Une réforme hospitalière qui livre la « santé » des Ivoiriens au secteur privé
Le Conseil des Ministres du mercredi 13 mars 2019 a adopté un projet de loi portant réforme hospitalière. Cette réforme repose sur la création d’une nouvelle catégorie d’Établissement Public dénommé « Établissement Public Hospitalier » (EPH), suivant un mode de gestion privée.
Nous posions, hier, la question de savoir si cette réforme a été introduite dans la gestion hospitalière par les autorités de la Côte d’Ivoire comme réponse à l’attente exprimée par l’État français dans le cadre de la Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Cette loi dite Loi Macron mentionne à l’article L. 6145-7 du code de la santé publique (CSP) « la possibilité pour les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) de la France de prendre des participations dans des sociétés commerciales et de créer des filiales pour assurer des prestations de services et d’expertise au niveau international »?
Il ne faut pas être devin pour savoir qu’il y a une forte probabilité que les CHU ivoiriens de gestion privée deviennent des «succursales» des CHU français. A titre d’illustration, le 15 mars 2017, AP-HP International, filiale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), a vu son offre d’accord-cadre ainsi que de contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage adoptée par le Conseil des Ministres du Bénin pour un projet concernant la construction d’une infrastructure sanitaire de référence, de niveau CHU. Nous reconnaissons le savoir-faire français en matière de soins, d’accueil et de prise en charge des patients. Là n’est pas le problème. Mais nous estimons que les échanges peuvent continuer à s’effectuer dans le cadre de coopérations internationales car la privatisation de la santé et du système hospitalier est une «coquetterie» que ne peuvent se permettre nos pays à faible revenu, où près de la moitié de la population vit en dessous du seuil de pauvreté.
La deuxième réflexion que m’inspire ce projet de réforme est si, à termes, elle permettra de résoudre le problème de l’équité dans l’accessibilité financière des populations aux soins de santé. On se souvient, qu’au lendemain des indépendances, les gouvernements successifs ivoiriens avaient adopté la gratuité des soins dans les structures sanitaires publiques comme fondement d’une politique sociale des plus «hardie». Malheureusement, la crise économique des années 80 et les plans d’ajustement structurels imposés par les Institutions de Bretton Woods (FMI et Banque Mondiale) avaient gravement remis en cause cette gratuité et l’État, n’ayant plus de ressources suffisantes pour assurer le financement du secteur de la santé, a dû se plier à la politique de recouvrement des coûts à travers la participation des populations à la prise en charge de leurs frais de santé. Cette politique de recouvrement des coûts de santé connue sous le nom de l’Initiative de Bamako a été conçue par l’Unicef et l’Oms en 1987 d’abord pour le recouvrement du coût du médicament, et ensuite, en 1994 pour le recouvrement généralisé des coûts de santé. Mais l’Initiative de Bamako, inspirée principalement par le souci d’améliorer l’offre de soins publique et d’impliquer les populations à la gestion du système, va, bien au contraire, contribuer à éloigner davantage les populations, notamment les plus démunies, des structures sanitaires, et à aggraver la dégradation continue de l’offre de soins publique. L’Initiative de Bamako n’a, en définitive, pas permis, contrairement aux attentes, de générer suffisamment de ressources pour dynamiser les activités du secteur de la santé. En 2001, le gouvernement de Côte d’Ivoire sous la houlette du Président Laurent Gbagbo avait émis de sérieuses réserves sur cette politique et proposé en lieu et place un dispositif d’assurance maladie universelle qui préconise, dans une optique de justice sociale, une prise en charge collective et solidaire des frais liés à la maladie et à la maternité (partage du risque). On connaît la suite: l’AMU a été combattue, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays…
Aujourd’hui, tirant (enfin) leçon de l’échec de l’Initiative de Bamako, la Côte d’Ivoire s’est, à l’instar des autres pays d’Afrique subsaharienne, engagée sur la voie de la couverture maladie universelle. Ce, dans la continuité des conclusions du G20 de Cannes en novembre 2011 où l’Assemblée Générale des Nations Unies a, à l’initiative de la France, adopté le 12 décembre 2012 une résolution en faveur de la Couverture Sanitaire Universelle (CSU) dans les pays du Sud.
Mais où en est-on avec le projet de la CMU? Notre pays a-t-il raté le virage par manque de vision et de stratégie d’approche? Alors que nous nous interrogions en toute légitimité sur cette situation désastreuse, le gouvernement sort de sa botte secrète, la réforme sur la privatisation des CHU. Ne courrons-nous pas vers un nouvel échec, à l’instar de toutes les initiatives antérieures inspirées, conçues et imposées par l’extérieur? Nous préconisons un débat ouvert sur la question dans une approche participative et consensuelle impliquant tout le corps social car, avec cette réforme, c’est le pronostic vital du service de soins public qui est engagé.
Ohouochi Clotilde Yapi, ancienne ministre de la santé
CHU: MA DERNIÈRE PUBLICATION
Certains qui ne mesurent pas le danger plaisantent avec cette histoire mais je vais expliquer comme à des gamins ce qui va se passer.
Le modèle économique sera vraisemblablement le même que celui de l’hôpital mère et enfant de Mme Ouattara. Certains ne le savent pas mais non seulement M. Ouattara a donné notre argent à son épouse pour construire sa clinique privée mais en plus, tout le personnel médical de la clinique est composé de fonctionnaires ivoiriens. C’est à dire que sous le prétexte que cet hôpital ferait du social, on y a injecté environ 2 milliards mais en plus, c’est nous qui payons les salariés de la dame tandis qu’elle empoche les bénéfices. Dites moi si les prix pratiqués dans cet endroit sont des prix sociaux…
Avec la nouvelle décision du gouvernement voici ce qui va se passer dans nos CHUs. Si le CHU de Cocody n’a pas le matériel nécessaire pour faire les dyalises, l’état au lieu d’équiper l’hôpital va confier ce pan de la santé à des privés. Ça peut être le cas aussi pour le traitement du cancer, de la prise en charge des grands brûlés, etc.
On va donc faire appel à des privés, on va payer les fonctionnaires qui vont travailler pour eux et ils seront dans les locaux de nos hôpitaux, exonérés de tous les impôts et autres. En contrepartie on leur demandera peut être de pratiquer des prix 10% moins chers que dans les cliniques de la place.
Ainsi lorsque vous entrez au Chu de Cocody pour faire votre dialyse, vous croirez solliciter le service public mais en réalité, vous allez atterrir dans une clinique privée et votre facture sera très salée.
Je vous invite à copier et garder cette publication à portée de main. Nous en reparlerons dans quelques mois.
#ÉpiCèTout
#Accélération,
Kyria Doukouré
Hier, le Conseil des ministres de Côte d’Ivoire a annoncé un projet de loi qui bouleversera radicalement le paysage sanitaire national. En gros, il ouvre la voie à la privatisation des Centres hospitaliers et universitaires, par le biais de concessions de service public — un peu comme cela a été le cas quand Alassane Ouattara était Premier ministre et qu’il a fallu transférer au copain Martin Bouygues les services publics de l’eau et de l’électricité.
– Il n’y a pas une autre manière de comprendre le communiqué du Conseil des ministres, quand il évoque “un modèle de gouvernance” qui garantit “la participation des établissements hospitaliers privés au service public hospitalier, tout en préservant son caractère social”.
– Ce schéma conforte le modèle économique de l’hôpital (privé) mère enfant de Bingerville, subventionné par l’Etat au nom d’une mission sociale dont la Fondation de Dominique Ouattara fixe toute seule les contours.
– Il y a fort à parier que comme lors de l’ouverture au privé de l’audiovisuel, la “famille régnante”, tout aussi active dans les médias que dans le business médical, s’octroiera la plus grosse part de ce nouveau gâteau.
– Depuis qu’il a pris le pouvoir, le “clan” a construit ex nihilo, via Christian Delmotte, l’ex-conseiller médical de Ouattara, ce qui est aujourd’hui le plus gros conglomérat de cliniques privées du pays (HMAO), aux côtés du capital-investisseur Amethis, qui place notamment les sous de la Caisse nationale de prévoyance sociale — dont on imagine qu’elle ne peut rien refuser au “boss”.
– L’ambition est donc de devenir le leader écrasant du marché de la santé. Dès lors, on peut imaginer que nos “libéraux” au pouvoir deviendront les plus fervents avocats de l’Assurance maladie universelle — avec des cotisations qui seront substantielles et non les 1000 FCFA par individu de la propagande de campagne. Vous vous imaginez la belle rente, assise sur un marché qu’il sera quasi-impossible de pénétrer tant le leader sera écrasant !
– Il faut donc penser à ces gros profits pour comprendre pourquoi il est impensable pour le clan de quitter le pouvoir en 2020. Et pour imaginer jusqu’où il pourra aller afin de le garder.
Pour recevoir mes chroniques et vidéos via Telegram, cliquez ici :https://t.me/kouamouo
Je ne veux pas polémiquer, mais je lis des choses qui m’irritent, à propos de la réforme du service public hospitalier en Côte d’Ivoire. A la suite du gouvernement, beaucoup affirment qu’il ne s’agit pas d’une privatisation, et que les CHU resteront publics.
Je dirais que c’est pire que la privatisation, car comme dans le secteur de l’eau et de l’électricité, seuls les gros morceaux charnus de la « viande médicale » seront concédés à des opérateurs privés. Une unité de dialyse détenue par des privés, une unité de cancérologie détenue par un pays étranger, pourront se greffer au système hospitalier, et bénéficier d’un système de tarification à l’acte – tout comme les fournisseurs privés d’électricité bénéficient d’un prix garanti du kWh fourni, ce qui a permis un temps à Foxtrot, filiale du groupe Bouygues, d’appliquer des prix proprement indécents dans le cadre de la vente du gaz extrait du sous-sol ivoirien. C’est bien de cela qu’il s’agit quand le gouvernement parle de « mode de gestion privée » et de « participation des établissements hospitaliers privés au service public hospitalier ».
– J’attire l’attention de tous sur la réforme du code de la santé publique intervenue en France en 2015, et dont cette nouvelle loi ivoirienne pourrait bien être le pendant. Désormais, les centres hospitaliers universitaires français « peuvent prendre des participations et créer des filiales pour assurer des prestations de services et d’expertise au niveau international, valoriser les activités de recherche et leurs résultats et exploiter des brevets et des licences, dans des conditions et limites fixées par décret en Conseil d’État. »
Lors des discussions autour de cette loi, la sénatrice communiste Laurence Cohen mettait en garde le gouvernement de François Hollande : « En autorisant les CHU à créer des filiales à l’étranger, à prendre des participations dans des sociétés commerciales ou à créer leurs propres antennes à l’étranger, vous entendez mettre fin à des prétendues « rigidités françaises », qui constituent au contraire, à nos yeux, une garantie contre la privatisation de la santé et du système hospitalier. Nous nous félicitons de la reconnaissance du savoir-faire français en matière de soins, d’accueil et de prise en charge des patients. Mais nous estimons que les échanges peuvent continuer à s’effectuer dans le cadre de coopérations internationales, notamment en matière de recherche. De nombreux partenariats existent déjà, que ce soit au Vietnam ou en Algérie, pour ne prendre que ces exemples. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, ou AP-HP, y joue un rôle important. Mais, monsieur le ministre, ce n’est pas ce que vous souhaitez développer ! Vous voulez passer à une logique d’« hôpital-entreprise » à l’étranger. Au lieu de créer les conditions économiques pour renforcer notre système hospitalier public, vous allez permettre à ces établissements de se « refaire une santé » à l’étranger avec des opérations financières et commerciales ! »
Souvenons-nous qu’à l’époque des premières privatisations, ce sont souvent des sociétés publiques françaises qui ont racheté (parfois à un franc symbolique) des sociétés publiques d’Afrique francophone, avant de subir elles-mêmes la logique de privatisation.
– Voici des gens qui gèrent mal le patrimoine public, qui laissent faire des détournements monstrueux et puis qui disent « c’est mal géré, adoptons une gestion privée ».
– Mais pourquoi ne pas dans la même lancée privatiser la présidence de la République et les institutions ?
Tambou Tchagain, alias Théophile Kouamouho