Procès Kémi Séba-BCEAO: Quand des propos xénophobes favorisent la relaxe du prévenu

L’activiste panafricain Kemi Seba a été libéré après sa comparution le 29 août 2017, devant un tribunal de Dakar.

Procès Kémi Séba-BCEAO: Quand des propos xénophobes favorisent la relaxe du prévenu

Le leader du Front contre le franc-CFA, Kemi Seba, était devant la justice sénégalaise qui lui reprochait d’avoir brûlé un billet de 5000 Francs CFA.

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Pape Jean Seye, avocat de la BCEAO

On peut le dire sans se tromper, si Kemi Seba respire à nouveau l’air frais de la liberté, c’est en partie grâce aux propos xénophobes tenus par maître Pape Jean Seye, avocat commis par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’ouest (BCEAO). En effet, lors de sa plaidoirie, il a traité Kemi Seba d’étranger au Sénégal qui devrait aller dans son pays d’origine le Bénin pour mener son prétendu combat.  »C’est parce que le Sénégal est un pays hospitalier que vous vous permettez de venir y mettre le désordre. Est-il possible qu’un Sénégalais fasse la même chose au Bénin? Tu voyages avec des papiers français et tu viens troubler l’ordre au Sénégal. Je te prie d’aller mener ton combat dans ton pays parce qu’aujourd’hui tu es en train de traîner les jeunes Sénégalais même les plus petits dans un combat sans tête ni queue… ‘‘, a dit l’avocat de la BCEAO dans une salle d’audience où il n’y avait que des journalistes après que le juge ait ordonné l’évacuation des partisans de l’accusé qui faisaient trop de bruits selon lui.

Poursuivant, maître Pape Jean Seye a demandé à Kemi Seba si un Sénégalais pouvait se permettre de manquer de respect au Président du Bénin à Cotonou… Le juge surpris par ces propos a aussitôt levé la voix pour demander à l’avocat de la BCEAO de dépassionner le débat.  »Je vous invite à rester dans le débat », a-t-dit à l’endroit de l’avocat. L’avocat de la défense, maître Cheikh Koureyssi Ba, prenant la parole, a d’entrée présenté des excuses pour les propos de son confrère qu’il a jugé xénophobes.

Pour lui, les propos tenus par son confrère sont xénophobes et inacceptables de nos jours. Avant de s’interroger sur la plainte de l’institution financière régionale émettrice des billets de Francs CFA.  »Un homme vient d’être jugé dans cette salle avant mon client. Il a été mis aux arrêts pour détention de milliers de faux billets de CFA. Pourquoi la BCEAO ne s’est-elle pas constitué partie civile pour une affaire aussi grave alors qu’elle porte plainte pour l’altération d’un billet de 5000 francs CFA ? », s’est-il interrogé.

Avant de révéler que la BCEAO n’a jamais porté plainte lorsque ses agences de Bouaké, Korhogo et Man ont été pillé lors de la crise ivoirienne de 2002 à 2011. Une fois le verdict tombé avec la relaxe de son client, il a, au nom du barreau du Sénégal, tenu une fois de plus à présenter des excuses pour des propos tenus par son confrère.

La majorité des personnes ayant assisté à ce procès pensent que les propos xénophobes de l’avocat de la BCEAO qui est une banque des États de l’Afrique de l’ouest, où la liberté de circulation des personnes est une réalité, a poussé le magistrat à libérer Kemi Seba. Ce dernier a promis une fois chez lui, revenir sur les propos que l’avocat de la BCEAO a tenus à son endroit.

Saint-Tra Bi
Depuis Dakar au Sénégal, FratMat

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Kémi Séba fait des révélations
Kémi Séba est apparu serein devant le juge du flagrant délit, ce mardi 29 août à Dakar, dans le cadre du procès déclenché suite à la plainte de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), notifiée le 25 août via le cabinet de Me Adama Gaye.
 
Voici sa (prose de parole)  dans une salle acquise à sa cause qui a fini par être évacuée:
 
“Je me nomme Stellio Gilles Capo Chichi alias Kémi Séba. Je suis né le 9/12/1981 à Strasbourg en France. Je suis chroniqueur à Vox Africa. Je suis marié à deux épouses et père de trois enfants. Je suis de nationalité franco-béninoise et titulaire de passeport français et béninois dont je ne me rappelle pas de la référence. (…) Je jouis de toutes mes facultés physiques et mentales. J’ai été arrêté et condamné à 2 mois de prison ferme, en 2007 et 2014 en France, relativement à mes activités politiques contre Sarkozy et Hollande”.
 
“J’ai pris acte de l’objet de ma conduite au siège de votre service, relativement à cette plainte déposée par la BCEAO à mon encontre. Je tiens à préciser que depuis janvier 2017, (des membres) de la société civile africaine, issus de pays d’Afrique francophone, ont sous la direction de notre mouvement, et pour la première fois depuis la période des indépendances, commencé à organiser de façon simultanée des mobilisations dont l’objet est de lutter pour l’élimination du franc CFA et de la France-Afrique. C’est dans ce contexte que nous avons organisé au Sénégal, à la date du 19 août 2017, un sit-in à la place de l’Obélisque. Effectivement, je reconnais qu’au cours de mon allocation, j’ai brûlé un billet de 5.000 F CFA. Cet acte était illustratif par rapport aux idées que nous défendons.
 
Je tiens d’abord à préciser que le nommé Alioune Ibn Abitalib Sow n’était pas au courant de la volonté de brûler le billet. Aucun membre de mon organisation n’était au courant de l’action que je comptais poser. J’ai demandé à Alioune le briquet sans lui expliquer les raisons. La manifestation du 19 août 2017 portait sur la France-Afrique et non sur le franc CFA”.
 
“Pour dire vrai, je savais effectivement que le Code pénal a incriminé l’action de brûler un billet de banque ayant cours légal au Sénégal. Cependant, il faut comprendre par là qu’il y a un adage qui dit que face à une loi injuste et immorale aucun citoyen doté de raison n’est tenu de respecter cette dernière. Je précise que la loi de 1946, sur l’instauration du franc CFA, bien qu’elle ait subi, au cours des années, de légères modifications, est injuste, car elle nous a imposé une monnaie de servitude qu’est le franc CFA. Je n’ai pas l’idée dans le futur de brûler un autre billet. Mais, l’organisation de manifestations contre le franc CFA va clairement s’amplifier dans toute l’Afrique. (…) J’appelle la justice et la BCEAO à comprendre que mon acte était un acte purement symbolique et je ne cherche pas à être l’ennemi, mais j’assume pleinement mon acte”.
 
Dans son plaidoyer, le représentant de la BCEAO s’est limité sur l’aspect légal de l’acte de Kémi Séba: “La monnaie est un attribut de la souveraineté. Seule la BCEAO a le pouvoir de décider de la non circulation d’un billet. C’est pourquoi, il est imposé aux banques de reverser les fonds reçus de leur client à titre de vérification. Seule la BCEAO peut détruire un billet, avec l’accord de la hiérarchie”, a déclaré Ahmadou Alhaminou M. Lo, Directeur national de la BCEAO, entendu sur Procès-verbal .

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