif aux Droits civils et Politiques.
Cela fait beaucoup de références, me direz vous, mais sincèrement je vous invite à les lire pour comprendre qu’il ne s’agit point uniquement de la recomposition de la CEI dans l’arrêt de la CADHP, mais plutôt de la réforme en profondeur de la CEI, qui implique aussi tout l’environnement juridique, institutionnel et sécuritaire des élections .

Que ferez-vous, si comme cela se dessine, la nouvelle CEI n’enregistrait pas la participation d’EDS ? Irez-vous aux élections dans ces conditions ?

Écoutez, au risque de me répéter, la répétition étant du reste pédagogique, je peux vous affirmer avec force et conviction que EDS mettra tout en œuvre pour que la CEI soit reformée et elle sera reformée parce que le peuple Ivoirien le souhaite et comme le dit si bien notre référent politique, le président Laurent GBAGBO, « seul le peuple doit être notre boussole » .
Nous allons continuer de mettre la pression et vous constatez avec nous que nous avons été rejoint dans notre combat par le PDCI-RDA, le groupe des 23 partis politiques de l’opposition et LIDER.
La Côte d’Ivoire a grandement besoin d’une élection crédible, juste et transparente afin de lui garantir la Paix et la stabilité dont elle a besoin pour son développement harmonieux.

La plateforme a entrepris plusieurs rencontres, aussi bien sur le plan local que sur la scène internationale. On a notamment en mémoire une récente rencontre entre EDS et des élus de la France Insoumise à Paris. A quoi répondent ces différentes rencontres ?

Globalement, il faut dire que cette rencontre au palais Bourbon, ce haut lieu d’expression de la démocratie et de la représentation nationale française, s’inscrit dans le cadre d’une série de rencontres que nous avons programmées à l’international et qui visent trois objectifs principaux:
-Faire comprendre aux uns et aux autres que EDS est une structure qui ne s’interdit aucun contact avec l’extérieur et surtout pas avec la France comme certains auraient pu le croire.
– Expliquer la situation réelle de la Côte d’Ivoire après la crise postélectorale de 2010 afin de mieux se projeter sur les élections à venir de 2020. Toute chose qui nécessite l’analyse de plusieurs thématiques comme la situation des prisonniers politiques ,la situation des exilés, les massacres à l’ouest, l’impunité, la corruption ,le « rattrapage ethnique », les questions des droits de l’homme, la situation de l’école, les dysfonctionnements du système sanitaire, le contexte économique désastreux, la fraude sur l’identification, le désarmement inachevé, la réforme en profondeur de la CEI, les enjeux d’une vraie réconciliation nationale…
-Militer pour le retour rapide en Côte d’Ivoire du président Laurent GBAGBO, le seul qui peut nous conduire à une véritable réconciliation nationale pour une paix durable .

Il est annoncé une rencontre à Bruxelles entre votre référent politique, Laurent Gbagbo, et le président du PDCI, Henri Konan Bédié. Confirmez-vous cette entrevue ?

Le président BEDIE a envoyé à Bruxelles une mission conduite par le Secrétaire Exécutif du PDCI, le Professeur Maurice KAKOU GUIKAHUE vers son frère le Président Laurent GBAGBO qui, lui a envoyé en retour, à Daoukro le Docteur ASSOA ADOU Secrétaire Général de son parti politique, le FPI .

Nous même à EDS, nous travaillons avec le PDCI-RDA sur des sujets importants tels que la CEI et l’identification, eh bien je ne serai pas surpris de voir ces deux grands leaders se parler le plus rapidement possible;
En tout cas c’est mon souhait et celui de l’immense majorité des Ivoiriens.
C’est le lieu de lancer un appel au chef de l’Etat actuel pour qu’il s’inspire de notre référent politique, le président Laurent GBAGBO qui en son temps, n’avait pas hésité à réunir autour d’une même table les principaux leaders pour tenter de trouver des solutions viables à la crise politique qui prévalait. Je considère que si nous voulons aller à une réconciliation vraie, il est impérieux d’entrevoir un dialogue direct à Abidjan entre tous ces acteurs politiques.

L’Assemblée nationale a voté, mercredi 26 juin, le projet de loi instituant la Carte nationale d’identité et biométrique. Pour acquérir la nouvelle carte, l’Ivoirien devra payer un timbre fiscal de 5000 f cfa. Plusieurs de vos compatriotes s’offusquent du caractère payant de la CNI. Quelle est votre position ?

– Je dois dire que la question de l’identification et donc de la CNI s’analyse d’une part, du point de vue de l’opacité qui est entretenue autour du choix, de la crédibilité du nouveau partenaire de l’Etat et du renouvellement de la base de données. C’est à dire est-ce que les nouvelles CNI seront éditées à partir de la base de données existante? Ou allons-nous vers une nouvelle base de données qui ouvrirait à Notre avis, la porte à une fraude tout azimut ? Nous sommes en droit d’attendre des éclairages de l’Etat sur ces points précis.

D’autre part, c’est vraiment scandaleux de constater que le gouvernement s’inscrit dans la logique de faire payer 5000fcfa aux populations pour acquérir la CNI, quand on connait les difficultés qui sont les siennes pour joindre les deux bouts. Je crois qu’il faut éviter d’en rajouter aux problèmes de ces populations qui dans l’ensemble vivent des moments difficiles depuis ce triste matin d’avril 2011;
A ce propos d’ailleurs, le président Laurent GBAGBO avait à l’époque pris un décret pour rendre la CNI gratuite. Vous avez donc face à vous de façon caricaturale la vision politique des deux régimes.

Votre leader, Laurent Gbagbo, est en liberté conditionnelle à Bruxelles, après avoir été acquitté en première instance par la Cour pénale internationale. Le voyez-vous jouer un rôle lors de la présidentielle de 2020 ? Lequel ?

– La Côte d’Ivoire a d’abord besoin d’une réconciliation nationale vraie car voyez-vous les différents conflits inter communautaires que nous constatons ça et là et leur corolaire de décédés, de blessés,des degâts materiels et de déplacés nous interpellent sur le fait que le pays a d’abord besoin de se parler à lui-même pour résoudre tous les problèmes qui se poseraient avant d’aller à une quelconque élection. Et pour ce faire, la preuve est faite chaque jour de ce que le président Laurent GBAGBO est incontournable dans ce processus. Nous voulons pour preuve le nombre et la qualité de ses visiteurs d’abord à la Haye puis à Bruxelles ,pour se rendre compte de ce que ce sont toutes les régions, les religions, les obédiences politiques ,les ethnies, les cultures de ce pays, en un mot toutes les composantes de la population qui espèrent son retour au pays afin de détendre le climat sociopolitique de plus en plus délétère et inquietant.. Pour paraphraser feu le président Abou Dramane SANGARE de regrettée mémoire, je dirai que le président Laurent GBAGBO est «le chainon manquant de la réconciliation vraie en Côte d’Ivoire ». Au vue de tous ces éléments, je suis tenté de vous dire, et c’est une lapalissade, que le président Laurent GBAGBO jouera un rôle en 2020 puisqu’il est évident que le microcosme politique Ivoirien est suspendu à ses faits et gestes.
Maintenant quant à savoir lequel des rôles il jouerait, je crois qu’il est un peu tôt pour en parler, il faut d’abord qu’il revienne le plus rapidement possible sur la terre de ses ancêtres, ce à quoi nous nous préparons, parce que profondément convaincus et confiants en un dénouement heureux.

Quelle signification donnez-vous à l’acte de la ministre Kandia Camara qui s’est rendue à Blouzon sur la tombe de la mère de Laurent Gbagbo ?

– Vous savez, la réconciliation nationale n’a pas besoin de folklore ou de subterfuge. Je crois qu’il faut creuser un peu plus dans la direction d’ouvrir réellement le dialogue entre Ivoiriens .
Pour ma part, la réconciliation nationale vraie débutera réellement lorsque le président Laurent GBAGBO en véritable artisan de paix, après huit années passées injustement en prison, foulera le sol Ivoirien pour prôner sans haine et sans rancune, les valeurs de dialogue, de pardon, de solidarité et de fraternité pour sauver la Cote d’ivoire notre patrimoine commun.

Source: #LequotidienInter