Simone Gbagbo libre, des ONG s’insurgent, la CPI l’attend et le PDCI lui souhaite la bienvenue
Simone Gbagbo, l’ancienne première dame de Côte d’Ivoire, a été remise en liberté ce mercredi 8 août. Après avoir été condamnée en 2015 à 20 ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat, et incarcérée depuis sept ans, elle a été amnistiée par le président Ouattara comme 800 autres personnes impliquées dans la crise post-électorale de 2010 et 2011. Mais la libération de Simone Gbagbo n’est pas au goût de tout le monde ; des ONG de défense des droits de l’Homme dénoncent cette mesure et la Cour pénale internationale compte toujours juger l’ex-Première dame.
Libre, mais pas encore tirée d’affaire. Simone Gbagbo n’est plus en prison depuis mercredi, mais pour beaucoup elle y a encore sa place. Sa libération après sept ans d’incarcération sonne comme un danger pour l’indépendance de la justice pour Antonin Rabecq, responsable adjoint au bureau Afrique de la Fédération internationale des droits de l’Homme. Il dénonce, avec d’autres ONG, une injustice dans cette décision. « Cette libération, c’est un geste de mépris pour les victimes, parce qu’il est évidemment trop facile de leur demander de pardonner après les crimes qui ont été commis. Je pense évidemment aux crimes commis à Yopougon ou Abobo, la répression des différentes manifestations. Il y a quand même des raisons de croire que Simone Gbagbo pourrait avoir été impliquée dans ces différents crimes. Et aujourd’hui, pour ces victimes, c’est une porte qui se referme. »
« L’amnistie n’a pas d’impact sur les procédures devant la CPI »
Pour le militant, le président Ouattara a raté l’occasion mettre un terme à l’impunité de certains (ex) dirigeants comme Simone Gbagbo. « Avec cette libération, ce que le président Ouattara envoie comme message, c’est qu’on peut commettre en Côte d’Ivoire des violences, les crimes les plus graves et pour peu que l’on soit suffisamment puissant sur le plan politique, on bénéficie ensuite d’amnistie ».
Pour autant, Simone Gbagbo, malgré cette amnistie, fait toujours l’objet d’un mandat d’arrêt délivré par la Cour pénale internationale (CPI). « Il faut séparer ce qui relève de la procédure nationale où l’amnistie peut être accordée, et ce qui relève de la procédure devant la Cour pénale internationale et là toute amnistie qui pourrait avoir été accordée n’a pas d’impact sur les procédures devant la CPI », tient à préciser Fadi El Abdallah, le porte-parole de la Cour pénale internationale.
« Un élément important pour parvenir à une paix durable »
De fait, la CPI entend traduire en justice Simone Gbagbo comme son mari Laurent, actuellement en détention à la Haye. Fadi El Abdallah confirme : « La Cour s’attend à ce que le gouvernement de la Côte d’Ivoire s’acquitte de ses obligations en vertu du statut de Rome en exécutant le mandat d’arrêt contre madame Gbagbo et en la remettant donc à la CPI, parce qu’il faut respecter les obligations en vertu du droit international et parce que la justice pour les crimes qui ont été énumérés dans le statut de Rome, c’est un élément important pour parvenir à une paix durable. »
Et si la Côte d’Ivoire ne remet pas Simone Gbagbo ? La CPI n’est pas pour l’instant dans l’optique d’un lancement de procédures, mais plutôt de dialogue avec le gouvernement ivoirien. « L’attente de la CPI en ce moment, c’est vraiment de discuter avec les autorités ivoiriennes afin qu’elles remplissent leurs obligations en vertu du statut de Rome et non pas à spéculer à une situation de non-coopération. Essayons de voir comment les autorités ivoiriennes pourraient remplir ces obligations-là. »
RFI.fr
Les révélations de Médiapart
sur Ouattara est ses décisions du 6 aout 2018
Le vent tourne en Côte d’Ivoire. Lundi 6 août, le président Alassane Ouattara a annoncé l’amnistie de huit cents personnes dont Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président, libérée dès ce mercredi. Un scénario inimaginable il y a encore quelques mois.
Un magma bouillonnant et mouvant. C’est ce à quoi ressemble aujourd’hui la scène politique ivoirienne, en plein bouleversement après plusieurs années d’atonie. De manière stupéfiante, les rapports de force sont en train de changer, des alliances se désagrègent et d’autres se constituent dans un enchaînement d’événements qui semble s’accélérer. En ligne de mire, l’élection présidentielle de 2020. Et au milieu, le président Alassane Ouattara, 76 ans, et son parti, le Rassemblement des républicains (RDR), de plus en plus seuls.
Pour la première fois depuis son accession au pouvoir, en mai 2011, le chef d’État, réputé intraitable, s’est résolu à lâcher du lest. Lundi 6 août, veille de la fête de l’indépendance du pays, il a créé la surprise en annonçant qu’il allait amnistier huit cents personnes, dont trois cents en prison, poursuivies ou condamnées pour des faits liés à la crise post-électorale de 2010-2011. La majeure partie de ces détenus étaient jusque-là considérés comme des prisonniers politiques (https://www.mediapart.fr/journal/international/060816/en-cote-d-ivoire-des-centaines-de-prisonniers-politiques) par l’opposition et des organisations de défense des droits de l’homme. Parmi les bénéficiaires de cette amnistie, Simone Gbagbo, 69 ans, épouse de l’ex-président Laurent Gbagbo.
Emprisonnée depuis le 11 avril 2011, condamnée en 2015 à vingt ans de prison pour « atteinte à la sûreté de l’État », elle a été libérée dès mercredi. Elle a été accueillie par une foule en liesse au domicile familial d’Abidjan.
Plusieurs autres figures historiques de la gauche ont été libérées dans la foulée, dont l’ex-ministre Assoa Adou, 72 ans, condamné en 2017 à quatre ans de prison.
Tous les acteurs politiques (http://www.rfi.fr/afrique/20180807-cote-ivoire-reactions-classe-politique-liberation-simone-gbagb) ont salué la décision du président, contrairement à des ONG nationales et internationales : « Aucune amnistie ne devrait s’appliquer aux crimes de guerre, crimes contre l’humanité et autres graves violations des droits humains commis en Côte d’Ivoire pendant la crise post-électorale de 2010-2011 », ont-elles dit. Mais encore faut-il que la justice ait un jour pris en considération les victimes de ce conflit, qui a fait officiellement trois mille morts. Au lieu de cela, elle a été utilisée depuis 2011 pour des règlements de comptes politiques. Les ONG n’ont pas relevé qu’Alassane Ouattara n’avait pas respecté la Constitution en prenant son ordonnance d’amnistie : il aurait dû au préalable soumettre une loi au Parlement et attendre que ce dernier donne son accord.
Le chef d’État a fait une autre annonce : il a déclaré avoir demandé au gouvernement de réexaminer la composition de la Commission électorale indépendante (CEI), chargée d’organiser et de superviser les élections. Depuis plusieurs années, l’opposition demande que cet organe soit réformé, car il est contrôlé de fait par le pouvoir. En 2016, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a elle aussi jugé qu’il n’était ni impartial ni indépendant, et que l’État ivoirien violait, entre autres, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Elle ordonnait à l’État de se mettre en règle, ce que les autorités ont refusé de faire.
Alassane Ouattara n’a pas fait ces quelques concessions délibérément. Il y a été contraint. Les ambassadeurs des pays de l’Union européenne, ses principaux partenaires, ont récemment laissé fuiter un rapport confidentiel dans lequel ils dressent un bilan catastrophique de sa présidence. Ils y évoquent des autorités qui se « montrent hermétiques aux critiques internes ou externes, et semblent désireuses de ne laisser aucun lieu de pouvoir leur échapper », un pouvoir qui est « trop faible politiquement pour accepter le jeu démocratique », la « rhétorique » du RDR qui est « guerrière », une « “classe dirigeante” dont l’enrichissement (…) est parfois spectaculaire ».
Soulignant eux aussi la nécessité de revoir la CEI, ils observent que la société ivoirienne est « de plus en plus agitée par un mécontentement perceptible », y compris au sein de la population, « principalement du nord », qui le soutenait en 2010. Les diplomates affirment que « le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté a augmenté entre 2011 et 2016 », tout en s’inquiétant de la lenteur des réformes du secteur sécuritaire – l’année 2017 a été marquée par des mutineries à répétition (https://www.mediapart.fr/journal/international/280117/fron des-sociales-et-militaires-fragilisent-le-pouvoir-ivoirien).
Ouattara perd le soutien de son principal allié politique À lui seul, ce rapport accablant, dont l’Agence France-Presse (https://www.voaafrique.com/a/l-ue-s-alarme-de-la-situation-politique-et-sociale-de-la-c%C3%B4te-d-ivoire-/4510546.html) s’est fait l’écho le 2 août, est un événement et le signe d’un incroyable retournement de situation. Pendant sept ans, jamais les pays membres de l’UE n’ont émis la moindre critique publique sur la gouvernance d’Alassane Ouattara, bien que les maux dénoncés aujourd’hui aient existé dès ses débuts à la présidence – avec, en plus, d’innombrables violations des droits de l’homme.
Cela s’explique : c’est grâce au soutien politique, financier et militaire des États européens, la France en tête, qu’il a pu prendre les rênes de la Côte d’Ivoire. Il avait alors toutes leurs faveurs. En retour, il a facilité leurs affaires dans le pays. Mais, aujourd’hui, le pouvoir de celui qui fut directeur général adjoint du Fonds monétaire international est en train de s’effondrer. À tel point qu’il pourrait y avoir des conséquences sur les investissements étrangers, estiment les ambassadeurs de l’UE, qui écrivent : « L’enjeu est qu’en vue de l’échéance de 2020, les dérives constatées actuellement ne conduisent pas à de nouvelles difficultés majeures, qui seraient aussi dommageables aux citoyens ivoiriens qu’aux intérêts européens. » Ils reprochent aussi aux autorités d’être de plus en plus rétives à leurs demandes de dialogue et donc de ne plus obéir à leurs desiderata.
Condamnée en 2015 à 20 ans de prison, Simone Gbagbo a été libérée le 8 août. © Reuters Alassane Ouattara n’a pas seulement perdu le soutien des Occidentaux et du nord ivoirien. Il est aussi, et c’est lié, lâché par son principal allié politique, l’ex-président Henri Konan Bédié, qui dirige le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI-RDA). Lors de la présidentielle de 2010, les deux hommes avaient formé une coalition contre le Front populaire ivoirien (FPI) de Laurent Gbagbo. Henri Konan Bédié, 84 ans, avait appelé à voter au second tour pour Alassane Ouattara. RDR et PDCI-RDA s’étaient ensuite partagé le pouvoir.
Mais depuis quelques mois, leurs relations sont devenues conflictuelles. Le lien semble même rompu depuis que la direction du PDCI-RDA a refusé, en juin, de créer un « parti unifié » avec le RDR. Ce projet était porté par Alassane Ouattara et devait lui profiter, le RDR ayant un poids politique bien moindre que le PDCI-RDA, ancien parti unique fondé par le président Félix Houphouët-Boigny (1960-1993).
Rancunier, Alassane Ouattara a fait sanctionner des cadres du PDCI-RDA : le 1 août, le gouvernement a révoqué le maire de la commune du Plateau, à Abidjan, en violation de la loi. Le PDCI-RDA a répliqué en dénonçant une « dérive autoritaire ». Longtemps aphone, il est désormais devenu le parti qui s’exprime et critique le plus, lançant même des piques sibyllines au président. Tout en disant espérer que l’amnistie contribuera « à une décrispation de la vie politique », il a ainsi déclaré qu’il remerciait « la communauté internationale et tous les acteurs qui ont œuvré, dans le secret, pour faciliter la prise de cette décision ».
Basculant subrepticement dans l’opposition, le PDCI-RDA se rapproche aussi d’autres partis. Fin juin, Henri Konan Bédié a rencontré des membres d’un mouvement fondé par Charles Blé Goudé, l’ancien ministre de la jeunesse de Laurent Gbagbo. Un responsable du PDCI-RDA, Jean-Louis Billon, ministre du commerce de 2012 à 2015, a quant à lui rendu visite, fin juillet, à Laurent Gbagbo, 73 ans, et à Charles Blé Goudé à la prison de la Cour pénale internationale, aux Pays-Bas, où les deux hommes sont jugés pour crimes contre l’humanité.
Le PDCI-RDA sait que Laurent Gbagbo, qui jouit toujours d’une grande popularité, pourrait retrouver la liberté d’ici à quelques mois, à l’issue de l’examen de sa demande de non-lieu (https://www.mediapart.fr/journal/international/240718/l-ivoirien-gbagbo-demande-un-non-lieu-dans-son-proces-la-cpi ) déposée fin juillet. En cas de libération de l’ex-président, son parti, le FPI, très affaibli par les années de présidence Ouattara, retrouvera de la vigueur, tout comme le reste de l’opposition qui a longtemps vécu dans un climat de peur. Le pouvoir aura du mal à survivre politiquement.
8 AOÛT 2018 | PAR FANNY PIGEAUD
Jean-Louis Billon, messager de Bédié, après avoir rendu visite à Laurent Gbgabo, rencontre Simone Gbgabo
Côte d’Ivoire – Politique – Nous venons à l’instant de l’apprendre, Le ministre Jean Louis Billon rendra visite à Simone Gbagbo ce jeudi en début de soirée dans le cadre d’une visite de courtoisie au nom du président du PDCI.
Passé depuis hier mercredi 8 août à l’opposition avec la rupture d’avec le RHDP d’Alassane annoncé dans un communiqué, le PDCI veut déjà renforcer les liens avec l’ex-première dame qui jouit d’une grande influence au FPI.
Après sa viste à Laurent Gbagbo il y’a de cela quelques semaines, Jean Louis Billon va rencontrer l’ex-première dame Simone Gbagbo au nom du PDCI. Cette visite nous dit notre source est pour poursuivre la mission à lui confié par le Président du PDCI, celle de créer les conditions « d’un dialogue franc » avec le Front populaire Ivoirien (FPI).
Rue80.com
Attendons de voir la suite ………………………………DIEU protège, garde et bénisse la Cote d’Ivoire.