Mis en ligne par connectionivoirienne   | jeudi 7 Sep 2017
    comme les grues, le pays avance…vers l’abime

    Plus rien n’arrête Anne Désirée Oulotto, la ministre de la salubrité et de l’assainissement cyniquement surnommée ‘’Maman Bulldozer’’. Après les opérations de 2011 à 2012, puis 2016, revoici ses bulldozers à l’assaut des installations dites anarchiques dans des quartiers de la commune de Yopougon.

    Ces déguerpissements censés redonner aux communes ivoiriennes leur aspect salubre d’antan se muent plutôt en opération d’accentuation de la pauvreté avec la disparition des petits commerces et étals de ceux qui n’ont pu trouver de places sur les marchés. Aujourd’hui, il est difficile d’avancer des chiffres mais les conséquences de ces déguerpissements sont désastreuses : perte d’emplois pour des centaines de jeunes et de femmes, renchérissement des loyers de magasins, perte de clientèle pour les grossistes du secteur de la distribution, crise de la petite monnaie, insécurité liée au chômageMais rien n’attendrit la ministre qui use d’une fermeté démesurée.

    Après Yopougon Terminus 40 fin août, c’était au tour de la zone de Yopougon Siporex de subir son lot de dégâts et de fracas des machines à démolir. D’autres secteurs de la même commune ont reçu des mises en demeure et les démolitions ne vont pas tarder.

    Ces destructions de constructions dites anarchiques ne sont pas le problème de fond. Parce que, après des années de laisser-aller du fait de la crise, le temps était venu de redonner plus de clarté à nos villes, d’y renforcer l’autorité de l’Etat et d’y faire régner l’ordre qui commence par le respect du domaine public. Seulement, cette opération est mal pensée, mal menée sur le terrain et donc forcément nocive et perçue comme du mépris pour les commerçants ainsi humiliés. Selon des informations que nous recueillons auprès des déguerpis, il n’existe aucune action de recasement ni de compensation financière.

    Comme si l’objectif était de démolir et faire mal, le volet assainissement et embellissement qui devait accompagner les démolitions, ne suit jamais. Sur les sites traités, c’est l’état du chaos, les ruines comme sur un champ de bataille. Souvent ce sont les malheureux déguerpis eux-mêmes qui tentent, le cœur meurtri, de faire le nettoyage pour se réinstaller à l’air libre faute de moyens pour trouver des lieux pour propices à leur métier.

    L’on aurait compris le bienfondé de la chose si pendant ce temps, des communes plus insalubres comme Abobo et Koumassi n’étaient pas épargnées. Anne Oulotto avait essuyé en 2012 la colère des commerçants d’Abobo qui lui ont donné des sueurs froides quand elle a voulu actionner ses bulldozers. Elle a dû se réfugier dans les bureaux de la mairie avant d’en être exfiltrée par les forces de l’ordre. Elle n’y a pas remis les pieds jusqu’à ce qu’elle change de portefeuille au gouvernement et qu’elle revienne encore à la salubrité urbaine
    Ce mercredi 6 septembre 2017, à Yopougon, la police a dû user de gaz lacrymogène pour disperser des commerçants en colère. Des unités de l’armée bien équipées ont été mobilisées. Ce qui fait dire à un confrère qu’il y a un usage disproportionné de la force publique. La lutte contre les microbes à ses yeux ne requiert pas la même détermination de l’Etat. Brutal et prompt quand il s’agit de frapper les pauvres, indolent et en manque d’imagination quand il s’agit de lutter contre l’insécurité.

    SD à Abidjan
    sdebailly@yahoo.fr