Sénat : le rapport caché du Pr Raoult
L’audition du Pr Didier Raoult, le 7 mai 2020 devant la commission des Affaires sociales du Sénat est passée (pratiquement) inaperçue. Pourtant, le célèbre infectiologue marseillais balance grave.
C’est un document de 62 pages intitulé : « Suivi de la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre l’épidémie de Covid-19. Rapport 8 mai 2020- Réponses au questionnaire de la commission des Affaires Sociales » du Sénat. L’interviewé s’appelle Didier Raoult. Il a été auditionné par les membres de la commission sénatoriale le 7 mai au soir par visioconférence dont on ne trouve aucune trace officielle. Il a pourtant été publié dans le média en ligne Gomet.net qui traite l’actu dans la métropole Aix-Marseille. Car ce « rapport » n’est pas (encore) public. Il est tellement confidentiel que l’audition du Pr Raoult n’apparaît ni dans l’agenda du Sénat ni dans les comptes rendus de la commission des Affaires sociales que préside Catherine Deroche, ni sur la chaine Public-Sénat. « La version officielle ne sortira pas tant que toutes les auditions ne seront pas terminées » nous précise une source au sénat. « C’est-à-dire pas avant longtemps. Peut-être jamais. C’est déjà arrivé, il y a quelques années, pour un rapport particulièrement explosif ».
« Pas de bon niveau »
Que dit le Pr Raoult de si dérangeant ? (voir le verbatim en bas de page)
A la question 1 : « Quelle évaluation faites-vous du rôle et du fonctionnement du comité scientifique chargé de conseiller le gouvernement sur la gestion de la crise liée à l’épidémie covid-19 ? Réponse : « Je ne suis pas en accord avec le fonctionnement du conseil scientifique car je pense que les décisions n’étaient pas prises sur des données objectives, sur un suivi très régulier de la bibliographie, que la proportion de gens, qui n’étaient pas scientifiques de bon niveau, était trop importante…. »
Le Pr Raoult ajoute : « Ce conseil scientifique est un dérivé du conseil reacting de l’INSERM, avec quelques représentants de l’Institut Pasteur qui ne représentent pas réellement les experts les plus performants dans le domaine des maladies transmissibles… Ce groupe évolue dans un écosystème commun avec les directions locales de l’industrie pharmaceutique…. Ils étaient formés à une autre guerre d’un autre temps. »
Conflit d’intérêts
Question : D’une manière générale, estimez-vous que les recommandations adressées par les autorités sanitaires aux professionnels de santé pour la gestion de la crise ont été suffisamment claires, pertinentes et cohérentes ?
Réponse : « Concernant les recommandations adressées aux professionnels de santé, elles ne me paraissaient pas adaptées à la situation, de même que la gestion des cas au départ, la tentative de spécifiquement trier les patients, sur le plan clinique et épidémiologique, avant de les tester ne correspond pas à une réalité médicale mais virtuelle. Enfin les recommandations ont été terriblement dangereuses dans le sens où elles s’appuyaient sur des hypothèses basées sur des infections respiratoires déjà connues, et non pas sur des constatations réalisées au fur et à mesure de l’observation des humains… »
Question : Quels sont les traitements expérimentaux les plus prometteurs à ce jour ?
Réponse, après de longues explications scientifiques : « Ce qui est inquiétant, dans ce qui nous concerne, est que l’équipe conseillère du Conseil scientifique, qui rapporte des données sur le Remdesivir ou sur l’hydroxychloroquine, est au mieux sont maladroites, au pire manipulée… je pense qu’il existe un problème très fondamental de conflits d’intérêts concernant la médecine dans ce pays, que le financement par les laboratoires pharmaceutiques représentent un financement comparable au budget de l’INSERM, et qu’il parait difficile d’être à la fois le bénéficiaire de financements massifs et de se prononcer raisonnablement sur des choix thérapeutiques qui concernent les médicaments d’un industriel qui les produit. »
Le Pr Raoult produit un tableau qui montre la relation entre l’augmentation du cours de bourse de Gilead (9 milliards de dollars échangés pendant la crise sanitaire Covid-19) et les attaques contre la chloroquine, médicament substituable au Remdesivir.
Lui-même, Didier Taoult, a fait l’objet de pressions « Des dénonceurs professionnels m’ont fait harceler, pour me faire rétracter des publications ».
Une anomalie
« La position du ministère qui a consisté [à faire interdire] la prescription d’hydroxychloroquine aux médecins généralistes, alors que ce médicament est le plus prescrit dans le monde dans le COVID, constitue une anomalie (…) J’ai même appris, par la télévision, que l’ancien Ministre, Mme Buzyn, avait prescrit de l’hydroxychloroquine à un producteur de télévision. »
Didier Raoult s’interroge sur « ce mystère français » qui décrédibilise durablement les décisions de l’Etat dans une situation de crise quand les praticiens sont massivement en désaccord avec les autorités et représente un danger pour l’avenir. »
Question sur le Remdesivir. Réponse : « Pour l’instant aucune publication ne m’a convaincu de son efficacité, et je doute profondément qu’il y ait une place pour le Remdesivir [dans le traitement du covid-19]. D’autant que « le Remdesivir est aussi un médicament très toxique, qui entraîne des insuffisances rénales… »
A propos de Discovery
Question sur l’essai Discovery. Réponse : « L’essai Discovery représente les conséquences d’un choix initial, qui était d’utiliser le Remdesivir, et celui-ci ne pouvant être utilisé que dans les formes graves du fait de sa toxicité. Il ne testait plus de la prise en charge des formes au début, ce que je pense être une erreur grave et une ignorance scientifique coupable sur la virologie. »
Questions sur les perspectives de la mise au point d’un vaccin.
« J’ai la plus grande incompréhension sur les recommandations vaccinales. Il n’y a aucune homogénéité sur les recommandations vaccinales en Europe, où il existe 23 programmes de vaccination différents, aucun rapport entre nos recommandations vaccinales et celles des États-Unis. Des vaccins extrêmement importants et efficaces comme celui de la varicelle (plusieurs de centaines de milliers de cas en France, par an), le rotavirus (plusieurs de centaines de milliers de cas), le papillomavirus, plus l’absence de mise en place d’une vaccination pour la grippe des enfants (la grippe aura tué probablement plus d’enfants cette année que le Covid), amène à penser que la création d’un vaccin, en dehors de son aspect symbolique, ne débouche pas nécessairement sur un usage. Je pense qu’il est plus urgent d’avoir une réflexion sur les vaccins existants actuellement, que sur les vaccins pour une maladie dont on ne sait pas si elle sera encore présente l’année prochaine.»
Question sur le confinement. Réponse de Didier Raoult : « Les isolements ont été faits sur un mode de quarantaine et non pas sur un mode de Lazaret, que nous connaissons bien à Marseille. Nous savons à Marseille, depuis plusieurs siècles, que le Lazaret (on isole les malades) a un intérêt (comme les sanatoriums) mais que la quarantaine (on confine tout le monde) ne fonctionne pas (elle consiste à enfermer des gens contagieux avec des non contagieux) et il se passe ce qui s’est passé sur les bateaux comme le Diamond Princess ou le Charles de Gaulle qui sont des exemples typiques de ce qu’est le confinement sans test préalable.»