Déguerpissement sans relogement, un de plus !!!

Par Jean-Claude Djereke

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Il y a quelques jours, des vivants, c’est-à-dire des personnes pas encore mortes, ont dû abandonner maisons et biens pour partager le même territoire que des morts. Cela se passe à Port-Bouët. Qui l’eût cru? En tout cas, pas Madame Hortense Aka Anghui qui doit se retourner dans sa tombe. Elle doit se demander, de là où elle se trouve, pourquoi la vie de ces gens a basculé du jour au lendemain. Et ceux qui communiquent avec les morts lui répondront: Parce que Dramane a exigé leur déguerpissement, parce que son gouvernement leur a demandé, sans préavis et sans l’assurance d’un nouveau toit, de quitter le quartier dans lequel certains d’entre eux sont nés et ont grandi.

Livrés désormais aux caprices du vent et de la pluie, exposés aux moustiques et aux maladies de toutes sortes, ces malheureux pères et mères de famille ne sont cependant pas inconnus du RDR ni du président d’honneur de ce parti. En effet, et c’est l’une des choses qu’ils ont en commun avec les délogés de Cocody Danga, de Gobelet et de Washington, ce sont eux qui ont battu campagne, bataillé, blessé, insulté, voire tué pour que Dramane Ouattara soit au pouvoir.

Ils l’ont soutenu et défendu, bec et ongles, parce qu’ils le considéraient comme un des leurs, parce qu’ils croyaient avec d’autres ressortissants de la CEDEAO que l’Éburnie était un no mans’s land ou bien appartenait à tout le monde. Ils le croyaient dur comme fer, tout comme ils étaient persuadés que leurs parents avaient construit ce pays, sué eau et sang pour qu’il soit ce qu’il est aujourd’hui.

Pour eux, si ADO, leur “frère”, arrivait au pouvoir, ce serait la fin de leur galère dans ce pays où coulent le lait et le miel. Tout cela, ils le croyaient vraiment et se croyaient intouchables jusqu’à ce maudit jour où des bulldozers rasèrent leurs pauvres habitations. Ils comprirent alors que la méchanceté ou la bonté n’est pas forcément là où on l’imagine et que l’homme en qui ils avaient mis leur confiance n’était guère différent des politiciens menteurs et sans cœur.

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Je les ai vus dans mon rêve de la nuit dernière, ces hommes et femmes chassés manu militari d’Abattoir. Ils avaient encore les yeux hagards et avaient été rejoints dans le cimetière de Port-Bouët par les déguerpis de Washington, de Cocody Danga et de Gobelet. Tous disaient avoir perdu leurs illusions sur ce faux-frère et sur une Côte d’Ivoire réconciliée.

Alors que des femmes essayaient tant bien que mal de calmer leurs rejetons tenaillés par la faim ou la soif, un homme monta sur une tombe. Il demanda le silence avant de livrer le discours suivant: “’D’abord, nous devons reconnaître notre tort d’avoir laissé un individu ingrat et cruel nous manipuler et nous opposer à des gens qui nous ont ouvert leurs portes et leurs cœurs; ensuite, nous devons savoir que ni les pleurs, ni les lamentations ne nous ramèneront ce que nous avons perdu. Si nous voulons sortir vite de cet endroit, il nous reste une seule chose à faire: nous solidariser avec tous ceux que ce régime a frustrés, dépossédés, humiliés ou persécutés. Nous-mêmes, malgré tous les sacrifices consentis, nous avons été traités comme des moins que rien; c’est en monnaie de singe que nous avons été payés. Qu’avons-nous encore besoin de preuves pour admettre que ce régime est violent et inhumain et qu’il mérite d’être dégagé le plus tôt possible?”

Jean-Claude Djereke